* 22 Nomansland

 

 

 

Installée depuis deux jours dans l’ancien appartement familial, je respire à nouveau. J’avais dû faire plusieurs voyages pour transporter mon matériel et mes dossiers. Je craignais à chaque rotation de retrouver mes affaires vandalisées.

Ici, c'est pire qu’un centre de rétention, rien, pas de lit, une chaise bancale et un plan de travail de cuisine. Ce qui me coûte le plus c’est de devoir aller chercher de l’eau. N’ayant qu’un seau pour effectuer cette opération, je dois faire des allers-retours depuis la cour de l’immeuble d’à côté où un robinet n’en délivre qu’un mince filet.

Pourtant, je me sens beaucoup mieux dans cette situation, la haine et la veuleries, sans parler de la tentative de viol dont j’avais fait l’objet à mon ancienne adresse m’avaient plongée dans le désespoir. On m’avait enseigné à la fac qu’il fallait commencer par apprendre à déconstruire le réel pour le construire à nouveau.

Bonne théorie, je vous le confirme, après la théorie, j'étais désormais dans la phase des travaux pratiques. J’étais prise entre deux sentiments : faire table rase du passé, ce dont je doutais, et me projeter dans l’avenir, en faisant des projets, ce qui par les temps qui couraient et au vu du contexte, me laissait perplexe.

Il n’était pas temps de trop réfléchir, dans cet appartement vide il fallait que je m’organise. Je me suis donc faite chiffonnière, tournant dans les rues pour récupérer le matériel nécessaire à mon installation, comme des cartons en lieu et place d’un matelas. J’en avais bien trouvé un pas trop sale, mais devant son poids, j'avais dû abandonner le projet de le ramener. De plus une bande de pauvres hères comme moi avait commencé à se rapprocher, l’air rébarbatif et bien, pensez ce que vous voudrez, j’ai pris peur et je leur ai laissé le matelas. Je me suis mise en quête de caisses à orange pour y ranger mes affaires et tout ce que j’avais récupéré dans l’appartement. C’était déjà plus facile à manipuler et le résultat était immédiat.

Les premières nuits, couchée sur des cartons, furent un vrai cauchemar, une pile en dessous une pile dessus, après un quart d’heure, j'avais le dos rompu. Sur le petit matin, le froid s’était emparé de mon corps et j’avais commencé à grelotter, sans évidemment pouvoir retrouver le sommeil, et pas question de lire je n’avais rien pour m’éclairer.

Le jour avait fini par percer, j’avais moins peur d’une intrusion, mais j’étais encore sous le choc de la visite nocturne de mon gentil voisin. Pas possible de se faire une tasse de thé ou de café, je n’avais plus rien.

La lumière du jour m’avait permis de me mettre au tri de mes baluchons. Dans un instant de profonde détresse, vous prenez conscience que la chute sociale peut être rapide. Par exemple, ne pas avoir la possibilité de se laver le corps ou les dents, un détail peut-être, mais une horreur quand on doit le vivre.

Pas de linge de rechange, je n’avais emporté que le minimum vital, trop effrayée par ce que j’imaginais qu’il pourrait m’arriver si les autres habitants de l’immeuble avaient compris que j’étais en train de m’enfuir. Ici tout était sale à souhait, au début, je n’osais toucher à rien, mais l’on se fait vite à la déchéance au bout de deux jours, je n’y pensais même plus, mes mains avaient adopté, une teinte bizarre.

Le froid et la saleté s’imposent à vous et vous les intégrez, mais la faim, oui la faim, quand elle vous mord le ventre, vous avez l’impression que vos entrailles sont lacérées à petit feu, progressivement tout se rétracte en vous, les viscères prennent de moins en moins de place et un trou, que dis-je un cratère s’ouvre au centre de votre abdomen.

Bouffées de chaleur, grelottements, le cerveau qui disjoncte comme un portable dont la batterie est trop faible. Habituée à m’approvisionner sans difficulté je n’avais aucun plan B pour trouver de quoi m’alimenter, j’en arrivais à imaginer que j’allais mourir sous mes cartons dans des souffrances que je n’avais jamais subodorées.

Alors, pour tenir, je me dopais au tri et classement, comme si l’avenir en dépendait Caisses à oranges d’un côté, feuilles de vieux quotidien comme chemise de rangement d’un autre, je me cramponnais à mon travail comme une damnée. J’avais déjà opéré un premier tri lors de mon passage précédent, désormais j’affinais.

