Cf: consignes http://www.chateaudavanton.com/blog/index.php?2009/03/04/614-le-marathon-des-dix-mots-2009

 

 

 

1er Exercice : Demain : ici ou ailleurs ?

 

Vous relatez une discussion entre deux personnes (ou plus) sur le thème de la mobilité dans l’avenir : mobilité professionnelle, déménagements, tourisme… Cette discussion fera alterner, pour le dialogue, différents styles : direct, indirect, narrativisé, de manière à ne pas lasser le lecteur (utiliser les 10 mots de la liste).

 

 

Dialogue sortie des brumes…

 

La pièce est complètement enfumée, et derrière le bar se tient Gérard le patron…

 

L’œil à demi fermé il examine la situation :

-         Si cela continue, cette fumée d’enfer, mon génome va virer sa cuti et, il va me falloir des branchies pour remplacer mes poumons cramés.

 

Il écoute ses habitués, tous fidèles clients…qui ne boivent qu’un demi par soirée (c’est la crise) et pas trop rutilants. Ils parlent de leur quotidien toujours très compliqué, de l’avenir dont les espérances valent autant que le cours de la bourse.

De l’ailleurs auquel ils se raccrochent et qu’ils appellent de leurs rêves.

 

Ce soir c’est Amar qui parle, c’est ainsi, ils ont chacun leur jour !!!

 

-         J’ suis arrivé du bled, là bas dans le sud marocain, il n’y avait plus rien à    

     faire.

Déjà qu’il n’y avait que du sable et trois palmiers, la guerre avec les sahraouis du front Polisario, a fini de chasser les derniers habitants ;

 

Un temps de silence pendant lequel chacun fait tourner sa bière au fond du verre.

 

-         Quelqu’un m’a dit qu’on recrutait du personnel pour aller travailler en Lorraine…C’est quoi ça Lorraine ? que je leur ai dit…ils m’ont expliqué que c’était en France…Fatima et moi on est parti…on n’avait pas d’enfant.

S’il en est un qui ne peut écouter en silence c’est Raymond

 

-         Parce-que c’est comme cela qu’on s’est ramassé tous les mecs comme toi… ?

 

-         Qu’est-ce que tu veux dire par mecs comme toi ?

 

-         Ben des biques.  (Rire à trente de QI, ou même nombre de bières)

 

-         Ta gueule Raymond ou cela va encore dégénérer.

 

 Gérard s’est cru obligé d’intervenir.

 

C’est que lorsque sa bande de poivrots s’empoigne il y a toujours pas mal de dégâts…et ils sont tous insolvables

 

-         Excuse moi je blaguais, tous mes collègues au service de nettoyage ils sont comme toi, ou encore plus noirs et, ce sont eux qui se foutent de moi…ils m’ont baptisé Javel, à cause de ma couleur de peau qui les dérange.

 

Nouveau temps de silence

Une femme avec un petit chien et un cabas s’est assise en terrasse. Gérard sans rien lui demander prépare un demi- grenadine et lui porte…Le chien jappe à son approche et tout le monde rigole.

 

Amar reprend la parole, sa voix descend en fin de phrase comme un oued qui s’enfonce dans le sable et disparaît…

 

-         J’étais sur un haut fourneau, je peux vous dire que cela vous crame la peau et sans lunette de protection on aurait les yeux comme des œufs sur le plat. C’est l’avenir qu’ils m’avaient dit en m’embauchant, de l’acier il en faudra toujours. Après quelques années on avait une 404 et une petite maison avec un jardin. On ne se posait pas de question c’était tout bon.

 

-         Ben alors de quoi tu te plains si t’étais si bien?

-         C’est bien simple, un matin en trois temps trois mouvements et un clic d’ordinateur de technocrate, ils ont arrêté le haut fourneau. Inch-Allah

 

-         Et alors… ??      Raymond encore lui…ne peut jamais rester silencieux bien longtemps.

 

Une pause dans la conversation, tout le monde baisse la tête pour ne pas regarder en face cette hydre qu’ils craignent tous, le chômage.

 

Manuel a sorti son porte monnaie et compte ses pièces sur le zinc…ressert- nous une bière Gérard, l’ombre sur les visages s’estompe, et chacun encourage Amar à poursuivre son récit.

