- Nous venons de prévenir le père de la jeune fille du saccage de sa maison me lance le policier.
Je viens moi-même d’être prévenu par mon correspondant, qu’un fait divers peu ordinaire vient de se passer dans la banlieue de San José, Californie ; j’ai hâte d’en savoir plus. En réalité, cela va me permettre d’écrire un papier sensationnel dans le San José Daily News, la feuille de choux la plus lue de la région, à la rubrique faits divers.
Mme Johnson, range son break Honda dans l’allée qui longe la villa. Janie, n’a jamais travaillé depuis le collège et s’est contentée d’élever, du mieux qu’elle a pu, sa fille ainée Jocelyn et sa cadette Jennifer, une petite brunette, pas plus grosse qu’un hareng. Janie est une grande femme, très mince, les cheveux blonds, bouclés. On la voit sans cesse tirer sur son énième cigarette de la journée. L ’une en allume l’autre. Elle tapote nerveusement son jeans délavé, coupe droite de ses mains, à plat sur ses cuisses maigres.
Sa voisine Mme Schmulb, l’arrête alors qu’elle s’apprête à entrer dans la cour arrière de la petite maison où elle habite avec son mari Marcel, et sa fille Jennifer ouvrier chez Michelin.
Elle a déjà ouvert sa porte de voiture. Elle commence à descendre les valises avec lesquelles ils ont, Marcel et elle, réalisé leur rêve de toujours : passer un week-end à Las Vegas.
- Ce n’est pas loin le Colorado lui avait-elle vanté, et ainsi, nous pourrons aller à Sacramento faire une petite visite à maman, que nous n’avons pas vue depuis longtemps. Avec l’autoroute, il y en a pour une heure à peine.
Marcel, lui, n’aime pas les sorties. Son seul but dans la vie est de rendre heureux ses chats . Il possède deux chats de dehors. Ceux-là viennent juste manger dans leur assiette tous les matins dans le minuscule jardin derrière la maison. Le jardin est petit, mais Marcel y a installé une petite mare où les canards sauvages viennent s’abriter lors de leur migration.
Quant à ses chats d’intérieur : un siamois : Vince et un magnifique angora blanc : Mickael, il leur avait installé un arbre à chats somptueux, tout recouvert de moquette crème, qui trône dans le salon, attenant à la salle à manger.
Mickael avait la particularité de se cacher sous les commodes et les armoires, et de traîner dans sa gueule des choses douces qu’il aimait mâchonner. Puis quand il avait épuisé toutes les ressources de son nouveau jouet, l’avait bien fait rouler, jeté en l’air, rattrapé plusieurs fois de suite, il s’amusait à le déchiqueter. En gros, il prenait l’objet pour une souris. C’était un chat d’intérieur.
Leur fille Jennifer , 16 ans, avait donc passé le week- end seule à la maison, prétextant un examen de conduite pour ne pas aller rendre visite à sa grand-mère.
- Alors moi Las Vegas , beurk, c’est bon pour les ploucs !!!, moi je reste à la maison garder les chats.
- Allons mademoiselle, cessez de nous faire perdre un temps précieux, et dites à vos parents et à Monsieur le journaliste du Daily News, comment cela s’est passé.
Jennifer se frotte vigoureusement les yeux avec les poing fermés, et se met à pleurer à gros sanglots.
Le policier interroge à présent la jeune fille qui présente au dessus du front un bel hématome, bleu foncé, qui commence à prendre des couleurs un peu jaune orangé.
Je suis là, en tant que journaliste et je vais tenter de saisir toute l’incongruité de la situation.
- Bien Mademoiselle Johnson. Il va falloir nous dire vraiment comment tout cela s’est passé.
- Mme Schmulb nous a raconté qu’elle a entendu arriver au moins cinq voitures, et qu’elle a entendu des voix d’hommes et des rires . voyons ce devait être samedi après-midi.
Elle était cachée dans le bosquet d’arbres là, tout près de chez vous. En fait vous la connaissez, c’est votre voisine. Elle vous a vu rentrer au bras d’un « Béret Vert », un para , un très beau garçon latino d’après elle.