Jeter, jeter encore, l’avenir ne dépend pas que de l’ancien, mais l’envie de garder une trace de sa famille, de son enfance, est plus forte que tout et je devais me faire violence. Je commençais à penser qu’après deux ou trois tris successifs il ne resterait pas grand-chose.

Je ne touchais les documents de mes parents que du bout des doigts dossier administratif, courrier, il y avait la vie de famille et leur vie à eux et c’était tout de même important de garder ses distances.

J’étais de plus en plus sale, et ce n’était rien par rapport à la faim. Il devenait urgent que je trouve une solution.

J’étais donc ressortie en quête de quelque chose à manger, faut avouer que j’avais fouillé dans les tas d’ordures. Les premières minutes furent très pénibles, l’odeur les rats, les chiens et la concurrence. On ne me voyait pas arriver avec de la tendresse dans le regard. Se faire discrète, humble, ne pas parler, baisser les yeux ?

En dépit de toutes ces précautions, j’avais dû m’enfuir plusieurs fois sentant monter les tensions. Tous ces individus en recherche de nourriture avaient à la main une espèce de crochet en fer qui leur permettait de trier sans mettre les mains dans les déchets. Lorsqu’une rixe éclatait, ces outils devenaient des armes très efficaces, susceptibles de provoquer des blessures épouvantables. Un après-midi de ce régime et j’avais abandonné, je ne m’étais pas encore suffisamment enfoncée dans la misère. Je savais pertinemment que sans solution à court terme, j’allais sombrer très vite.

Une pause sur les marches d’un escalier, pour réfléchir et reprendre mes esprits. J’étais désespérée au trente-sixième dessous.

  • Vous savez il ne faut pas rester là, ça n’est pas prudent.

Une dame sans âge se tient devant moi, elle aurait pu passer sans rien dire, eh bien non, elle avait pris le temps de s’arrêter pour me parler. Elle a fouillé dans son sac et m’avait tendu une pomme.

  •  C’est tout ce que je peux faire, mais de grâce partez vite. Cherchez dans les supermarchés, tout est ravagé, mais dans les décombres, il y a des trouvailles à faire.

Le temps que je réagisse elle avait tourné le coin de la rue, ses mots m’avaient remise sur pied, si elle se tenait droite, je devais être à même d’en faire autant.

Je suis allée en premier lieu à une fontaine où paraît-il, coulait encore de l’eau. Je n’allais pas me mettre nue pour me laver, mais un bon rafraîchissement du visage des bras et des jambes me firent un bien fou.

Ensuite, une tournée des supérettes, bien observer avant d’entrer pour ne pas tomber sur des pillards agressifs. Cette femme m’avait porté chance, sous des gondoles renversées une réserve de boîtes de conserves de réassort avait été oublié.

J’avais récupéré un sac de caisse, j’y avais enfourné des boîtes de crème de marron, de soupe et de sardines, des bougies, et j’allais oublier le principal, un ouvre-boîte et une cuillère au rayon du petit matériel de cuisine. Retour à l’appart en rasant les murs, tant je craignais de me faire voler mes trésors. Il fallait aussi que je me trouve une couverture, j’avais trop souffert lors de ma première nuit.

Un vrai repas de luxe, une sardine sans pain mais basta, on fait avec, puis une demi-boîte de crème de marron qui a fait remonter en moi des rêves de Damnation, un dessert familial du dimanche soir, mariant crème de marron et glace à la vanille, nappé de chocolat fondu avec de la crème fraîche, un petit rêve quoi.

 Dans ma détresse, ce qui m’avait le plus blessé, c’était d’avoir entendu certains de mes colocataires femmes m’insulter, pensant que je n’étais pas là.

La désillusion avait été terrible, je devais être naïve, mais ça n’était pas ma conception de la solidarité féminine, ni de la vie sociale en général. Trois bougies posées sur des boîtes de conserve et c’est Versailles.

C’est du luxe, mais nécessaire pour pouvoir lire. J’ai dans la tête que mes changements de comportement et la perte de certaines de mes capacités trouvent leur racine dans les dossiers que j’ai là sous mes yeux.