 

-         Je me suis pris un sacré coup de clair de terre sur la théière, enfin une sacrée cuite. La première de ma vie, jusque là j’avais toujours respecté les principes du Coran, mais dans un moment pareil je me sentais abandonné par tous, y compris par lui que je vénérais cinq fois par jour. J’ai pris une belle engueulade par ma femme en rentrant…Après le clair de terre elle m’a envoyé prendre un coup de clair de lune pour me dégriser…Comme si j’étais pour quelque chose dans cette catastrophe.

 

-         C’est comme cela que tu t’es retrouvé coincé ici ?

 

 C’est Bollywood, qui pose la question, les autres l’ont surnommé ainsi car il vient du Sri Lanka. Trois ans qu’il est parti, il lui aurait fallu un passeport à rallonge pour y mettre tous les visas des pays traversés, ou lui ayant servis d’escales, s’il en avait-eu un !!!

 Il se sent coincé car il rêve de l’Angleterre ou du Canada…Paradis sur terre où tout serait à portée de main. Ce que personne n’ose contredire.

 

-         Tu peux pas lui foutre la paix, Bolly, t’as les capteurs en rideaux et les esgourdes retournées, tu voix bien qu’il a les larmes aux yeux.

 

C’est Raymond qui a interpellé le pauvre Bolly qui en reste médusé, l’hôpital qui se fout de la charité…hilarité générale !!!

 

-         Laisse faire Raymond il n’demande pas par méchanceté, c’est que lui aussi se demande de quoi demain sera fait. « C’est qu’il ne suffit pas de désirer travailler c’est notre lot à tous…il faut encore que notre désir soit compatible avec les réalités économiques…d’une entreprise pérenne !!! »

 

Une minute de silence quelques onomatopées…Whaf, ben alors, chapeau, çà décoiffe, une grande claque dans le dos…

 

-         Vous foutez pas de moi les mecs…Je n’y suis pour rien, c’est le délégué syndical qui nous a relaté la rencontre avec les représentants du fond de pensions, et il nous a dit qu’ils comprenaient notre désarroi !!! Si, si

 

Un silence seulement grignoté par le bruit des dés qui roulent sur une piste de 421, et le bruit du percolateur qui n’est plus très étanche.

 

La femme en terrasse interpelle le patron :

   

-   Tu peux me remettre ca ? la même chose…

 

 Amar tête penchée a repris son récit

 

-         J’ai déménagé dans le Nord- Pas de Calais, L’ANPE m’avait expliqué qu’il y avait du travail dans le bassin minier. Je n’étais pas mineur, avec ma femme on triait le charbon sur des tapis roulants. Moins bruyant que le haut fourneau, mais coté poussière c’était kif, kif. On a trouvé un appartement dans une HLM, c’étais pas mal…Sauf les cages d’escaliers et les abords, et puis quand il pleuvait il y avait des infiltrations le long des fenêtres.

Un homme au bout du bar se mêle de la conversation, il explique en termes crus et sans équivoque que si les HLM Français ne lui conviennent, pas il peut toujours s’en retourner dans sa case à Tombouctou. *

Stupeur générale, Gérard a le sentiment que l’on frôle l’émeute et le lynchage…Sous le bar il empoigne d’une main ferme la batte de Base Ball qu’il y range toujours par prudence…

Tout le groupe fait face, oubliées les réflexions à dix balles de Raymond,

 

- Mais de quoi il se mêle celui là, on va te transformer ta tête en pastèque ?

 

Devant une telle unanimité, l’intrus bat en retraite et se replonge le nez dans son verre de blanc, chacun sa culture.

 

-         Tu causes tu causes, mais cela ne nous explique pas comment tu t’es retrouvé ici avec nous ?

 

Paulo a de bonne raison de poser la question, Amar et lui sont voisins.

 

-         T’as raison je termine ...

     On pensait, que tant qu’il y aurait du charbon sous la terre on ne craignait       

     rien…Et puis ils ont fermé la mine pas rentable qu’ils nous ont dit…Tout    

     est transformé, on est dans l’atomique aujourd’hui, ils n’ont plus la même         

     vision que du temps de nos parents et du nôtre ;

 

Le silence du groupe est patent, au milieu du brouhaha qui a envahi le bar chacun se remémore les difficultés qu’il a du et doit encore traverser.   

 

C’est Poulidor qui sort de sa léthargie, une bière et il est mort, c’est comme cela qu’il a perdu son permis et que depuis il roule en vélo. A l’aller, car au retour il le pousse…C’est la vie, enfin la sienne !!!

