Il y a cette image entre nous, et quel que puisse être le nombre des années écoulées elle est, la maison cachée au creux des arbres et le jardin brulé de soleil courant jusqu’au fond du val.

Cette période d’où nous repartions tous, quand la rentrée s’annonçait. Chacun à la quête de sa destinée, ou poursuivant ses chimères.

Elle nous paraissait intangible, ineffaçable, cette image ancrée au cœur de nous.

On peut même affirmer qu’elle était le fondement la quintessence de nos êtres.

Cependant, nous savions bien qu’au fil des ans, rien n’est intangible, que tout s’effrite et s’efface. La beauté s’étiole, la jeunesse s’épuise, et viennent les tourments. Les jardins retournent à leur vie sauvage dès le dos tourné, et les volets des maisons perdent leurs couleurs.

Où sont les fêtes d’été toutes générations mêlées où dans les rires et la joie on ne percevait l’âge de quiconque ? Il fallait juste qu’un beau jour on apprenne que l’un ou l’autre s’était effacé et qu’il avait disparu.

Qu’elle ou qu’il ne serait plus là pour rire sous la lune, quand on attendrait pour aller se coucher que la fraîcheur soit venue.

L’été suivant, les photos seraient différentes, la place des absents comblée par les nouveaux arrivés, compagne ou compagnon de l’un ou de l’autre.

Certains enfants montés en graine, qui semblaient n’être là que comme des angelots sur un retable, auront perdu boucles blondes et joues rondes et porteront pantalons longs.

Ces périodes heureuses ne semblent prendre place dans le temps mesurable, leur durée semble éternité, et pourtant, en y réfléchissant, quand on commet l’erreur de se pencher sur le passé, elles se dévoilent alors dans leur réalité, d’une brièveté désarmante.

Le réel peu à peu s’efface pour laisser la place à de nouveaux miroitements. Mais ceux qui vécurent ces instants de bonheur garderont toujours entre eux cette image de la brume qui monte le soir sur les herbages, annonçant la fin de l’été.