Je les ai déjà tous inventoriés sans savoir ni constaté l’effet qu’ils ont pu avoir sur moi. 

  • Il y a un dossier courrier, mais celui-là je n’y ai pas touché, ce ne serait le cas qu’en dernier ressort, le courrier c’est du domaine de l’intime et l’intime de mes parents je ne veux pas en entendre parler.
  • Un dossier patrimoine ; actes de propriété, impôts locaux … vu l’état du dit patrimoine il n’y a plus grand-chose à en attendre.
  • Un dossier intitulé justice, celui-là je l’ai entrebâillé un sentiment de voyeurisme au cœur. Il contient deux sous dossiers ; un dossier divorce et un dosser pension alimentaire.

Je jetais certains documents, en lisais d’autres, au bout d’un certain temps il s’est produit une forme de dédoublement, voire d’extension de mon esprit, de ma pensée.

Mes oreilles furent prises d’une forme d’acouphènes à vous déchirer les tympans. Mon cerveau cliquetait, bouillonnait, pour finalement échapper à mon contrôle. Une sorte de réacteur de centrale nucléaire dont on n’arrive plus à couper la montée en puissance. Les barres d’uranium une fois engagées ne pouvant plus être remontées.

Ici pas d’uranium mais une angoisse qui doucement me submergeait, je ne sentais plus le sol, je ne m’envolais pas mais l’environnement était devenu cotonneux, une sorte d’effet chamallow. Le déclencheur se trouvait dans ce que j’avais sous les yeux mais mon cerveau jusqu’à présent résistait encore, me refusant toute interprétation ou toute compréhension.

Le cœur au bord des lèvres, la tête toute bruissante comme la forêt sous la tempête, je m’étais mise à réfléchir à la personne à qui je pourrais confier mes angoisses pour faire revenir mon rythme cardiaque à un niveau plus raisonnable.

En contrôlant ma respiration j’étais parvenue à m’endormir en me disant,

 Ca va me revenir cette nuit. À mon réveil j’étais de retour dans le salon d’Ermelinda ma prof de sanskrit, j’étais lovée sur son canapé.

C’est le contact de sa main sur mon front qui par sa fraîcheur m’avait tirée du sommeil !

 

 

 

Installée depuis deux jours dans l’ancien appartement familial, je respire à nouveau. J’avais dû faire plusieurs voyages pour transporter mon matériel et mes dossiers. Je craignais à chaque rotation de retrouver mes affaires vandalisées.

Ici, c'est pire qu’un centre de rétention, rien, pas de lit, une chaise bancale et un plan de travail de cuisine. Ce qui me coûte le plus c’est de devoir aller chercher de l’eau. N’ayant qu’un seau pour effectuer cette opération, je dois faire des allers-retours depuis la cour de l’immeuble d’à côté où un robinet n’en délivre qu’un mince filet.

Pourtant, je me sens beaucoup mieux dans cette situation, la haine et la veuleries, sans parler de la tentative de viol dont j’avais fait l’objet à mon ancienne adresse m’avaient plongée dans le désespoir. On m’avait enseigné à la fac qu’il fallait commencer par apprendre à déconstruire le réel pour le construire à nouveau.

Bonne théorie, je vous le confirme, après la théorie, j'étais désormais dans la phase des travaux pratiques. J’étais prise entre deux sentiments : faire table rase du passé, ce dont je doutais, et me projeter dans l’avenir, en faisant des projets, ce qui par les temps qui couraient et au vu du contexte, me laissait perplexe.

Il n’était pas temps de trop réfléchir, dans cet appartement vide il fallait que je m’organise. Je me suis donc faite chiffonnière, tournant dans les rues pour récupérer le matériel nécessaire à mon installation, comme des cartons en lieu et place d’un matelas. J’en avais bien trouvé un pas trop sale, mais devant son poids, j'avais dû abandonner le projet de le ramener. De plus une bande de pauvres hères comme moi avait commencé à se rapprocher, l’air rébarbatif et bien, pensez ce que vous voudrez, j’ai pris peur et je leur ai laissé le matelas. Je me suis mise en quête de caisses à orange pour y ranger mes affaires et tout ce que j’avais récupéré dans l’appartement. C’était déjà plus facile à manipuler et le résultat était immédiat.

