Comment reprendre le cours de sa vie 

Après cette descente en enfer.

Que toutes les lumières se soient éteintes

Et disparu le chant des oiseaux.

Il était mon soleil,

je n’en ai pas pris conscience.

Mes larmes semblent asséchées

Mais coulent en m’inondant le cœur.

*****

Je me suis enfin endormie après des heures de déambulation

Quand un bruit strident m’a tiré du sommeil.

Quelque part dans la maison

Une stridence sourde griffe la nuit.

Je pense, quel est l’importun qui appelle à cette heure ?

Cela dure, crispant tout le corps à la limite des crampes.

Impossible de se rendormir avec cette invasion sonore.

La douleur est telle que je me lève pour interrompre l’importun.

*****

Que peut-on devenir 

quand toutes les lumières se sont éteintes 

et même disparu le chant des oiseaux ?

Depuis le drame, je barricade la maison ;

Je suis en arrêt de maladie.

N’acceptant que les visites du médecin.

Et de l’amie qui nous approvisionne 

Pour nous éviter de mourir de faim !

A cet instant je n’ai qu’une peur.

C’est que cet appel réveille mon fils 

et ne le fasse sortir de son lit, 

quand il me trouve dans cet état, 

il ne peut s’empêcher de pleurer.

Comme le fleuve en crue il m’inonde alors du flot de sa détresse.

*****

J’arrive à la moitié de l’escalier quand la terreur me saisit

Il avait cette habitude d’appeler ainsi lorsqu’il était en déplacement.

Là au plus profond de la nuit comme pour un rendez-vous secret.

Il prétendait qu’à cet instant nous étions plus apaisés.

Que cette heure tardive effaçait nos blocages

en nous débarrassant de nos inhibitions. 

Sa hantise était que les Arcanes de la vie 

Ne l’enferment comme les bras d’un poulpe.

Cette pensée insensée que ce puisse être lui m’a tellement secouée que je dois 

m’accrocher à la rampe pour ne pas rouler jusqu’au bas des marches.

Je sais, c’est stupide, tout cela n’a pas de fondement !

Assise sur une marche, l’angoisse m’empêche de respirer. 

Me calmer, retrouver mon souffle.

Je ferme les yeux, je le vois là, en bas des marches, son regard lumineux

tourné vers moi, son petit sourire aux lèvres, disant.

  •  Eh bien qu’est-ce qu’il t’arrive, descends je t’attends.
  •  
  • *****

Sur la table basse l’autre continue de distiller son message,

frétillant comme une blatte en extase.

Je hurle, cela suffit.

J’ai l’impression que l’on entend plus que lui.

En vibrant le téléphone a gagné le bord de la table d’où il choit et 

qu’enfin cesse son tapage incongru.

J’ai envie de savoir, je m’approche et tourne autour de l’objet de mon tourment.

Il est à l’envers, il faudrait que je m’en saisisse.

Et ça c’est au-dessus de mes forces.

*****

Le lendemain je n’ose m’entretenir de cette intrusion avec mon amie 

lorsqu’elle vient déposer les courses.

Elle est effrayée par mon état, je n’ai pas dormi de la nuit.

J’ai les yeux cernés et les cheveux à l’envi.

Elle me serre contre elle et me dit à l’oreille :

  • Tu veux que l’on parle, ou tu vas dormir.

J’ai choisi d’aller dormir après qu’elle m’ait préparé un bol de chocolat.

La regarder partir tenant mon fils par la main a réveillé mes peurs.

*****

Cette nuit, le téléphone a recommencé son harcèlement.

 J’aurais pu l’en empêcher, mais pour cela, encore aurait-il fallu que je 

parvienne à m’en saisir et l’éteigne pour qu’il se taise.

C’est au-delà de mes forces, je reste accrochée à ma folle 

espérance que c’est lui qui, appelle.

Il m’est impossible de vérifier, si ce n’est pas lui, vous imaginez ma déception 

et ma douleur devant les débris de mes espérances déçues.

Je pourrais suffoquer, et mourir asphyxiée. 

Je dois me préserver pour accompagner notre enfant.

Je me demande si je suis devenue sourde

Ou si ce sont les oiseaux qui sont réellement devenus silencieux ?

*****

J’ai consacré ma journée à son bureau

espérant y trouver un indice

mais les policiers ont emporté tant de choses

que j’ai peu d’espoir.

Je travaille avec minutie : tirant les meubles,

 sortant les tiroirs pour les retourner, roulant le tapis. 

Rien, il n’y a rien, tout est nickel comme dans un laboratoire médical.

Côté police, personne ne m’a rien dit, et l’on ne m’a rien rendu.

Son ordinateur et ses dossiers ne me seront probablement pas restitués.

Chaque soir, je reste là, à attendre, dans le noir

allongée sur le canapé, l’oreille tendue vers le téléphone 

attendant qu’il reprenne sa danse de saint Guy.

Invariablement au cœur de la nuit la blatte se déchaîne

et la terreur me submerge.

Est-ce si terrible pour que le soleil soit mort !

J’ai perdu dix kilos, il faut que cela cesse

Ou je n’y survivrai pas.

Mon amie et mon médecin se sont concertés.

Ils parlent de demander mon hospitalisation

pour que l’on me nourrisse à l’aide d’une sonde gastrique

Ils veulent faire bloquer ma ligne téléphonique…

Ils peuvent prendre toutes les décisions

Qu’ils jugent utile me concernant,

Cela n’y changera rien.

C’est dans ma tête que gronde la tempête d’équinoxe.

Alors, ici ou là-bas avec ou sans téléphone

les questions continueront de déferler 

à la manière des dépressions venues de l’océan. 

J’ai bu mon bol de chocolat,

je me suis sentie partir dans le sommeil.

Qui étais-tu toi que j’ai aimé

Que j’aime toujours 

Qui en partant a emporté le soleil 

et effacé le chant des oiseaux.