Côté jeunes filles, quant à l’adolescence on commence à mal supporter l’autorité parentale, partir en pension pouvait être une alternative acceptable aux conflits, avec à la clé une ouverture vers une autonomie divine…avec des copines.

Mais, car dans cette diable de vie, il y a souvent, si ce n’est toujours des « mais », qui subrepticement viennent donner une tournure inattendue au sens de la vie.

Ici, dans ce pensionnat où tout aurait dû et pu se dérouler pour le mieux dans le meilleur des mondes, ces « mais » se manifestèrent ici sous la forme de personnes : surveillants, professeurs, membres divers du personnel qui se montrèrent sous un jour qui disons-le aux yeux des pensionnaires n’étaient pas des plus brillants. En fait pour faire court, ils étaient cassants dans leur attitude, tendus dans leurs rapports avec les élèves, et venaient vous les briser menus dans les arcanes du quotidien, excuser le vocabulaire mais ce sont là les résultantes collatérales des relations de pensionnat.

Juré, il n’y a pas d’exagération ou à peine, ici c’était une vie en autarcie presque complète, avec ses petites combines et son organisation toujours en recherche pour vivre sa vie de jeunes filles de la façon la plus agréable possible, en assumant de ne travailler que juste ce qu’il fallait pour que les parents ne cherchent pas à en savoir trop sur ce que devenait leur descendance, et que les copines ne vous traitent pas de vendue.

Dans les situations les plus sereines alors que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes, il y avait à chaque fois celui ou celle qui mettait en œuvre un machiavélisme professionnel propre à vous pourrir la vie, et ce jusqu’à atteindre l’inhumanité, nous amenant illico à la résistance voir à la désobéissance.

Toutes et tous n’étaient pas comme ça, il faut le reconnaitre, mais je me souviens d’une surveillante en particulier, c’était une grande brune, un beau morceau de fille avec tout ce qu’il fallait là où il le fallait, sportive et tonique, ce qu’on peut dire d’elle, c’est qu’elle s’y croyait, comment vous expliquer ? Ben oui moi j’ai une vision morphologique des êtres, en fait, elle était canon.

C’était notre détestation à toutes, elle ne nous passait rien, nous traquant à tous les instants de la journée, de la salle d’études au réfectoire en passant par la cour ou les dortoirs, elle voulait que l’on se bouge et fassions quelque chose d’intelligent de nos vies, de futures femmes engagées et dynamiques. Elle ne recevait pas beaucoup d’écho en dépit de ses efforts, résultat de notre inertie et mauvaise volonté qui la mettait hors d’elle, elle avait en permanence son carnet de colle à la main, une vraie glue. Elle avait un autre don de nature à nous exaspérer, celui de pouvoir capter tout l’intérêt des hommes de l’institution pour la gente féminine, une vraie roulure, dès qu’un homme apparaissait dans son champ de vision, il fallait la voir se pavaner et se déhancher pour se mettre en avant. Des hommes il n’y en avait déjà pas beaucoup en ce lieu, alors avec elle, nous n’avions vraiment aucune chance d’être remarquée, enfin nous, nous en étions persuadées, et peut être était-ce les hommes qui avaient ce comportement avec elle sans qu’elle n’y puisse rien.

Pour corser le tableau, elle faisait le nécessaire pour avoir les joues creuses, la taille fine et la hanche alerte, nous étions persuadées qu’elle se la jouait macrobiotique, quand nous, nous devions nous contenter des féculents et des pâtes de l’internat auxquels s’ajoutaient toutes les incongruités sucrées et grasses que nous pouvions nous procurer, le résultat des courses nous prenions des formes de juments de brasseurs qui ne nous mettaient pas en valeur et dont nous nous serions bien passé.

Nous étions si habituées à son mode de fonctionnement et savions si parfaitement comment la gérer, que même si l’ensemble de ses comportements étaient le plus souvent fort exaspérants, ils ne nous empêchaient en rien de vivre notre vie.

Que s’est-il passé ce jour là, je n’ai pas compris, je devais être sur les nerfs pour quelques causes non identifiées n’ayant aucun rapport avec elle.  J’ai trouvé qu’elle se la jouait sur le mode adjudant chef et me pompait sérieusement l’air en exigeant que je passe mon survêtement et que je rejoigne le cours de gym, et là, catastrophe, j’ai eu l’idée saugrenue de l’envoyer bouler en disant :

 

-       Quand vous aurez fini de nous jouer de la cornemuse, vous irez voir plus loin si nous sommes là, et moi ça me fera des vacances !

Succès assuré et rires gras !

Petite, que n’avais-je pas dis là ?

 

-       Mademoiselle venez ici avec votre carnet de correspondance, je vais devoir rendre compte de vos propos insolents et grossiers à la directrice qui convoquera vos parents, que je sache vous n’êtes pas encore majeure ou émancipée et devront donc être informés de votre comportement !

Façon cruelle de me remettre à ma place et de me rappeler son pouvoir de domination sur moi en raison de mon jeune âge.

Elle était si en colère que les yeux lui sortaient de la tête et qu’elle avait un peu de bave au coin de la bouche.

Pour reprendre le dessus, alors que je me sentais humiliée et que je commençais à perdre pied devant les copines, je décidais de l’imaginer en bœuf sous le joug, peinant en faisant les labours, d’où ses yeux exorbités et la bave au coin de sa bouche.

Essayez à l’occasion d’une crise avec un supérieur et vous verrez comme ça défoule. C’était une piètre victoire certes, mais une victoire tout de même. J’aurais dû m’en tenir là, et rester modeste et respectueuse, mais vous savez ce que c’est que l’adolescence, vous l’avez vécue avant nous, on se dit qu’on a la main et l’on cherche immédiatement à pousser plus loin son avantage devant les copines. Bêtement j’ai ajouté :

 

-       Vous pouvez toujours aller vous fouiller.

 

La foudre serait tombée là, au milieu du couloir, que le choc n’aurait pas été plus violent, tout le monde s’était tu attendant la suite des évènements, j’ai vu ses pupilles se rétrécir tandis que ses yeux me scrutaient, elle avait pâli. Un instant j’ai pensé qu’elle allait me frapper, me redonnant ainsi l’avantage, mais rien, elle est restée d’un calme très professionnel, se contentant de noter l’incident dans son carnet de punitions.

 

Résultat de mon effronterie, après entretien avec Madame la directrice, j’ai hérité de deux samedis consécutifs de colle, et j’ai dû rédiger un hommage à JJ Rousseau d’au moins quatre pages (Ecriture serrée s’il vous plait) !

 

 A l’énoncé du verdict j’ai failli pouffer et leur dire ; Un hommage à Demis Roussos, le chanteur ah bon ? Heureusement pour moi la prudence l’a emporté j’ai eu le temps de me mordre la langue avant qu’elle ne me fasse prendre deux jours de colle supplémentaires.

La surveillante à l’origine de ma punition à supervisée mon travail et mes efforts, elle était présente lors de mon second samedi, nous avons passé un très bon moment ensemble, depuis ce jour, je fais du sport !

                                                                                                                                   

 

 

                                                                                                                                          DG Avanton / Mazeuil Juin 2012