Les premières nuits, couchée sur des cartons, furent un vrai cauchemar, une pile en dessous une pile dessus, après un quart d’heure, j'avais le dos rompu. Sur le petit matin, le froid s’était emparé de mon corps et j’avais commencé à grelotter, sans évidemment pouvoir retrouver le sommeil, et pas question de lire je n’avais rien pour m’éclairer.

Le jour avait fini par percer, j’avais moins peur d’une intrusion, mais j’étais encore sous le choc de la visite nocturne de mon gentil voisin. Pas possible de se faire une tasse de thé ou de café, je n’avais plus rien.

La lumière du jour m’avait permis de me mettre au tri de mes baluchons. Dans un instant de profonde détresse, vous prenez conscience que la chute sociale peut être rapide. Par exemple, ne pas avoir la possibilité de se laver le corps ou les dents, un détail peut-être, mais une horreur quand on doit le vivre.

Pas de linge de rechange, je n’avais emporté que le minimum vital, trop effrayée par ce que j’imaginais qu’il pourrait m’arriver si les autres habitants de l’immeuble avaient compris que j’étais en train de m’enfuir. Ici tout était sale à souhait, au début, je n’osais toucher à rien, mais l’on se fait vite à la déchéance au bout de deux jours, je n’y pensais même plus, mes mains avaient adopté, une teinte bizarre.

Le froid et la saleté s’imposent à vous et vous les intégrez, mais la faim, oui la faim, quand elle vous mord le ventre, vous avez l’impression que vos entrailles sont lacérées à petit feu, progressivement tout se rétracte en vous, les viscères prennent de moins en moins de place et un trou, que dis-je un cratère s’ouvre au centre de votre abdomen.

Bouffées de chaleur, grelottements, le cerveau qui disjoncte comme un portable dont la batterie est trop faible. Habituée à m’approvisionner sans difficulté je n’avais aucun plan B pour trouver de quoi m’alimenter, j’en arrivais à imaginer que j’allais mourir sous mes cartons dans des souffrances que je n’avais jamais subodorées.

Alors, pour tenir, je me dopais au tri et classement, comme si l’avenir en dépendait Caisses à oranges d’un côté, feuilles de vieux quotidien comme chemise de rangement d’un autre, je me cramponnais à mon travail comme une damnée. J’avais déjà opéré un premier tri lors de mon passage précédent, désormais j’affinais.

Jeter, jeter encore, l’avenir ne dépend pas que de l’ancien, mais l’envie de garder une trace de sa famille, de son enfance, est plus forte que tout et je devais me faire violence. Je commençais à penser qu’après deux ou trois tris successifs il ne resterait pas grand-chose.

Je ne touchais les documents de mes parents que du bout des doigts dossier administratif, courrier, il y avait la vie de famille et leur vie à eux et c’était tout de même important de garder ses distances.

J’étais de plus en plus sale, et ce n’était rien par rapport à la faim. Il devenait urgent que je trouve une solution.

J’étais donc ressortie en quête de quelque chose à manger, faut avouer que j’avais fouillé dans les tas d’ordures. Les premières minutes furent très pénibles, l’odeur les rats, les chiens et la concurrence. On ne me voyait pas arriver avec de la tendresse dans le regard. Se faire discrète, humble, ne pas parler, baisser les yeux ?

En dépit de toutes ces précautions, j’avais dû m’enfuir plusieurs fois sentant monter les tensions. Tous ces individus en recherche de nourriture avaient à la main une espèce de crochet en fer qui leur permettait de trier sans mettre les mains dans les déchets. Lorsqu’une rixe éclatait, ces outils devenaient des armes très efficaces, susceptibles de provoquer des blessures épouvantables. Un après-midi de ce régime et j’avais abandonné, je ne m’étais pas encore suffisamment enfoncée dans la misère. Je savais pertinemment que sans solution à court terme, j’allais sombrer très vite.

Une pause sur les marches d’un escalier, pour réfléchir et reprendre mes esprits. J’étais désespérée au trente-sixième dessous.

  • Vous savez il ne faut pas rester là, ça n’est pas prudent.

Une dame sans âge se tient devant moi, elle aurait pu passer sans rien dire, eh bien non, elle avait pris le temps de s’arrêter pour me parler. Elle a fouillé dans son sac et m’avait tendu une pomme.

