une saloperie dans l’oreille pendant que j’étais à ma caisse. Je lui ai dit que ça lui ferait une expérience. Il mugissait comme une vache en se tenant le nez. Ça a fait le tour de l’hypermarché. Monsieur Ducul m’a convoqué dans son bureau : « - Mademoiselle, notre culture d’entreprise, tati tata… » Bref, trois jours sans salaire. Il faut dire que dans le genre connard, celui-là c’est sans remède (pardon ! il paraît qu’il ne faut pas employer des mots grossiers chez vous, j’ai pas l’habitude). Mais là, non vraiment, trop c’est trop, j’en peux plus. Quand je suis tombé sur ce machin qui s’appelle « le Roman d’un homme heureux », j’ai cru dégueuler. Alors Monsieur est heureux, il paraît ! Monsieur batifole à longueur de pages avec une cohorte de meufs qui lui tendent leur cul comme des petits beurres à un pingouin. Eh bien y en a une de meuf que je peux te dire que t’as bien fait de pas tomber sur elle, parce que c’est pas son cul qu’elle t’aurait tendu mais une paire de ciseaux pour te couper ce dont t’as pas l’air de te servir beaucoup entre parenthèses, parce que chez toi c’est plutôt la tête, si j’ai bien compris, tu te shoote aux idées, t’es un camé Léon, un camé de la cervelle, voilà ce que tu es, un paresseux de la quéquette ! Je vois le genre : cheveux hirsutes, grosses lunettes, voix dans le genre de celle de Ducul quand il m’annonce que je suis viré. Tu les entortilles dans tes discours mielleux, les meufs, mais la seule chose qui t’intéresse c’est de te faire lécher le trou de balle pour leur prouver qu’elles sont que des merdes. Ça te fait jouir de les humilier, de les casser. C’est même la seule chose qui te fait jouir. J’ai pas beaucoup étudié mais on m’a dit qu’y avait des types comme ça, qui ont même vendu beaucoup de livres en écrivant ce genre de salades. Je suis sûr que tu dois croire que c’est alléchant pour le lecteur toutes ces petites saloperies. Manu, mon copain qui a bac plus deux, il appelle ça des « turpitudes ». Lui, rapport aux mots il sait causer mais au moins quand il me ramone, c’est le tunnel sous la Manche : en moins de deux t’es en Angleterre. Mais ce qui me plaît chez lui c’est pas ses mots c’est son odeur. Ça t’a jamais traversé l’esprit qu’une meuf ce qu’elle pouvait aimer chez un mec c’était son odeur. Toi, je suis sûre que tu t’arrose au Brut de Fabergé chaque fois que tu vas tirer ton coup, parce que l’odeur ça te fait peur, et celle des meufs alors, je te dis pas ! elle te dégoûte. Voilà le fond du problème, les meufs te dégoûtent. Nous sommes des impures. Alors à la rigueur les supercanons, celles qui te font oublier qu’elles sont vraies, celles qui se déguisent en Sainte Vierge, tu les pelotes à travers leur mousseline en levant les yeux au ciel. Les Sainte Vierge ! c’est fait pour rester dans leur niche, gros con, on leur demande pas de descendre.

La dernière c’est la plus belle ! Petra. Tu veux que je te dise ? Au bout d’un mois elle avait déjà compris. Écarté le mec, oublié, plié, vendu. Mais toi tu lui a collé les baskets pendant des années. Tu sais comment elle t’appelait à la fin ? le scotch du capitaine Haddock. Elle en pouvait plus. Seulement elle avait pitié de toi, voilà. Chaque fois qu’elle te voyait tu lui remuais le cœur. Elle se prenait pour ta mère. Trop connes les meufs !

Rapport à ta mère d’ailleurs, y a pas à dire, t’as été gâté. Elle t’a trop aimé, voilà le problème. Manu il comprend ça parce que la sienne elle le faisait dormir dans son lit à cause que son père à lui était alcoolo. Quand elle est partie en H.P. il a été mis en foyer. C’est là qu’il a rencontré Momo, son meilleur copain. Il est né à Alger comme toi, Momo (il s’appelle Mohamed) mais il dit qu’Alger c’est pas du tout comme tu racontes. Y a que des reubeus là-bas, tandis qu’avec toi y a que des blancs. Et le père de Momo il en a connu des blancs quand il était petit. Même que son père à lui travaillait dans un vignoble et le jour où ils devaient le payer, au lieu de ça ils l’ont balancé dans la cuve. Ils ont dit qu’il avait glissé. Tu te rends compte ! noyé dans le Sidi-Brahim ! Quand son frère est allé se plaindre aux gendarmes il paraît qu’ils ont joué toute la journée au foot-ball avec lui. Et c’est lui qui faisait le ballon, il racontait le frère en rigolant. Momo aussi il rigole en racontant. Il est très fier de son grand-père : noyé dans le Sidi-Brahim, tu te rends compte ! Des histoires comme ça, y en a jamais dans ton roman. Peut-être que t’en connais pas. Et crois-moi, les meufs, c’est ça qui les fait jouir. Alors si elles se tirent quand elles te voient te demande pas pourquoi.


NB: Publié dans le cadre de l'atelier "Je est un autre"