Est-il possible d’imaginer cette situation il y seulement 70 ans… Comment cette petite chose noire à peine plus grosse qu’une boîte d’allumettes peut procurer des angoisses de cette ampleur au point d’en faire une fixation qui peut changer la vie en dix secondes ! Ce portable que l’on emmène partout, ce portable que l’on consulte à tout moment… Ce portable qui nous rend malheureux quand on l’oublie, si des fois… 

Comment est-il possible que l’humanité ait vécu des millions d’années sans portable ? Mystère.

Est-il possible que cette petite chose puisse à tout moment apporter le bonheur où détruire toute une vie…

Avec une voix connue ou inconnue, venant de son voisin ou venant du bout du monde, sortant d’une boîte où, peut-être, des espions ou des extra-terrestres se gargarisent…

La vitesse de l’information peut être destructrice ou bienfaitrice…

Il y a un bon demi-siècle, qu’elle soit bonne ou mauvaise, l’info ne polluait pas le cerveau instantanément, on avait le temps de se préparer à la bonne ou à la mauvaise nouvelle, sans stresser, sans fantasmer ; on avait le temps d’analyser posément les conséquences heureuses ou dévastatrices d’une réponse que l’on attendait… fût-elle verbalement ou écrite… On avait le temps d’y réfléchir, de peser le pour et le contre…

Pas étonnant qu’on ait envie parfois de mettre le pied dessus… Et pourtant que l’on est triste quand on l’a perdu.

Je dis parfois à mes enfants et encore plus à mes petits-enfants, que jadis ! il y a un bon demi-siècle… on partait pour la semaine à 12 ou 14 ans, à vélo (quand on avait la chance d’avoir un vélo… ou la chance de pouvoir continuer ses études), pour le collège ou le centre d’apprentissage, à 20 km ou plus… Personne ne savait si l’on était bien arrivé à bon port… Personne ne savait si l’on reviendrait le week-end suivant… Si l’on avait eu froid, si l’on avait eu faim, si l’on avait été malade… Pas plus que l’on ne savait si maman attendait un bébé… On le découvrait au retour !

Le regard de mes petits-enfants, leur portable à la main ou à l’oreille, ou les doigts pianotant sur l’écran, m’écoutent d’un air pensif. Bien sûr, personne n’en croit mot !

Il est un peu roublard le papy.

Une sonnerie ! Une sonnerie qui peut changer la vie ? Faudrait-il en changer ?

Et si l’on vivait sans portable…

Ma sieste se termine, c’est dimanche. Il est déjà 16 heures !

Chérie, où est le téléphone ? Est-ce que l’on a eu des messages après le déjeuner…