D'habitude la fin des vacances correspondait à la reprise du travail et au froid. Le soleil foutait le camp avec nos dernières grâces ­matinées et il n'y avait rien à regretter. Mais ce mois de septembre, dur, dur, l'été continue et tu regardes par la fenêtre tous ces petits détails qui t'appellent, qui te promettent, tu te sens comme le cancre de Prévert. Tu n'es pas vraiment là.

L'avantage c'est que, tout d'un coup, tu sors du conditionnement, métro-boulot-dodo, l'échelle des valeurs change et tu commences à remettre en cause ce qui n'était pas discutable actuellement.

L'envie de changer ta vie te reprend. Cet éternel problème est de nouveau là.

Pas forcément l'envie de rien foutre, mais d'équilibrer, de laisser plus de place au désir du moment, à la bulle, au doux bla-bla, aux petits pots, à ces petites lectures qui ne servent à rien mais qui sont tellement bonnes, l'envie de rien et de se raconter des histoires, l'envie de vivre et laisser vivre, de retirer ce barrage et ces turbines sur ce long fleuve pas tranquille du tout, de faire que la vie soit un peu une aventure sans cesse recréée, de se laisser porter par les sens et par l'essence.

 

Le patron, le gouvernement, les partis, les syndicats vont avoir du mal en ce début d'année.

Surtout que la télé ne joue plus vraiment son rôle, avec 7 chaînes plus les cassettes vidéo, elle nous a saturé. Plein, trop plein en peu de temps finalement. De la fête, elle est devenue banale.

Les premiers kiwis, on les savourait, maintenant on s'en fout, on en prend de temps en temps comme un autre fruit.

Le tarama, c'était le luxe, maintenant il est arrivé au rang du pâté, du saucisson ou des crudités.

Enfin libres, pas par un effort de volonté ou dix ans de thérapie, mais par saturation.

Les bandes de jeunes, d'enfants, se retrouvent de nouveau dans la rue, les cafés sont pleins, non pas d'alcoolos de base, mais de tout un tas de gens. Les pelouses des squares sont squattées presque en permanence et l'interdiction de se rouler dessus fond avec le soleil. Entre le ciel bleu et le magasin, l'air est toujours gagnant.

Bref, ce n'est plus l'été indien, c'est l'été parisien.

Oh, bien sûr, il y a toujours un antisémite à se mettre sous la dent, un tennisman qui fait son come-back, des libanais qui trinquent, mais on n'y croit plus vraiment. L'intensité dramatique n'est plus là. Ce qui est pris est pris. Même Bouygues va cultiver ses orchidées à un âge raisonnable.

Quand on vous dit qu'il y a quelque chose de pourri dans le royaume du travail !

Au fait, pourri ou tout simplement mûr ?

Allez, je vous quitte, je sens comme un certaine langueur et c'est tellement fatigant d'écri... Pff ....

 

Du boulot où je vais pieds nus dans mes godasses!

(Octobre 1989)