Nous nous étions quelque peu perdus de vue à l’Espace, même si l’été nous faisait toujours nous y rencontrer chaque année.
Et il y avait des échanges bien vivants, durant lesquels, l’humour, la causticité, l’affrontement verbal, le fou rire, nourrissaient les échanges que nous avions .
L’inattendu frayait avec le délire verbal, le calembour avec l’échange philosophique, le respect avec la moquerie...
Ces moments, qui avaient souvent lieu en fin de soirée, étaient peut-être aussi une façon de s’extirper du travail de la plume, car, ainsi qu’il le formula : « Pour écrire, il faut être un fou ; en d’autres termes , écrire, c’est un calvaire » (Carte Blanche-2010).
Quels qu’étaient ces échanges, son discours, même s’il m’arrivait de me moquer du fond, faisait toujours naître chez moi l’admiration de la forme verbale telle qu’elle se manifestait dans ses formulations.
L’élégance de ces dernières rivalisait avec le théâtre de son panache d’orateur, et c’est pour cela que j’adorais jouter et jouer « dialoguistiquement » avec lui.
Je crois qu’il aurait aimé ce néologisme...
Nos horaires de vie, de délire, d’échanges à l’Espace ne furent pas tout à fait les mêmes ces dernières années, et, à mes regrets - mais je pense aussi aux siens - nos échanges se raréfièrent.
Et si la chanson dit que la mer efface sur le sable les pas des amants désunis, il ne me reste qu’à dire, tristement, que la mort est la responsable des amitiés perdues.
Je voulais cette année proposer à ETV (la télé du lieu: ndlr) de faire un gag (pas très futé…) avec un panneau affichant :
"Attention – chute de Pierre – Danger"
Mais Pierre n’était pas là cet été…