J’ai écrit dans mon précédent billet:   "Quand un croyant s’interroge sur sa foi ou l'un des conjoints sur son amour, c'est que les choses ne vont plus de soi et le compte à rebours n'est pas loin de s'enclencher…" J’aurais dû être plus tranchant et écrire : "est déjà enclenché" Dans les deux cas, bonjour la confiance !  Courage, fuyons, mais pas à n’importe quel prix si l'on veut,  sur terre comme au Ciel, avec un minimum d’élégance, récupérer le maximum d'avantages. Lecteur infatigable,  Pierre Danger s' est écrié: " Oui, mais tu oublies Pascal, pour qui  le doute est consubstantiel à la foi." Quelle injustice! Alors que je ne pensais qu' à son pari en écrivant cette phrase. Comment le fossé d' incompréhension a-t-il pu se creuser à ce point ?  Mais, vivant avec mon siècle, je n’ai pas voulu poursuivre une philippique qui n'avait d'ailleurs pas sa place sur un billet parlant ou (plutôt évitant de) parler de la nationalité . 

           Parlons en des petites combines  de Pascal!   Si ses pensées ne sont pas intéressées, alors les book-makers sont des enfants de choeur.  C'est le  gagnant-gagnant de la dernière campagne présidentielle. Délaissant les athées et des bons chrétiens qui ne connaissent pas le doute , Pascal tente sa chance auprès des  agnostiques. Sans souci de se contredire, il leur  explique d'abord que la foi ne procède ni de  la raison ni de la volonté mais de la grâce divine pour conclure qu'il va  leur donner une bonne raison d'estimer que l'on n'a rien à perdre à croire pour croire. C'est simple à comprendre, explique-t-il: En gageant ma vie sur la foi,  je suis gagnant des deux cotés. Coté pile, à moi les félicités de l’Au-delà. Coté face, l'Au-delà n'existe pas et  certes, je me retrouve à pourrir tout seul dans mon caveau, mais je ne suis pas complètement berné   car ma vie  intérieure d’ascète famélique consacrée à la pensée de Dieu aura été bien plus belle que celle des vilains libertins bling-bling qui se morfondent dans leur divertissement. Outre qu'on n' est pas obligé de partager cette vision du bonheur- on ne devait pas rigoler tous les jours à Port-Royal-  des esprits rebelles n'ont pas manqué de faire querelle à  Pascal de  ne prendre  qu' une option à  hauteur de 50%  sur l' hypothèse  Dieu. Le doute n'est jamais sans conséquence. Sur terre, si le doute s'introduit dans l'esprit de votre conjoint, comptez sur lui pour vous mener une vie d'enfer. Une fois au ciel,comment se justifier devant Dieu, sauf à Le prendre vraiment  pour un imbécile,  qu'on croyait seulement à moitié en Lui ? Vous n'échapperez pas non plus au vrai Enfer ou à tout le moins au Purgatoire où vous serez boudé pendant de nombreuses années.           

            Ah! Si nos traders en étaient restés comme Pascal à seulement 50% de doute dans la prise de risque pour leur client, nous ne connaitrions pas l' effondrement actuel de notre économie et ses dommages collatéraux.  Faut-il voir ainsi un effet de la crise  des sub-primes dans l'affaiblissement  métaphysique qu'on peut constater tous les jours?  Les affaires célestes se dégradent, le niveau de la foi baisse. Dans une récente homélie prononcée à l’occasion de l’enterrement d’un ami, le prêtre présentait comme normal  un taux autrefois inacceptable de couverture des fidèles  à l'exposition au risque. Pour ce prédicateur, il était constant qu'une heure de foi pour vingt-trois heures de doute constituait déjà un très beau score dans la journée d’un croyant. Il est heureux que le gendarme de la Bourse n'ait  pas encore fourré son nez dans ces cérémonies, car on a contraint Lehman-Brothers à la  faillite  avec un taux de couverture bien supérieur à 1/24!   C'est quand même pas très  quiet   tout ça, comme diraient dune même voix les britanniques et les adversaires de Pascal!  Les tenants  de la  pensée positive ne manqueront cependant pas de relever  qu’il subsiste dans la  petite marmite d'hésitation de ce sermon une  grande louche de croyance . En d'autres termes, si j'ai bien compris, le croyant  doit faire fructifier "un ilôt de foi dans l' océan d'agnosticisme" de sa journée.   Pour paraphraser avec tant de conviction le slogan qui a si bien réussi à  la grande distribution, je me suis dit que  ce prêtre sortait  tout droit d'un stage de PNL.  Je ne sais pas si le  Pascal découvreur de la loi des grands nombres aurait lui-même pris un  pari si désespéré. Mais à bien y réfléchir, gager sa vie céleste sur une heure de foi  par jour n'est pas si mauvais calcul.  Prenez l'amour, par exemple: un orgasme capricieux d'une poignée de secondes pour les plus chanceux n’a jamais  empêché personne d'y croire au point d' y  sacrifier les plus belles années de sa vie terrestre.

           Bref  avec une foi allégée à 50% de doute dans sa formule de composition,  Blaise Pascal  ne sera jamais, en dépit de son ascétisme militant, dans les petits papiers du Ciel ni de l’Eglise. La preuve, c'est  qu'on n'a pas encore  vu se pointer la queue du premier miracle qui permettrait d'en faire un saint. Sans dossier au Vatican,  il peut  se considérer déjà bienheureux d’être crédité de l’invention de la brouette, de la machine à compter et  de la presse hydraulique. Pauvre Pascal! Lui, chrétien si méritant, s'il n'a pas fait de miracles, lui reste-t-il cependant une infime chance de devenir un jour le saint-patron  des jardiniers, des comptables et des conducteurs d’engins équipés de vérins hydrauliques qui pourraient ainsi le remercier d’avoir soulagé leur peine?

          Par contre Pie XII,  avec une foi à 100%  de matière grâce,   devrait être, lui, comblé de miracles pour les siècles des siècles. Face à l’industrialisation de la destruction  des juifs, des gitans, des handicapés, des débiles mentaux et autres homosexuels, si un doute l'a effleuré, c'est une pensée qu'il a eu l'élégance de garder pour lui. En le béatifiant au lieu de cet angoissé de Pascal, l'Eglise pouvait-elle choisir un meilleur modèle pour la jeunesse? Une telle maîtrise de soi au service du Très-Haut méritait à coup sûr d’être honorée et ce salut ne manquera pas de faire pleuvoir les grâces divines sur la Planète.