Elles sont sportives, aventureuses, plus sensuelles mais moins guerrières que leurs lointaines inspiratrices. Le temps les a réconciliées avec les fils d'Hercule tels qu'on les rencontre aujourd'hui dans les temples du culturisme.
Jadis, lorsqu’elles volaient au secours de Troie, les Grecs pouvaient bien redouter leurs arcs. La nouvelle Sagittaire est arrivée qui a troqué son carquois contre celui de Cupidon. Suivez ses flèches, elles vous conduiront tout droit au temple de l'Amour. Et si, chemin faisant, elles se retournent contre vous, ce ne sera que par impatience. Par un jeu d'aimables agaceries. Plutôt que de défendre sa ceinture, Madame Sagittaire l'offre à son prisonnier en signe d'abandon.

Plus besoin de sacrifier un sein au confort de la chasse ou de la guerre. Elle peut, tout à son aise, vous viser de son trait ou de sa javeline. Promis aux caresses, le tendre mamelon a cessé d'être une gêne. Rien que de l’effleurer, la flèche va s'imprégner d'une saveur de miel et de lait, se répandre en odeur de sein et de thé jusqu'à vous atteindre au cœur pour en faire de vous son captif, tout en vous laissant la vie sauve. Vous ne succomberez qu'à l'impulsion irrésistible de venir palper l'origine de la trajectoire pour en éprouver le ferme et le satiné.

Autre évolution marquante. Les Amazones, on s'en souvient, ne s'accouplaient qu'une fois l'an. Fréquence qui, au fil des siècles, devait largement s'accroître.
De nos jours, leurs descendantes perpétuent ces hordes féminines en acceptant le mélange des sexes quelles que soient l'heure et la saison. Leurs chasses à l'homme sont quasi quotidiennes. Il y a toujours une planète pour encourager les natives du Sagittaire. Quand ce n'est pas Jupiter qui les émoustille côté cour, c'est Pluton qui les croustille côté jardin. Pluton qui, tout gazon franchi, les entraîne bien au-delà des massifs de fleurs bleues.
L’œil du sociologue observera la façon dont les sagittaires s’en vont traquer le mâle. Chacune pour soi en apparence. Mais il n'est pas rare qu'après capture elles procèdent au partage. Elles échangent alors les numéros de téléphone et les adresses e-mail de leurs victimes. Ils s'en trouve même pour documenter une abondance de détails permettant d'orienter au mieux le choix des copines en fonctions de leurs goûts et de leurs fantasmes.

En dépit de leur penchant grégaire, les filles du Sagittaire savent laisser libre cours à la diversité des styles.
Les plus racoleuses porteront le collant léopard, en mémoire des peaux de bêtes auxquelles se limitait la garde-robe de leurs aïeules.
Les plus couture adopteront la tenue Safari du Soir : un drapé très haut fendu sur la cuisse et qui désertera l’épaule droite pour venir s'agrafer sur la gauche. L'oblique de l'étoffe découvre alors la splendeur de ce galbe qu'une époque barbare sacrifiait sans pitié au confort de la tireuse. Car un paradoxe demeure: avec la Sagittaire ce sont nous, les mecs, qui nous faisons tirer.
Les plus jeunes d’entre elles, enfin, se limitent volontiers à quelque vestige de jean qui s’accorde très bien à leur nouvelle monture : la moto. Equivalent symbolique de l'antique mutilation, il n'est pas rare qu'un tatouage provoquant vienne personnaliser la partie la plus aimable de leur buste.
Le gibier masculin n'a plus qu'à faire son choix, si on lui en laisse le temps...

En chevauchées de jour, madame Sagittaire oublie son féminisme et consent à courir sous les couleurs de la planète Jupiter – bien que le dieu eût des façons fort contestables d’abuser les femmes.
De temps à autre – aux dates disponibles dans toutes les bonnes éphémérides – la planète recule. Qu'importe à la Sagittaire : ce sera toujours pour mieux sauter, mieux franchir l'obstacle, effacer la rivière et poursuivre à l'envi son éternelle cavalcade. Collez votre oreille contre le sein de cette sauvageonne et vous entendrez le galop.
Le soir elle s’accorde une halte. Elle allume son brasier personnel - signe de feu oblige - et dépouille son prisonnier.
Avec un peu de chance, il se peut que ce soit vous.
S'étant elle-même dépouillée, elle vous contemple avec satisfaction et se dispose à vous consommer dès que les regards mutuels auront fait leur oeuvre.

En chevauchée de nuit, Madame Sagittaire dort sur sa monture. L'approche des frontières fait sourdre en elle des rêves érotiques. Tant elle raffole de les franchir, qu'un orgasme la réveille au moment précis où elle en traverse le pointillé. Celui que l'on peut voir dessiné sur les cartes mais qu'elle est seule capable de percevoir à même le sol.

Tant de chemins parcourus, tant de hasards croisés font que l'on trouve de tout sous le sabot de cette équestre voyageuse : Drachmes d'or, carbone quatorze, obsidiennes rares, paillettes de nuits blanches, aurores boréales surgelées...
Elle était allé cueillir la rose des vents dans les toundras. Elle revient du froid sur des symphonies de nouveau monde et repartira à la conquête de l'Ouest pour des senteurs de bivouac et des airs d'harmonica. Madame Sagittaire garde vocation à franchir les Atlantide et à sillonner les continents...

Dès lors, étonnez-vous que chaque matin ses grandes aspirations la reprennent. Qu'elle enrage de n'être qu'ici et non là-bas au bout du monde où l'attend son idéal : Vous, peut-être, si vous en avez l'audace. Chaque jour qui se lève lui propose un départ, lui promet une nouvelle vie, l'enrichit d'une confiance tombée de la dernière nuit. Tout ce qui limite le regard s'évapore avec les brumes du matin. Tout ce qui rétrécit l'horizon s'ouvre tel un rideau de scène. Elle part à la poursuite de ses flèches. Le plus lointain décor sera bientôt à ses genoux. Mais elle ne sera jamais aux vôtres. Elle est bien trop fière. On vous l’a dit, le feu des amazones court encore dans ses veines.
Navrée de déplaire, elle demeure la plus prompte à larguer ce qui la bride et à brader ce qui la nargue. D’autant qu’une sainte horreur de l’ingratitude qui la détournera toujours des tâches ingrates.

Elle ne vit pour de bon qu'à l'article de l'amour. Que celui qui n'a pas peur du feu vienne jouer avec le sien. Il connaîtra des couchants embrasés.
Mais que le pantouflard, le cocooneux, l’amateur de train-train oublieux des Orient Express, veuille bien sortir des rangs. Il ne sera jamais dans sa course.

D’un bout à l’autre du globe, de l’Équateur à la Norvège, elle n’aura de regard que pour celui qui saura l’appeler Jane, Éva ou bien Nadège, avant même qu‘elle ait dit son nom.