  •  C’est tout ce que je peux faire, mais de grâce partez vite. Cherchez dans les supermarchés, tout est ravagé, mais dans les décombres, il y a des trouvailles à faire.

Le temps que je réagisse elle avait tourné le coin de la rue, ses mots m’avaient remise sur pied, si elle se tenait droite, je devais être à même d’en faire autant.

Je suis allée en premier lieu à une fontaine où paraît-il, coulait encore de l’eau. Je n’allais pas me mettre nue pour me laver, mais un bon rafraîchissement du visage des bras et des jambes me firent un bien fou.

Ensuite, une tournée des supérettes, bien observer avant d’entrer pour ne pas tomber sur des pillards agressifs. Cette femme m’avait porté chance, sous des gondoles renversées une réserve de boîtes de conserves de réassort avait été oublié.

J’avais récupéré un sac de caisse, j’y avais enfourné des boîtes de crème de marron, de soupe et de sardines, des bougies, et j’allais oublier le principal, un ouvre-boîte et une cuillère au rayon du petit matériel de cuisine. Retour à l’appart en rasant les murs, tant je craignais de me faire voler mes trésors. Il fallait aussi que je me trouve une couverture, j’avais trop souffert lors de ma première nuit.

Un vrai repas de luxe, une sardine sans pain mais basta, on fait avec, puis une demi-boîte de crème de marron qui a fait remonter en moi des rêves de Damnation, un dessert familial du dimanche soir, mariant crème de marron et glace à la vanille, nappé de chocolat fondu avec de la crème fraîche, un petit rêve quoi.

 Dans ma détresse, ce qui m’avait le plus blessé, c’était d’avoir entendu certains de mes colocataires femmes m’insulter, pensant que je n’étais pas là.

La désillusion avait été terrible, je devais être naïve, mais ça n’était pas ma conception de la solidarité féminine, ni de la vie sociale en général. Trois bougies posées sur des boîtes de conserve et c’est Versailles.

C’est du luxe, mais nécessaire pour pouvoir lire. J’ai dans la tête que mes changements de comportement et la perte de certaines de mes capacités trouvent leur racine dans les dossiers que j’ai là sous mes yeux.

Je les ai déjà tous inventoriés sans savoir ni constaté l’effet qu’ils ont pu avoir sur moi. 

  • Il y a un dossier courrier, mais celui-là je n’y ai pas touché, ce ne serait le cas qu’en dernier ressort, le courrier c’est du domaine de l’intime et l’intime de mes parents je ne veux pas en entendre parler.
  • Un dossier patrimoine ; actes de propriété, impôts locaux … vu l’état du dit patrimoine il n’y a plus grand-chose à en attendre.
  • Un dossier intitulé justice, celui-là je l’ai entrebâillé un sentiment de voyeurisme au cœur. Il contient deux sous dossiers ; un dossier divorce et un dosser pension alimentaire.

Je jetais certains documents, en lisais d’autres, au bout d’un certain temps il s’est produit une forme de dédoublement, voire d’extension de mon esprit, de ma pensée.

Mes oreilles furent prises d’une forme d’acouphènes à vous déchirer les tympans. Mon cerveau cliquetait, bouillonnait, pour finalement échapper à mon contrôle. Une sorte de réacteur de centrale nucléaire dont on n’arrive plus à couper la montée en puissance. Les barres d’uranium une fois engagées ne pouvant plus être remontées.

Ici pas d’uranium mais une angoisse qui doucement me submergeait, je ne sentais plus le sol, je ne m’envolais pas mais l’environnement était devenu cotonneux, une sorte d’effet chamallow. Le déclencheur se trouvait dans ce que j’avais sous les yeux mais mon cerveau jusqu’à présent résistait encore, me refusant toute interprétation ou toute compréhension.

Le cœur au bord des lèvres, la tête toute bruissante comme la forêt sous la tempête, je m’étais mise à réfléchir à la personne à qui je pourrais confier mes angoisses pour faire revenir mon rythme cardiaque à un niveau plus raisonnable.

En contrôlant ma respiration j’étais parvenue à m’endormir en me disant,

 Ca va me revenir cette nuit. À mon réveil j’étais de retour dans le salon d’Ermelinda ma prof de sanskrit, j’étais lovée sur son canapé.

C’est le contact de sa main sur mon front qui par sa fraîcheur m’avait tirée du sommeil !