Elle est en train de corriger les cahiers de ses CE2. Conjuguer le verbe être au présent de l'indicatif. Tiens, celui-là s'est laissé emporter par sa plume. Je suis, tu es, il suit. Quoique... Être, c'est bien cela, suivre le mouvement. Depuis que l'on a été jeté dans la vie, que peut-on faire d'autre ? Et si l'on refuse de suivre, il n'y a plus qu'à se sui-cider... On est, à notre corps défendant, (ou non) obligé de se lever le matin, de prendre le métro, de répondre au téléphone et tout le reste.

Elle ne sait plus très bien si elle doit mettre du rouge sur la copie, ou si cet enfant est un philosophe en herbe...

 

         Elle se revoit, petite, apprendre les subtilités des temps. Le présent peut servir à une action passée qui continue. On utilise le présent pour exprimer un futur proche. Combien de temps elle a rêvé sur ces notions ! Alors, le présent peut être aussi bien hier que demain ! C'est bien la peine...

 

         Le présent, c'est une servitude. Le passé, on peut toujours l'occulter, l'enjoliver, mais le présent, on fait avec. Car ce qui est présent maintenant ne l'était pas ne serait-ce qu'il y a deux minutes, et ne le sera plus dans deux minutes.

         Sauf ce qui est figé dans le temps. Une statue, par exemple. De marbre. Par conséquent immuable. Ou presque. À moins qu'elle ne soit dynamitée par Daesh. Auquel cas on dit que c'est notre passé qu'on assassine. Pas notre présent. Et qu'on ne peut pas rester de marbre devant de telles exactions.

 

         Et les Anglais, eux, est-ce qu'ils s'en sortent mieux ? Le présent continu et le présent simple. On utilise l'un pour ce qui se passe maintenant et l'autre pour ce qui est toujours vrai.

Mais alors, c'est quoi le présent continu ? Cela pourrait-il être un son, qui ne s'interrompt pas sur la chaîne du temps, un acouphène par exemple, qui se rappelle constamment à notre souvenir, un présent qu'on aimerait bien voir s'absenter, mais qui risque bien de ne disparaître qu'au moment de notre mort. Ce qui le rend d'emblée beaucoup plus sympathique, car si j'ai cet acouphène, cela veut dire que je vis, et qu'il me dit peut-être comme dans la chanson : « dépêche-toi de vivre, il en est encore temps, bientôt la poêle à frire, et adieu le beau temps... » Est-ce que j'ai fait le tour de ce présent continu ? Quel est le grammairien qui a inventé ce terme par opposition (!!!) au présent simple.

 

         She's writing, she writes. Elle écrit, elle écrit. Attends, j'écris un mot. Que faites-vous dans la vie ? J'écris. Et dire qu'il y en a au moins un pour juger que c'est simple. Comme si c'était simple, d'écrire !