Dans ce récit, largement allégorique, nos gentils garçons, pétris de philosophie, commettent de sang froid un assassinat particulièrement sordide puisque sans mobile donc sans risque d'être pris.
Des âmes simples comme les vôtres pourraient penser qu' une fois leur expérience réalisée, rongés par le remords, des êtres aussi délicats iraient se dénoncer ou se feraient justice eux-mêmes.
Que vous êtes naïfs! Comme pour les SS survivants, si le souvenir du forfait agite un peu les rêves il ne trouble pas la digestion. Subtilement,Leslie Kaplan introduit même chez nos "héros" une large dose de remords par procuration. C'est ainsi qu'elle nous décrit par le menu le haut le cœur qui soulève nos assassins lorsqu'ils découvrent au programme de Terminale les crimes de la collaboration. Avec quelle vaillance ils battent alors leur coulpe sur la poitrine du nazisme! L'un se paie même le luxe de chercher des mites dans le costume trois-pièces de son grand'père, fonctionnaire pendant la guerre!
La seule faiblesse du roman réside à mon sens dans le fait que Papon (découvert par hasard) et Bousquet sont aussi tristement crédibles en criminels bureaucratiques que nos chères têtes blondes ne le sont pas dans leur tuerie au corps à corps.Mais, bon! Nous ne sommes pas non plus dans un roman pesamment naturaliste!
Dans l'entreprise exterminatrice du nazisme chacun n'est qu'un rouage dont le refus de fonctionnement aurait pu gripper la machine. Ce qui me gène, ce n'est pas que Papon ait été condamné mais qu' aucun des gendarmes français qui ont exécuté ses ordres criminels sans le moindre murmure n'ait jamais été inquiété. Les paroles de Jacques Chirac arrivent bien tard et ne coutent pas cher!
On commence juste le travail de mémoire sur la dernière guerre. Celui sur les tortures et exactions de la guerre d'Algérie, à de rares exception près( Cf le remarquable film "RAS" d' Yves Boisset) n'est pas encore commencé.Que ne réduit-on pas le délai de consultation des archives, actuellement de 70 ans!
La plupart des SS et collabos ont poursuivi leur brillante carrière.Quant à nos lycéens tueurs, qui ont passé leur bac avec mention bien, Leslie Kaplan les laisse courir dans le Jardin du Luxembourg où vous pourrez les rencontrer le dimanche matin faire leur jogging.
Malaise, malaise! La plupart des nazis, des collaborateurs et gendarmes français chargés des rafles ont continué aussi à courir...Pour les meurtriers "ordinaires" de notre société occidentale, on est un peu meilleur mais on on oublie souvent que plus de la moitié courent toujours. Sic transit gloria mundi...

Julien Chevalier
Leslie Kaplan" Fever" Coll.Folio

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