Quel brouillard, ce matin ! Ça fait bien une heure que je suis parti et on ne voit pas à dix mètres. Quel brouillard !
C’est bien ma veine. Ma vieille caisse, que j’adore et qui m’a emmenée partout me cherche des noises, en plus du brouillard insistant, le tableau de bord fait des siennes. La jauge d’essence est à zéro malgré le plein avant de partir, les autres éléments, vitesse et tutti quanti s’affolent quand je mets en pleins phares et pour couronner le tout, ce maudit mal de crâne qui m’a pris en partant.
Bien sûr, à m’arracher les yeux pour voir la route, ça me scie le cerveau. Ah ! Je suis dans le brouillard. Pourtant cette voiture, je la bichonne, c’est une histoire d’amour en elle et moi. Elle a son petit chez elle dans un parking privé, propre à l’extérieur et nickel à l’intérieur et voilà qu’elle me trahit. Je lui avait dit : « allez, on va retrouver les copains sur la côte atlantique pour un petit weekend de rigolades arrosées » et voilà, c’est la trahison, Madame fait des siennes.
Je ne dois pas dépasser le 50 km/h sûrement puisque ce maudit compteur à l’aiguille buissonnière raconte n’importe quoi, et toujours ce mal de crâne à vouloir percer ce blanc cotonneux, je vois à peine le bout de la calandre.
Quand j’ai vu que le tableau de bord commençait à donner des signes d’indépendance, j’ai tout de suite pris des petites routes pour éviter la circulation et puis là, plus rien heureusement.
Personne en face, les phares m’auraient ébloui mais personne aussi dans mon sens de circulation. J’aurais pu suivre des feux arrière plutôt que de m’échiner à distinguer la route, le visage collé au pare-brise.
J’ai l’impression d’avancer à rien, de faire du surplace et que cela fait des heures que je roule. Le brouillard est déroutant, c’est le cas de le dire.
Il va falloir que je m’arrête pour me reposer un peu, j’ai vraiment trop mal.
Et si elle refusait de redémarrer, juste comme ça pour me punir de l’emmener sur des routes improbables. J’aurais dû renoncer quand ce brouillard est monté d’un seul coup et faire demi-tour. J’aurai prévenu la bande de potes et ils auraient compris : « brouillard et accidents vont de pair, les copains ».
Mais voilà, Suzy m’a dit : « je serai heureuse que tu viennes pour cette fois, j’aime bien quand tu es là ».
Alors moi, moi j’y serais allé au bord de la mer, et sur les genoux, s’il avait fallu.
Mais qu’allait-il donc faire dans cette galère ? N’est ce pas Jean-Baptiste ? Tout simplement pour une jolie fille qui t’a fait de l’œil comme Tony Perkins.
Allez, je m’arrête cinq minutes pour dormir un peu et au premier village, je me trouve une pharmacie pour acheter un truc contre le mal de tête. C’est infernal cette douleur !
Je vais laisser tourner le moteur, j’ai froid et je suis sûr qu’ainsi on pourra repartir, surtout que depuis un bon moment, il y a un bip bip incessant qui présage rien de bon pour la suite des événements. Je suis certain que cela vient des essuie-glaces qui sont dans la peine avec cette purée de pois.
- Qu’en pensezvous docteur ? Il est dans le coma après être passé sous un camion en quittant l’autoroute. Sa voiture a été écrabouillée.
- Traumatisme crânien, il a eu de la chance, il peut s’en sortir. Il est très agité, c’est surprenant.
- On dirait qu’il n’a pas fini de conduire, qu’est ce qu’on fait, docteur ?
- Rien, ne le débranchez pas ! Il va bien finir par s’arrêter.
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Chute alternative :
Flûte ! J’ai dû dormir deux heures et ce moteur qui tourne toujours avec ce bip incessant.
Ah ! Je suis aveuglé. Des pleins phares qui arrivent en face. Quelle lumière ! Ça fait mal, où suis-je ? Je suis allongé mais qu’est-ce qui se passe ? J’ai mal à la tête, c’est quoi tous ces appareils ?
- Oh ! Vous êtes réveillé. Bravo ! Ne bougez pas, je vais chercher le docteur.
- Où suisje ? qui êtes-vous ?
- Vous avez eu un accident de voiture, vous êtes à l’hôpital, on s’occupe de vous.
- Ça fait longtemps ?
- Vous êtes dans le coma depuis un mois.
- Et le brouillard ?
- Quel brouillard ?
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