à m’apprivoiser alors que rien n’était gagné d’avance ? De quel tact il t’a fallu faire montre, jour après jour, pour me suivre dans mes délibérations intérieures ! Dès que je m’attable devant mon ordinateur, mon attention est toujours captée par des divertissements existentiels. Mais m’arrêter à écrire, pas pour rédiger ces heures de lignes qui font mon quotidien, mais écrire, pousser chaque mot qui se retient, lui ouvrir une porte, une voie, une passerelle ; il m’en a fallu des souvenirs jubilatoires de ta longue figure taillée au couteau ; il m’en a fallu des heures de patience pour ne pas perdre la boule ! Mais les palabres interminables avec ma conscience, la terreur de sacrifier à un orgueil indéfinissable, les espoirs d’avoir enfin trouvé mon « sujet » tombés à l’eau en une seconde… auraient eu raison de moi à tout jamais si je n’avais, fichée dans un coin de mon crâne, la boussole de diamant que tu m’as léguée. Et là, dès que je la pointe vers le nord, les mots ressurgissent par rhizomes entiers, ils affleurent en désordre, et déferlent par la brèche qu’ils ont ouverte.
Et ton visage me revient, toi mon chevalier à la longue figure, toi mon poète rêveur de démesure, toi…