- Eh bien oui, je l’ai rencontré l’après-midi où mes parents sont partis pour Vegas, et nous avons décidé de venir prendre un verre chez moi.
Il n’est pas venu seul, bien sûr, il est venu avec ses copains de régiment, des garçons charmants.
Marcel est arrivé maintenant. Il passe la tête par la porte de devant, entre- ouverte, et hurle :
- Mais bon sang, quel ouragan est passé par là !
- Mais parle donc ma fille, comment avez-vous fait pour mettre la maison dans un état pareil.
Janie, garde son sang froid d’américaine, mais se met à parler d’une voix suraigüe :
- Rappelle toi Darling, ce que nous nous sommes promis à Las Vegas hier, quand nous dînions au Havana Café dominant Main Street.
Que nous n’allions pas briser notre couple à cause des frasques toujours plus délirantes de notre fille.
- Mais comment est-ce arrivé exactement. Cela semble incroyable qu’une bande de Bérets verts et ma fille aient fait autant de dégâts !!!!!
L’arbre à chats s’était renversé emportant avec lui la télévision qui avait explosé, brûlant le canapé, qui avait mis le feu aux rideaux des fenêtres du salon.
Jennifer hoquetant, le visage rouge, illuminé par sa grosse bosse bleue donna enfin l’explication que nous tous ici, dans la rue Glenn Una, attendions avec inquiétude.
Elle avait reçu chez elle des garçons dont elle ne connaissait même pas l’existence le jour précédent. Ils avaient l’air bien sympa et bien élevés, bien qu’ils parlent tous un peu fort, avait-elle observé.
Et c’est quand ils avaient décidé d’aller tous ensemble à la piscine que la chose était arrivée. Elle avait cherché son bikini et sa serviette de bains. Ils avaient déjà passablement vidé les réserves de whisky de son père, et elle avait trouvé cette idée, la piscine, pour mettre fin à cette escalade de voix tonitruantes et viriles. Cinq garçons latino, cela fait du bruit.
C’est à ce moment qu’ils avaient tous vu le chat Mickaël se précipiter du haut de l’armoire sur l’arbre à chats avec le bikini turquoise dans sa gueule.
Les garçons avaient trouvé cela hilarant et avaient poursuivi le pauvre chat en renversant l’arbre à chats pour le faire descendre plus vite.
Le pauvre Mickael avait trouvé refuge sous le canapé, tenant toujours le petit bikini dans sa gueule, et avant que Jennifer avait eu le temps de faire ouf, ils avaient soulevé le canapé, brutalement, en le renversant, entraînant malencontreusement la télévision dans son élan. Celle-ci, en explosant, avait mis le feu au canapé.
Ils s’étaient tous enfuis par la porte de derrière, avec Jennifer, qui dans sa panique avait heurté de plein fouet le chambranle de la porte donnant sur le jardin.
C’est ainsi que dès le lendemain, avait paru dans le Daily News de San José, un article relatant ce fait divers hilarant : « Un bikini perdu occasionne dix mille dollars de dégâts. »
Atelier du 26 mars - 7ème séance de l'année
A partir du fait divers ci-dessous, écrire une nouvelle :
« Ado bordélique
C'est en cherchant son bikini, et certainement en galérant à le trouver, qu'une jeune fille de 16 ans a littéralement mis à sac sa maison.
Sa mère avait signalé un cambriolage à son retour. L'ado a expliqué la situation aux policiers qui enquêtaient sur le moyen utilisé par les cambrioleurs pour rentrer sans effraction. La jeune fille a également avoué ne pas s'être rendu compte du bordel qu'elle avait fait... verres cassés, meubles retournés... »
Angles d’écriture à déterminer avant d’écrire :
- Le ou les points de vue : la mère, la jeune fille, le père, un policier, un journaliste…
- Le moment de la narration : pendant les faits (différents temps selon le point de vue), après les faits (id), avant (l’arrivée de la fille, de la mère…)
- Le lieu
- Le milieu social
- L’époque