Il y a cette image entre eux, qui fait écran, qui fait soudure, entre eux.

 

On le pose là, un écran, on l’oublie, on y revient, ensemble ou pas.


Cette image, une photo, qu'il envoie, lui, en réponse presque immédiate à son message poli, par mél, un mois après leur rencontre, pour se rappeler à son bon souvenir.

 

Il lui faut ce temps à elle, un mois, temps de la lecture. Ce temps pour oser une ouverture circonstanciée, tolérer une réponse distante, un refus même. Il vaut mieux ne pas trop espérer. Donc ne rien attendre de précis, juste prendre contact.

 

Et il répond, aussitôt, d’un pays étranger, rappel de ses racines, un hasard, peut-être. Content d’échanger, de raconter.

 

C'est cette photo qu'il envoie, « totem », une sculpture en bois dans une campagne verte et vallonnée, une campagne comme elle les aime. S’inaugure la série des échanges sans règles. Animal ancêtre et protecteur d’un clan, le totem institue la parenté, et fait l’objet de tabous, dixit Robert.

 

À explorer. Du côté du sauvage. Du côté du tabou. Ce qui peut s’écrire, se dire. Ce qui se tait.

 

Les mots affluent, sur les lectures, sur l’écriture. De l’humain, simplement, de la littérature juste à hauteur de l’homme, ni plus ni moins.

 

Des étoiles filantes. Des balades, la campagne, des rencontres, évoquées, ce vieux jeune homme, la boulangère, un ami.

 

Elle écrit les mots qui lui viennent après ses lectures, des mots forts, des romans qui aident à vivre, à penser. Il écrit ses retrouvailles avec ces pays dont la cuisine lui rappelle son enfance. S’amuse des dangers pour sa silhouette.

 

Après coup, elle aurait tendance à croire que les photos ont commencé plus tôt. Mais non, ce sont bien des mots qui s’écrivent, s’échangent, à un rythme soutenu, de vieux amis qui se retrouvent et ne se quittent plus, ils se connaissent si peu pourtant, depuis si peu de temps. Il en faut des mots, pas si nombreux mais choisis, pour installer cette continuité, quelque chose d’une permanence qui se vit sans se dire.

 

Et l’image revient, un pont, une belle lumière, un petit pont de bois, parfois le monde peut sembler même acceptable. Un pont jeté, au-delà des mots, entre deux lointains. Qui signale la distance, l’étire, la distend. On aurait pu en rester là.

 

Parce que c’est quoi, ces messages ? ça mène où ? Répondre, d’accord, mais continuer, livrer son quotidien, des bribes. Se choisir une vie à partager. Sont-ils si seuls ? Il se connaissent à peine. Quoi qu’il en soit, on a toujours une solitude à meubler, du temps à perdre, de loin. Quelques mots, quelques images, envoyés pour trouver un écho ; se dire, se décentrer ; rien qui engage vraiment. Juste sur la lisière. On pourrait en rester là. On n’est pas nous.
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