Ils sont jeunes, plutôt sympathiques, ils semblent rire pour un rien ou veulent rire de tout. Peut-être un petit peu trop rigolards. Ils prennent la vie du bon côté, ils affichent une superbe assurance, ils sont fiers, sûrs d’eux, ils se sentent forts, prêts à tout. Ils témoignent d’une agitation un peu provocatrice, Ils semblent aimer la vie, jouir de la vie avec une certaine insouciance, ou même avec une insolence qui leur donne un côté tête à claques.

Ils existent, ils veulent prendre leur place dans la vie.

Au volant de leur voiture, ils se sentent libres, affranchis de toute contrainte, sans limites.

À bout de bras, on les voit brandir leur kalachnikov comme un enfant qui rêvait de jouer au cowboy ou au gangster et qui vient de découvrir son jouet de Noël.

Ils n’ont rien d’un soldat qui est là immobile, concentré tenant son arme à deux mains, prêt à se défendre, à nous défendre.

 

D’un regard bienveillant, il faut bien que jeunesse se passe ! Nous sommes subitement atterrés, abasourdis, incrédules, sidérés, indignés, stupéfaits, horrifiés, révoltés. Ces jeunes se révèlent comme des monstres cyniques, d’une froideur incomparable, capables de barbarie et aussi capables de se faire sauter avec leur ceinture d’explosifs.

On aimerait encore croire à une vidéo tant ils semblent appuyer sur leur gâchette aussi facilement qu’un clic de souris ou s’ils actionnaient une manette de leur PlayStation.

 

On cherche à comprendre. Comment peut-on arriver à un tel degré non pas de bestialité (les chiens, les chats témoignent de l’attachement pour leur maître) mais un tel degré de deshumanisation. Parfois, brutalement, ils sont devenus ces monstres capables de tout, de tout quitter y compris la vie.

Ils s’affichent comme tout puissants, ils sont invincibles car rien ne peut les atteindre même pas la mort qu’ils sont capables de se donner.  

 

On se donne des explications : religieuses, et on pointe du doigt des imans, psychologiques, on les dit borderline ou drogués, sous l’emprise, manipulés, embrigadés, sociologiques, ce sont des jeunes des banlieues, racistes ce sont des étrangers.

Ils sont effectivement des étrangers, non pas étrangers d’un autre pays, mais étrangers à nos valeurs, à l’humanité.

On déclare la guerre, on va lancer des bombes, on va gagner, on va anéantir, on sera les vainqueurs, on va résister. Mais ce rapport de force ne nous livre pas la clef. Comment faire pour qu’ils abandonnent la rage à détruire et leur faire découvrir le plaisir à construire ? Quelle musique, quelle chanson, quel poème, quelle peinture, quel film, pourrait les émouvoir ?

 

Mais aussi, le soir de cette tuerie, face à cette barbarie un énorme élan de solidarité et de courage s’est levé, on a ouvert ses portes, on a partagé, on a secouru, on a accueilli, on a consolé soigné, pansé, recousu pendant des heures. 

Des mères se lèvent, se réunissent, elles refusent de croire qu’elles ont enfanté des monstres. Elles veulent s’ériger en rempart pour protéger leurs enfants d’une telle dérive.

Face à la barbarie les valeurs humaines s’affichent avec force et maintiennent l’espoir. Chaque jour, il nous est possible de lutter, de dénoncer ces actes de désespérance sociale, tout ce qui fait rupture, les humiliations, l’emprise, la manipulation, les tromperies, l’injustice, les vengeances, il nous est toujours possible de créer ou renouer des liens, écouter, rire, partager, aimer.