Puis-je encore vous appeler Madame ? Nos habitudes épistolaires nous ont fort rapprochées depuis quelques mois, et chaque fois que je m’attable à mon clavier pour reprendre nos palabres régulièrement enrichies par vos multiples questionnements, je sens que peu à peu vous apprivoisez cette part rebelle en moi que pourtant je croyais exsangue. Votre tact pudique, visiblement jubilatoire, tant il répond peu à l’image provocatrice si souvent accolée à votre visage, a, au fil des mois, établi une passerelle entre mes regrets de militante déçue et de nouveaux projets que vous m’aidez à faire émerger ; tels des rhizomes à la surface d’une terre assoiffée, mes idées vagues prennent forme, désormais guidées par l’aiguille fluctuante d’une boussole jamais bloquée au nord.
Comment vous dire ce que je vous dois ? Je vous imagine dans votre bureau, écrivant, imperturbable, de huit heures à midi tous les jours, et vous délectant, ensuite, de quelques communications sans danger avec des lectrices comme moi.
Aller plus loin dans nos échanges ? Je ne sais si je peux me permettre de vous le demander.
Si j’osais, je vous proposerais de nous retrouver pour un déjeuner, non, plutôt un thé, plus libre.
Et peut-être, si vous en avez envie, nous pourrions répéter ce thé régulièrement, jusqu’à ce que nous passions, naturellement, du vous au toi