Les livres ouverts sur son lit, la reliure cassée, l'appareil dentaire sur le tapis, un jour j'avais failli marcher dessus, les CD en vrac au milieu des petites culottes, propres ou sales, un morceau de pizza, un yaourt entamé sur son meuble à ordinateur, le linge que j'avais repassé la veille en boule dans un coin, elle changeait de tenue toutes les demi-heures, le vernis à ongles même pas rebouché sur le lavabo, à côté d'un tube de rouge à lèvres à moitié écrasé, des papiers de bonbons, des miettes de gâteau plein le lit, du chocolat sur le radiateur, il aurait pas fallu que ce soit ma fille, Robert lui en aurait collé une, parce que ce qu'il n'aimait pas,  c'est qu'on me manque de respect ! Ce n'est pas parce Qu4on me payait ici pour faire le ménage qu'elle devait laisser tout ça en bordel. Alors quand j'ai vu son bikini rose à volants traîner sur le canapé du salon, à moitié caché sous un coussin, j'ai eu envie de lui donner une petite leçon. C'est son père qui lui avait rapporté de Rio, un tout petit truc qui lui cachait à peine les bouts de seins, dont le slip lui rentrait dans les fesses, et qu'elle adorait. Elle lézardait souvent avec sur le bord de la piscine, son walkman collé aux oreilles, pendant que je trimais dans la maison. Je ne pouvais rien lui dire, pour elle je ne devais être qu'un robot ménager, elle m'avait même crié la veille d'arrêter l'aspirateur, soi-disant que ça l'empêchait de se concentrer. Quel culot !

Alors voilà. Je n'ai même pas réfléchi. Ce matin-là, en passant le suceur sur le canapé beige, les fils du bikini se sont pris dans l'embout, et je n'ai rien fait pour l'empêcher de disparaître. J'ai même tenu le slip devant le tuyau pour qu'il aille rejoindre le soutif. Non mais !

 

            Ma pauvre petite Nadia ! C'est vrai qu'en voyant le salon dans cet état tout à l'heure, j'ai vraiment cru à un cambriolage. Les coussins traînaient partout, il y en avait même un qui avait atterri sur le plateau de verres et la carafe en cristal que Yolande avait préparés pour la réception de ce soir.

Les revues étaient éparpillées sur le tapis, la commode dans laquelle on range les nappes, tiroirs grands ouverts, le linge de maison chiffonné, l'étagère à bibelots sens dessus-dessous, le chien en porcelaine de Chine, cadeau de Pierre-Yves, avait une patte en moins, et la télé braillait. Ce qui m'a le plus inquiétée, ce sont les deux fauteuils retournés. Pas de doute, ils cherchaient quelque chose, des bijoux, de l'argent, je ne sais pas... Je n'ai pas réfléchi, j'ai appelé la police. Il fallait que cette affaire soit vite réglée, les Desarko et les Brunini arrivaient à 19h30, et comme en plus je ne voulais pas qu'ils trouvent le salon dans cet état,  j'ai téléphoné à Yolande pour qu'elle vienne remettre tout cela en ordre, si elle était là à six heures, elle n'en aurait pas pour longtemps. Avec ce que je la paye, je peux quand même bien l'appeler en cas d'urgence !

 

            -Bonjour Madame Delanchy, Commissaire Bourgoin, et voici mon adjoint, le commissaire Diop.

            -Bonjour Messieurs, merci de vous être déplacés aussi vite, voyez dans quel état est le salon, j'en suis toute retournée !

            -Vous savez, de nos jours, nous voyons toutes sortes de choses, il faudrait que vous fassiez installer des caméras de surveillance.

            -Est-ce pour autant que vous leur mettriez la main dessus ? Ils ne respectent vraiment rien, ces cambrioleurs ! Non, il faudrait des rondes, une police municipale plus présente, avec ce qu'on paye comme impôts...    

            -Bon, nous allons procéder aux relevés d'empreintes, peut-être ces individus sont-ils connus de nos services ? Tout d'abord, les portes et fenêtres. Avez-vous remarqué quelque chose d'anormal en rentrant ?

            -Mon dieu, non, la porte d'entrée était ouverte, mais cela doit être Yolande, notre femme de ménage, qui avait encore oublié sa clé.

            -Et qu'est-ce qui a disparu, alors ?