 

-         C’est marrant tout ce que tu nous racontes…moi j’ai jamais eu tous ces problèmes…c’est que j’y connais pas grand-chose au boulot, j’ai jamais travaillé…Ma mère au début elle m’engueulait, je vis toujours avec elle. Le boulot c’est comme la maladie qu’elle disait, y a ceux qui l’attrapent, et ceux qui passent au travers, toi tu devais être vacciné, car ton score est        

   toujours nul. Elle a été voir l’assistante sociale pour mon dossier de   

   REMI*, elle aurait préféré l’allocation pour handicapé, car y paraît que ça  

   paye mieux. L’autre s’est mise en pétard, là vous exagérez madame …c’est  

   peut-être pas le génie de la Bastille votre fils, pas très courageux, ça oui,  

   mais malade de la tête non !

       Ma mère elle était contente, elle avait toujours cru que j’étais zinzin.     

   Depuis j’ai mon REMI et j’ai plus de problème.

 

* Les français ne sont pas très bons en géographie

 

On a  droit à une franche rigolade, car tout le monde la connaît la mère à Poulidor. Le soir vers sept heures et demie elle passe au café des sports pour voir dans quel état est son fils, et, s’il a dépassé la dose prescrite « carton rouge » Elle lui dit de se trouver un endroit pour dormir. Heureusement pour lui, son REMI ne tient pas tout le mois et il peut de temps en temps dormir au chaud.

 

Amar l’a patiemment écouté, car il aime bien ce garçon au comportement infantile, qui traverse la vie sans même la voir.

 

Il boit une gorgée et reprend :

 

-         Moi j’y croyais encore, je suis venue ici à Clairoix pour entrer chez Continental et fabriquer des pneus. Avec Fatima on s’était dit la bagnole c’est devenu carrément génétrique **, les hommes  pourront jamais s’en passer…On est dans un vieux mobil home sur le camping juste à coté de la tente à Paulo…ça rappelle le bled !!!

-         Dans le fond, dans notre malheur, on a de la chance, on peut se croire toujours en vacances,  il nous reste la civilisation du loisir !!!

 

-         Hé les philosophes si vous ne buvez plus rien je vais tirer le rideau, c’est   

     pas avec vos consommations de la soirée que je vais payer ma TVA *** à  

     19.6 %.  

 

  

                                                                                                                            Avanton 21 Mars 2009

 

* REMI : RMI Revenu minimum d’insertion  ** GENETRIQUE  Génétique  *** TVA : Taxe sur la valeur ajouté

 

 

 

2ème exercice : Votre vision de demain

 

 

Vous écrivez à une instance officielle (député, maire, président de la République…) pour lui donner votre vision idéale de demain, et lui demander d’influer dans ce sens en proposant les changements qui sont en son pouvoir. Il s’agira d’une lettre ouverte qui sera aussi diffusée dans la presse et relayée par des réseaux sur internet. Dans cette lettre, vous employez au moins 5 mots de la liste.

 

 

Monsieur le Maire.                                                    Avanton le 21 mars 2009

 

 

Permettez- moi d’attirer votre attention sur certains aspects de votre gestion de la commune, parce qu’ils me posent problèmes.

 

Entendons- nous bien, ce n’est pas que je sous entende que la municipalité que vous présidez en tant que maire ne fasse rien. Non, mais il m’apparaît que la vision des situations et les décisions qu’elle vous amène à prendre, est incomplète et erratique. Vous agissez au coup par coup, sans perspective ni cohérence, on ne perçoit aucun désir de pérennisation.

 

Il me semble que ce n’est pas ailleurs, en déplaçant les responsabilités sur l’Etat et les collectivités territoriales qu’il faille chercher la cause de vos incohérences.

 

C’est ici même, sur notre territoire qu’il est possible de construire un projet, en prenant en compte  ses richesses et  ses manques, en analysant les besoins et les attentes de la population, en s’appuyant sur sa réflexion et son dynamisme.

 

Vous décidez, entreprenez, sans programme ni étude des besoins et des impacts. Mais plus grave encore à mes yeux sans un regard sur ceux qui vous entourent.

Vous ne les écoutez pas, et ne les entendez pas faute de vous être doté de capteurs vous permettant de mesurer les attentes des usagers, de repérer et d’intégrer les évolutions de la société ainsi que les évolutions techniques et technologiques.

