Française, instance interne à l’Académie Française, publiait un rapport préconisant une simplification de l’orthographe. J’avais alors quarante deux ans et ma religion sur l’Académie Française n’était plus à faire. A mes yeux, comme il est d'usage chez les professionnels qui ont un monopole à défendre, elle ne pouvait que préférer le plus compliqué au plus simple. Le français s’était trouvé ainsi enseveli sous des montagnes d’exceptions inutiles et des complications de toute nature qui n’ajoutaient en rien à la clarté de l’expression et rebutaient les débutants. Ainsi boursoufflée de mauvaises graisses, la plus belle langue du monde était du reste de moins en moins courtisée.Pour faire bref, dans ma représentation, notre Académie était devenue au fil des siècles une institution plutôt nuisible, fossoyeuse de la langue qu’elle était chargée de promouvoir. Un beau projet de Richelieu qui n’avait servi qu’à paver l’enfer orthographique d’une bonne intention de plus.

J’ai toujours appelé de mes voeux l'arasement de cette montagne d' exceptions absurdes et de temps de conjugaison ridicules ânonnés sur les bancs de l'école.Tout le monde arrivait déjà à se faire comprendre sans jouer les funambules au-dessus du plus-que-parfait du subjonctif. Sauf Le Pen, naturellement, qui y trouva un peu plus tard un moyen peu couteux d' épater les petites gens. Alors, même une seule fois en trois siècles et demi, un petit remake de la nuit du 4 aout par ces barbons de l’Académie n'était pas pour me déplaire !

J’étais loin d’imaginer la réaction populaire relayée par des intellectuels et journalistes que je croyais d’avant-garde. Consciente du danger, l'Académie avançait pourtant à pas de sioux: « Les graphies rectifiées devenant la règle, les anciennes demeureront naturellement tolérées » En effet, comme dit si bien le philosophe, le plus difficile est de se débarrasser des chaines qu'on a soi- même forgées.

On se souvient en effet de la bronca soulevée à l’époque dans la presse par cette mesurette (oui, ce n’était quand même pas la révolution bolchévique à nos portes !) . Je me rappelle Jean Louis Bory, ma plume préférée de l’ Obs, dressé vent debout avec tout l'hebdo derrière lui pour défendre l’accent circonflexe sur le i et le u menacés d’extinction par des hordes d’académiciens barbares. Et d’autres s’agrippant désespérément aux règles d’accord du pluriel des mots composés, si logiques que pour le profane la meilleure solution s’avère le pile ou face. Touche pas à ma langue ! De toutes ces lignes suintait la consigne des bizutages réussis: « On nous en a tellement fait baver pour nous rendre si intelligents qu’il n’ y a aucune raison que les nouveaux n' y échappent ! »

En 2008, Jean-louis Bory est mort depuis longtemps, mais ses disciples peuvent pavoiser. Face cette fronde d' intellectuels souffreteux et malgré les exhortations répétées de l’Académie, les dictionnaires ont été incapables en dix huit ans d’intégrer les simplifications de 1990 ou alors de façon très partielle. Saluons à cet égard l’édition Hachette 2009 qui reprend à présent courageusement en sa page 22 les préconisations du JO du 6 décembre 1990 et les intègre dans son corpus. Le Petit Robert est en marche et le chemin semble encore long pour Larousse…

Voilà le résultat de l’intervention de nos brillants réactionnaires : Je lisais récemment dans une enquête de l’un de mes illustrés favoris que là où un petit italien de huit ans et de dix pour un anglais étaient en mesure de rendre avec zéro faute une page de dictée d’un texte simple, il fallait attendre au mieux le Bac pour les petits Français en étant optimiste …et j’éviterai charitablement de parler de leurs professeurs. Une fois acquis à huit ans les fondamentaux de leur langue, on se prend à rêver du temps précieux gagné par ces élèves pour se consacrer à des matières autrement plus épanouissantes, la lecture des textes par exemple!

Napoléon disait que l’ écriture (au sens de calligraphie) est la science des sots et je ne suis pas convaincu que l’orthographe soit le pinacle de l’intelligence, quand je vois le nombre de fautes laissées derrière eux par certains brillants esprits de ma connaissance ! D’ailleurs s’agissant de cette épreuve sportive qui déchaine l'hilarité de nos voisins, je veux parler de la dictée de Bernard Pivot, j’ai lu quelque part (mais j’accepte d’être contredit) que les plus lettrés de nos académiciens étaient rarement descendus au-dessous de cinq fautes. Au moins, si cette prise de conscience de leurs propres insuffisances les a conduits sur la voie de la réforme, Bernard Pivot n’aura pas dicté dans le désert…

Alors comment les Italiens et les Anglais ont –ils géré leur langue pour parvenir à cette magnifique réussite ? Mais angoissant corollaire , comment des écrivains ou des philosophes peuvent-ils exercer leur art dans des langues aussi rustiques ? Ma question ne relève pas d’un simple procédé oratoire. Je ne suis en effet qu’un utilisateur lambda de la langue, ni linguiste ni enseignant. Si donc un lecteur versé dans ces matières pouvait m’apporter sur ce blog ses lumières sur l’histoire des modalités de fixation de ces langues je le remercie chaudement par avance. Google reste en effet muet sur ce point.

Heureusement, comme souvent, les étrangers ont compris plus vite que nous où était notre intérêt. C’est ainsi que le correcteur d' outlook et celui de ce blog sont programmés en nouvelle orthographe depuis leurs débuts et que Word office 2007 propose également une version du Français en orthographe rectifiée.

Certes, tout cela va dans le bon sens, mais pas assez loin. Il faudra attendre la disparition effective de combien d’intellectuels poussiéreux pour finir l’ énorme travail de nettoyage des écuries d’Augias de notre orthographe ? Le rayonnement de la francophonie et de nos intérêts économiques bien compris est à ce prix. Malheureusement, perçue comme un instrument de domination de l’ancien colonisateur, l’ actuelle Académie Française, recroquevillée sur l'hexagone, n’est surement pas aujourd’hui l’institution la mieux adaptée.
L’avenir est plutôt à la prise en compte de la diversité de chacun des pays francophones avec une instance internationale géographiquement tournante pour harmoniser le français à partir, non de l' histoire, mais des plus petits dénominateurs communs actuels. Le but premier n'étant pas de faire joli,mais d'abord de pouvoir continuer à se comprendre entre utilisateurs du français. Inutile pour cela de chercher des poux dans les choux, hiboux, cailloux et autres genoux . Ils pourraient bien se prendre un s au pluriel comme leurs petits camarades sans diminuer le rayonnement de la langue française! De même, je n'aurais aucun complexe à assister à des festivaux sans monter sur mes grands chevaux...Ni de dire avec les Canadiens, pardon, les Québécois: " Que faisez vous dans la vie? Comment disez vous?". Ce sont précisément ces derniers qui viennent d'enrichir notre langue des mots procureure ou écrivaine... Il n’existe à ma connaissance aucune instance de cette nature et c'est bien dommage.


PS : Consultez le texte dont s'agit: http://www.academie-francaise.fr/langue/orthographe/plan.html


NB : Retrouvez les textes d’André Youx sur ce blog avec la rubrique « rechercher »