Les cigarettes furent pendant longtemps gracieusement fournies aux militaires de tous grades, et ne devinrent payantes - mais peu chères - pour la soldatesque que vers la fin des années soixante.

Quant à l’alcool, il n’était pas encore devenu un ennemi socialo-éthylique en 1973 pour les appelés dont je fis partie pendant un an (j’ai alors occupé la Germanie), et était gracieusement fourni à volonté à l’heure des repas (vin, bière, mais aussi limonade !)

Autant dire que nombre de bidasses ne repartaient pas les poches vides après déjeuner.

 

L’état d’ébriété, dans lequel je vis, à l’époque, certains des appelés du 32e régiment d’artillerie, fit que je ne bus que de la limonade pendant douze mois (ceux qui parmi vous me connaissent personnellement doivent penser que je mens. C’est pourtant la vérité, je le jure !) (Bon, allez : j’ai pris une cuite le soir du jour de l’an).

Hors repas, nous pouvions acheter bière ou jus de fruit, ce dernier étant, si mes souvenirs sont bons, vendu soixante-dix centimes[1], et la bière cinquante.

Ce qui fit que notre capitaine se mit un jour en colère, vu le nombre d’appelés ayant trop souvent du mal à se mettre au garde-à-vous.

L’occasion était trop belle, et le naïf soldat de deuxième classe que j’étais, fit remarquer à son capitaine que s’il trouvait honteux que les appelés se retrouvent dans un tel état, il était aberrant que les jus de fruits soient vendus plus cher que la bière. Et je lui suggérais alors de mettre toutes les boissons au même prix.

Capitaine et lieutenants crurent d’abord que l’appelé se permettait une plaisanterie, puis comprirent au bout d’un certain temps - c’étaient des militaires - que ce n’en était pas une.

L’esprit martial de la soldatesque professionnelle étant ce qu’il est, la décision fut bientôt prise, avec cette inénarrable logique qui fait la grandeur de notre armée : les deux boissons furent vendues au même prix.

Pas cinquante centimes, non.

Soixante-dix.

(Rappelons que les troupes d’occupation dont nous faisions partie à Stetten-am-kalten-market en Bavière touchaient royalement soixante-cinq francs par mois, car nous étions à l’étranger et touchions une solde supérieure (20 francs…) à celle des nos troupes qui effectuaient leur service en France…).

Cerise sur le gâteau : l’Allemagne a beau produire des centaines de délicieuses bières, celle que l’on nous fournissait venait de France. Ah, mais !

Deuxième cerise : Quand nous partions - d’Allemagne - pour faire des manœuvres - en France - nombre de nos véhicules charroyés par le train militaire transportaient des centaines (des milliers ?) de canettes de bière française.

 

Nous ne pouvions pas voir nos camarades dans ces états lamentables sans nous demander à quoi pouvaient bien ressembler les soldats de 14-18 (je ne sais que penser de quelques histoires évoquant l’état de nos beaux officiers certains soirs de manœuvres en cette année 73-74…)

Car chacune des attaques de la der des ders était précédée d’une distribution de pinard, et il semblerait que la boisson n’était pas vraiment anodine, car le bruit court, par-ci, par-là, que le Haut Commandement y faisait rajouter quelque délicate mixture pour aider les troufions à partir au combat.

Nous n’irons pas jusqu’à dire que c’est la seule raison pour laquelle le président Georges Pompidou fit interdire, en 1973, de rendre publiques les archives militaires avant cent ans, mais …

Il est vrai que si la France a gagné la guerre, c’est peut-être parce que les soldats français étaient, parmi les millions d’hommes qui combattirent alors, ceux qui possédaient les plus grands bidons de boisson (un litre).

 

Allez, tous en chœur :

                 

                  Le pinard c'est de la vinasse .

                   Ça réchauffe par oussque que ça passe,

                   Vas-y bidasse ! Remplis mon quart !

                   Vive le pinard, vive le pinard !

 

Pour les passionnés :

 

http://youtu.be/axfM1sFqIK0



[1] Le Franc existait encore…