 

Il n’est pas toujours suffisant de transformer les lieux et les espaces pour les rendre viables et adaptés à tous.

Il faut qu’il y ait compatibilité entre attentes et projets.

Les uns n’étant pas obligatoirement antinomiques avec les seconds…

Mais cependant chacun des partis devant pouvoir y trouver son compte et se les approprier.

Trois clics sur power-point ne remplaceront jamais : proximité, contact et prise en compte !!!

A vous regarder fonctionner, on pourrait douter que nous soyons porteur du même génome.

Je reste à votre entière disposition pour vous rencontrer et vous exposer mes points de vue.

Je tiens à vous rassurer ce ne sont pas des chimères retenues après un coup de clair de terre.

Si on ne peut bousculer une montagne, l’utopie permet quelque fois de les contourner !!!!

Recevez je vous prie……….                                  Avanton 21 mars 2009

 

 

 

 

 

3ème exercice : Le château demain…

 

 

Vous imaginez une scène qui se déroule dans ce château demain, ou après-demain…

Ancré dans l’Histoire, il s’est ouvert, depuis quelques années à une nouvelle vie.  

Une histoire y prend place dans un futur proche ou plus lointain, des personnages y évoluent, chut…

Racontez sous une forme romanesque en utilisant « ailleurs, clair de terre, clic, compatible, désirer, pérenne, transformer, vision ».

 

 

 

 

Avanton …Demain ou plus tard  

 

  

 

  Mesdames et Messieurs notre prochain arrêt sera le château d’Avanton, première station du Nature-Land de la Vienne…

 

    Dans un glissement feutré et soyeux le monorail vient mourir à la station et les portes se déverrouillent.

 

    La petite église n’existe plus, on l’a rasée pour aménager la station, ainsi que la boutique de souvenirs.

Depuis belle lurette on n’y pratiquait plus aucun culte, la fréquentation avait beaucoup baissé, aidée en cela par un certain Pontife dont les propos avaient des racines bien peu en rapport avec l’évangile…

 

    Les Châteaux de l’espace Vienne, département depuis longtemps intégré au module « Arc Ouest Européen » ont tous été intégrés dans des parcs thématiques : Très belle réalisation effectuée dans le cadre des projets définis par l’UNESCO, département culturel des Nations Unis.

 

    La mise en œuvre de ces projets eut de grands retentissements sur la vie des populations : Il fallut mettre en valeur, restaurer, regrouper les habitants dans des unités de vie autonomes en matière d’énergie et neutre en rejet de gaz à effet de serre, ne déparant pas les paysages…

 

   Seules subsistent quelques agglomérations : Poitiers, Neuville du Poitou, Mirebeau, Moncontour, Loudun …

 

    Entre elles, on a tout enlevé, maisons, routes, voies ferrées, lignes électriques, châteaux d’eau…On s’est réinventé une nature dans son plus simple appareil.

 

    Cela ne s’est pas fait sans chocs émotionnels ni en trois clics de souris de concepteurs, mais comme tout le monde était d’accord, et que cela correspondait au désir du plus grand nombre, la réalisation s’est faite sans soucis majeur.

 

    C’est qu’après de longues hésitations et de valse lente, on est enfin entré dans l’ère du durable et du pérenne.

 

    Ce qui explique les toitures du château refaites en remplaçant les ardoises par des capteurs solaires.

 

 

   Les habitants de l’Europe, n’ont plus à aller voir ailleurs pour leurs loisirs, ils ont tout ce qu’il leur faut sur place avec, avec très peu de compensation carbone.

    L’ensemble des parcs à thèmes qui s’échelonnent  du nord de la Scandinavie, aux rivages de Sicile, et de l’Irlande à la Mongolie sont tous reliés entre eux par des monorails électriques, conditions posées par les habitants pour garantir l’avenir de la planète.

 

    Au château d’Avanton le thème retenu, ce sont les mots…

Dans ce lieu, on les décline, triture, interroge, inverse leur signification, voire titille leur signifiant.