            -Eh bien, c'est ce qui est étrange, pour le moment je ne vois rien qui manque, mais à mon avis ils s'imaginaient que nous avions caché des billets quelque part, c'est le genre de choses que l'on peut dérober sans crainte.

            -Donc, il s'agirait d'une intrusion, pas d'un cambriolage.

            -Commissaire, vous ne semblez pas me prendre très au sérieux, et pourtant, regardez, ce lampadaire renversé, et quand je suis arrivée, la télé était à fond !

            -Alors, pouvons-nous faire le tour de la maison avec vous, et vérifier qu'il ne manque rien ailleurs non plus ? Arrive-t-il que quelqu'un soit ici chez vous dans l'après-midi ?

            -Ah oui, mon Dieu, Nadia, c'est mercredi! Comment se fait-il que je ne l'entende pas ? J'espère qu'ils ne lui ont pas fait de mal !

            -Vite, Madame, montrez-moi sa chambre !

            -Ah, Nadia, te voilà ! Ôte donc ces écouteurs de tes oreilles, ces messieurs veulent t'interroger, des malfaiteurs sont entrés dans le salon !

            -On dirait bien qu'ils ont également fouillé la chambre de votre fille, ou bien a-t-elle l'habitude de vivre dans un fouillis pareil ?

            -Commissaire, je ne vous permets pas !

            -Mademoiselle, à quelle heure êtes-vous rentrée aujourd'hui ?

            -Eh bien Monsieur, vers une heure, comme d'habitude, après la cantine ! Je devais aller à l'aquaboulevard avec des amies, mais j'ai eu beau chercher partout, je n'ai pas retrouvé mon bikini ! C'est sûrement encore un coup de Yolande ! Même dans le salon, il n'y était pas !

            -Madame, vous devriez avoir honte de déranger les forces de l'ordre pour une affaire familiale, et vous, mademoiselle, vous êtes vraiment une enfant gâtée, retourner ainsi le salon de vos parents, je ne sais pas ce qui me retient de vous coller quelques heures de travaux d'intérêt général ! Au revoir et que je n'aie pas à revenir pour rien !

 

            C'en est vraiment trop, après la peur que j'ai eue, c'est Nadia qui se fait attraper. Vraiment, la police n'est plus ce qu'elle était, ce n'est pas à mon père qu'ils auraient parlé ainsi. Et menacer ma petite fille de T.I.G. C'est un comble ! Si je ne me trompe pas, c'est une mesure mise en place pour les enfants des banlieues, pas les nôtres ! Je me demande bien où a pu passer son maillot, la pauvre, elle y tient, son père lui avait fait un cadeau de grande ! Ah, mais voilà Yolande, elle va peut-être pouvoir nous expliquer...

 

            C'est vraiment trop fort, me faire revenir pour ranger le salon que la petite a mis sens dessus-dessous ! Madame croit-elle que je n'ai pas de vie privée ? Et les nappes bien repassées qui dépassent des tiroirs, la carafe en morceaux sur la table, il m'aurait bien fallu un mois de salaire pour m'en offrir une...  Et tout ça parce que la gamine ne trouvait pas son deux-pièces ridicule ! Elles ont eu le culot de me demander ce que j'en avais fait ! Vous croyez vraiment que je le leur aurais dit ? Elles peuvent toujours chercher !

 

   

Atelier du 26 mars - 7ème séance de l'année

 

A partir du fait divers ci-dessous, écrire une nouvelle :

« Ado bordélique

C'est en cherchant son bikini, et certainement en galérant à le trouver, qu'une jeune fille de 16 ans a littéralement mis à sac sa maison.
Sa mère avait signalé un cambriolage à son retour. L'ado a expliqué la situation aux policiers qui enquêtaient sur le moyen utilisé par les cambrioleurs pour rentrer sans effraction. La jeune fille a également avoué ne pas s'être rendu compte du bordel qu'elle avait fait... verres cassés, meubles retournés... »

 

Angles d’écriture à déterminer avant d’écrire :

-       Le ou les points de vue : la mère, la jeune fille, le père, un policier, un journaliste…

-       Le moment de la narration : pendant les faits (différents temps selon le point de vue), après les faits (id), avant (l’arrivée de la fille, de la mère…)

-       Le lieu

-       Le milieu social

-       L’époque