En fait, il s’agit de réaliser une alliance permettant de garder toute la rugosité de la saveur de l’homme, tout en y adjoignant la tendresse du sucré.
Choisir l’homme :
Pour cette recette, il est préférable de trouver des hommes élevés sous la mère, mais déjà sevrés. A noter qu’on peut aussi trouver de bons produits d’élevage, si on a accès aux informations sur leur pedigree et leur carnet de vaccination. L’homme sauvage, qui s’est tenu éloigné de tout dressage pendant sa croissance, risque d’être un peu dur sous la langue. Mais il existe des moyens de pallier à une qualité un peu rude au départ, par la préparation et la patience.
J’ai tendance à préférer pour cette recette des hommes arrivés à juste maturité. A noter cependant que certaines conditions d’élevage et certains pedigrees peuvent permettre d’obtenir de bons résultats avec des produits plus jeunes, ou plus âgés. Il s’agira alors d’adapter les temps de préparation.
La maturation
C’est dans cette étape que réside la réussite de votre recette. Il s’agit d’attendrir la bête, par divers procédés.
La marinade : laisser mariner votre homme, idéalement dans son jus, pendant une bonne période. Il est difficile de vous donner une juste évaluation du temps requis, cela dépend de la qualité initiale de l’homme travaillé. Disons juste qu’il ne faut pas exagérer non plus. Il m’est arrivé d’en oublier un sous ma fenêtre tout l’hiver. Quand je m’en suis souvenu, j’ai eu affaire à quelque chose de plus endurci, raidi par le froid. J’aurais pu le décongeler, au prix d’efforts difficiles, mais j’ignorais si la carcasse dans laquelle il s’était à présent engoncé pourrait finir en douceur sucrée. Un autre, mis en marinade au printemps, m’a carrément été dérobé par une louve errante. Il faut donc surveiller la marinade , et s’occuper régulièrement de l’individu (le retourner, le piquer avec quelques flèches d’humour, le tâter discrètement pour voir comment la chair répond) Vous sentirez naturellement la fin de cette étape.
J’ai surtout évoqué la maturation à froid, mais pour certaines espèces, on peut préférer l’étuvage. Il s’agit alors de placer l’homme sous la couette et de le maintenir au chaud par tous les moyens disponibles. Pour s’assurer une plus grande tendreté des chairs, il peut être recommandé de recourir à un léger pétrissage.
Confit
Quand vous avez atteint un stade d’attendrissement suffisant, il est temps de passer au confit. Attention, il ne s’agit pas d’obtenir quelque chose de trop sucré, ayant perdu toute son acidité et son râpeux. Il faut donc l’ensucrer doucement, par petites touches, sans qu’il s’en rende compte. Il est normal qu’il attache un peu à ce stade, rassurez vous ce n’est que temporaire. L’homme juste confit à point est d’une grande douceur, mais reste ferme. L’avantage de cette recette par rapport à d’autres préparations est que vous garderez votre homme longtemps, même après ouverture, et vous pourrez vous en servir par petites touches pour toute la saison à venir, sans crainte qu’il ne se gâte.


"Quant à ce plat : j'espère que Vos Seigneuries en seront satisfaites; il peut lutter contre les plus exquis … : il est confit dans le sel gemme, et sa chair, entrelardée de blanc et de rose, est la plus appétissante du monde." T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 62.


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