     C’est presque magique ici, les mots sont partout, ils se glissent sous les portes, s’évadent par les fenêtres, sautent par les mâchicoulis, se nichent dans le pigeonnier, s’entassent dans les oubliettes et les soupentes, dorment au pied d’un rosier ou d’une topiaire…gare, si vous prenez un verre il peut contenir tous les noms des grands crus de Bourgogne ou du Bordelais, mais aussi piquette, vigneron, pressoir, enfin vous voyez bien…

    Mais si, vendange est là aussi, et chanson à boire, et cuite et mal de tête, et tête dans le mur, voire alcotest et éthylotest…Tous vous dis-je, ils sont tous là les mots de la langue française d’hier et d’aujourd’hui…

 

    Les visiteurs n’en reviennent pas, époustouflés qu’ils sont par tout ce qu’ils découvrent ou entendent. Très vite ils ont compris, retrouvant une âme d’enfant.

Ils escaladent les escaliers du donjon pour aller voir et entendre les mots qui voient loin, qui prédisent l’avenir, qui sentent l’iode des courants marins et la chlorophylle des espaces retrouvés…Les mots qui parlent d’aventure, de soleil à l’horizon, que ce soit le premier rayon de l’aube ou l’embrassement du couchant…Ah ! La forêt de Neuville dans laquelle on peut entendre ululer le Grand Duc…

    Et si vous veniez la nuit vous pourriez dialoguer avec la voie lactée, bronzer au clair de lune, rêver de chevaucher la comète ou de lui faire des nattes et faire des vœux en regardant les étoiles filantes.

 

    A l’inverse, il y a ceux des tréfonds, qui sentent l’humus et le compost, l’humidité et le salpêtre…

    La barrique dans laquelle le vin en devenir bouillonne. La bouteille qui murit patiemment, et les fines bulles qui n’attendent qu’une occasion festive pour éclore.

    Il semble à certains, que quelque fois ils entendent le bruit d’une chaîne que l’on agite, d’un boulet que l’on tire, voire les gémissements de celui que l’on torture. Mais rassurez vous, si cela a existé, c’était il y a fort longtemps, on n’a pas retrouvé la clef des cachots, rien n’est très sur !!!

  

 

    Après un passage dans ces lieux un peu sombre, le visiteur se dépêche de remonter vers les étages plus accueillants par crainte de tomber dans une chausse-trape.

 

   Entre les deux, ce sont les espaces de travail et de convivialité : Ceux où l’on brode les mots en jolis pleins et déliés, arabesques saisissantes, rimes riches ou pauvres, pieds harmonieux ou très bots Ce sont des chemins, qui vous entrainent et vous confisquent la raison, on y est parfois  perdu  dans des pages où l’on cherche un passage vers la compréhension de ce qu’a voulu y exprimer l’auteur.

 

  On cherche à saisir des mots la substantifique saveur, celle qui vous colle à la langue et au palais comme le bouquet d’un grand cru, ou vous taquine les narines comme la fragrance d’un doux parfum : Odeurs de vie, charmes du quotidien, part secrète de la vie.

 

    Ce travail est joyeux et plein de rires, mais aussi plein de plongées au cœur  de soi et de silence. C’est qu’il faut aller les chercher et les manipuler avec précaution, ces mots et ces idées fragiles comme des bleus en porcelaine de chine…un souffle, que dis-je, un zéphyr et ils se sont définitivement perdus

    

    Les visiteurs se pressent aux portes, ils voudraient savoir ce que font là ces personnes souriantes ou songeuses, voire carrément hilares, mordillant leur crayon, ou le regard perdu face à leur feuille blanche, tandis que d’autres, l’œil

vissé sur leur page travaillent comme des stakhanovistes de l’écriture, dévorants avidement les pages de leur bloc ou maltraitants leur clavier.

    Certains sont figés, comme des modèles d’école des beaux arts, d’autres laissent leurs regards vagabonder au fil de leurs pensées, ou bien se lèvent sans arrêt espérant que le mouvement leur livrera la piste mystérieuse du sens, ou la conclusion de leur nouvelle.

 

    Si c’est aussi passionnant, on voudrait en être, les visiteurs tombent sous le charme ce qui dans le fond est le but de ce conservatoire, que dis-je de ce laboratoire de l’exploration du soi.

 

    Beaucoup restent silencieux, opinant du chef, ils voudraient en être disent-ils, mais nous en avons perdu l’habitude énoncent-ils aussitôt pour leur défense.

 

    Il y a si longtemps que le dictionnaire a été refermé, que le dernier livre s’est endormi sur la table de chevet, et que les mots  y sont enfermés, que l’on ne sait même plus si on les reconnaitrait en les croisant.

    Ce n’est plus compatible avec notre mode de vie postmoderne, c’est beaucoup plus aisé avec les casques vidéo numériques et interactifs qui reçoivent les programmes satellites où que vous soyez.

 

       Excusez nous pour le dérangement…Ils disparaissent comme des spectres glissant vers le bout du couloir ou dévalant les escaliers.

 

    Certains restent et s’installent subjugués qu’ils sont par les sonorités entendus, par la blancheur de la page et la douceur du grain du papier, voire  la clarté d’un écran. Les touches qui frémissent sous les doigts, le bois du crayon qui chauffe au creux de la main, le stylo dont un maniement étudié permet de tracer les lettres en des formes gracieuses qui mettent en valeur le texte…

 

    Il ne faut surtout pas oublier au cœur de cette demeure les espaces de culture et de bonne chaire : Lieux d’expériences et de mise en valeur des voix des idées et des richesses du terroir…- Un arome sensuel qu’exhale un vieux cru proposé  en découverte œnologique - Une voix de soprane que renforce un baryton et qui ciselle les marches des escaliers du donjon -  Les déclamations d’une troupe théâtrale revisitant un classique du répertoire ou une farce du moyen-âge.

 

    Autrefois il y avait bien des lieux au creux desquels il faisait bon vivre, désormais c’est impossible, ils sont pleins du sol au plafond.

De quoi me direz- vous ?

 

    Mais de mots mon cher, de mots seuls ou en ribambelles formant romans, poésies, nouvelles, essais de droit ou de politique, recueils de théologie, vieilles bibles et vieux missels encore pleins d’images de communions ou d’exvotos de pèlerinages. Les romans coquins sont à part mais à voir les boîtes danser sur leur rayonnage il est facile de les repérer.

    Des boites de mots isolés sont entassées là en attendant de resservir…Essayez pour voir dans un diner de caser clair de terre ou génome…!

 

Mademoiselle, m’accorderez-vous de faire quelques pas avec moi sous les arbres par ce beau clair de terre ??? Bide assuré…

 

He la meuf, j’ai une meule terrible, saute en croupe on va  s’éclater sous le clair de terre, si tu m !!! Le résultat n’est pas plus assuré.

 

Si vous parlez de rapprochement, voire de mélange de génomes, gare, de nos jours il est conseillé de sortir couvert…Les petits bâtards hors de la boulangerie n’ont pas toujours une vie facile, et les petits virus ont la vie dure…

 

Il y a ceux qui au fond d’une échauguette répètent par cœur les mots obligatoires comme on répèterait les sourates du Coran : Génomes pérennes et compatibles impliquent de désirer ailleurs faute de quoi il y aura consanguinité ce qui n’offre pas des perspectives bien affriolantes.

 

    Mignonne, allons voir si nos capteurs, ont bien intégré mon clic d’œil en vision d’avenir pour transformer un coup de clair de terre (eh oui l’émotion) et un désir brûlant en union pérenne, faute de quoi je me verrai dans l’obligation d’aller proposer mon génome ailleurs, à une charmante personne compatible avec mes affinités…

 

    Ils sont tous chamboulés, et les oreilles pleines de sonorités et de questions. Ils voudraient encore, mais c’est trop tard…Le driver donne de la voix et de sa sirène pour rappeler à bord ses passagers. Cette fois nous allons nous arrêter à Neuville du Poitou…L’Agri-land comme si c’était hier, il paraitrait qu’il présente une vache avec des cornes, un âne à long poils, des poules et des poussins…peut-être même un verrat avec sa truie et ses petits, tout un programme !!!

 

-         Monsieur, monsieur, je vous prie de m’excuser de vous déranger, pouvez-vous me donner votre billet s’il vous plaît…

-         Oui, oui, le voici !

 

-         Il y a un problème, vous auriez du descendre à Poitiers !!!

 

-         Non, non vous faites erreur j’ai réembarqué à Avanton je suis avec le groupe qui se rend à l’Agri-land de Neuville du Poitou.

 

-         Monsieur voudra bien m’excuser, je ne suis pas compétent pour assurer la prise en charge des égarés dans votre genre…Pour votre information nous venons de nous arrêter à la gare d’Angoulême, notre prochain arrêt sera la gare de Bordeaux Saint Jean… Cela vous fera cent euros, et j’accepte les chèques si vous avez une carte d’identité

 

  

                                                                                                                   Avanton 21 Mars 2009

 

 

NB: Retrouvez les textes de Dominique Guerville avec la rubrique" Rechercher""