Si nos lecteurs (une trentaine par jour) s'illustrent par leur frilosité à apporter leurs commentaires, dans les coulisses du blog, les claviers s'agitent comme en témoigne cette prise de bec que nous avons choisi de publier car elle ne concerne que des responsables du blog.

Ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Dans nos discussions sur les textes, nous lavons notre linge sale en famille. Et les lessives sont fréquentes!

Voici notre échange de mails, brut de décoffrage!

Pierre,(Parlier)

Au risque de jouer les « pères la pudeur » , je pense qu’il serait préférable de remplacer la proposition de la prostituée par quelque chose de plus suggestif de ton choix qui n’enlèverait rien à la force du texte. j'ai pris l'initiative provisoire en attendant ta réponse de remplacer les lettres problématiques par des points de suspension.

Ce blog est en effet susceptible d’être lu par de jeunes enfants. Je compte par exemple passer bientôt plusieurs textes savoureux d’enfants de l’école primaire du village sur le fantôme du Château d’ Avanton.

Amitiés

André,

Pierre, (Parlier)

J’ai l’impression que tu n’as pas reçu le mail que je t’ai adressé samedi dernier.

En tous cas tu n’as pas répondu. Je te l’adresse donc à nouveau. Tu pourrais parler de promesses de félicités buccales ou quelque chose du genre…Qui n’altérerait pas ton propos et même cadrerait davantage avec la distance que tu sais prendre avec les objets.

Le blog est en effet tout public.

Amitiés. André

André, (Youx)

Je n'avais pas reçu en effet le mail auquel je n'ai pas répondu. Ce mail et le suivant posent un même problème qui me semble important et dont la réponse ne m'appartient pas. Il va se reposer sans doute au fur et à mesure que ce récit va avancer car je n'évite pas certaines choses qui peuvent être choquantes pour des enfants en effet mais j'avoue que je n'ai pas songé aux enfants en les écrivant. L'écriture de la sexualité, en dehors même de la question des enfants ou de tout soucis de convenance, pose un problème : celui de la crudité des mots, de leur connotation et du choix que l'on peut faire ou pas de recourir comme Sade à la métaphore. Il était dans mon intention d'aborder ceci le moment venu dans mon récit).

Dans l'immédiat, je ne vois pas en quoi "buccal" est plus correct que "labio-lingual" et en tous cas "promesses de félicité" ne convient pas puisqu'il ne s'agit pas de promesses justement mais d'une activité inscrite dans le présent, il ne s'agit pas non plus de félicité, c'est tout le sens de l'anecdote. Je trouve même ta formulation plus suggestive de choses moins innocentes que ce dont je parle. M'avais-tu bien compris ?

Pour la remarque de la prostituée je ne peux pas la changer, d'abord parce qu'elle correspond à la réalité et je ne vois pas trop ce que je pourrais lui substituer. C'est par la crudité même et la simplicité de sa formulation qu'elle m'avait frappé et je ne crois pas que toute autre formulation (en admettant qu'on puisse en imaginer une autre dans la bouche de cette personne) m'aurait fait le même effet. Je comprends tes craintes mais comme je te l'ai dit cela pose un problème de fond qu'il ne m'appartient pas de résoudre mais qui se reposera certainement car on ne peut pas à mon avis concevoir un blog littéraire qui se limite a priori uniquement à ce qui peut être lu par des enfants sauf à se condamner à une sorte d'autocastration. Dans le monde asceptisé et hygiéniste qui est le nôtre (et qui a fait la preuve d'ailleurs, paradoxalement, que la pornographie marchandisée en fait partie intégrante) cette idée m'est insupportable.

Toute ma démarche consiste à parler de ces choses comme du reste sans rechercher le pathos, l'effet suggestif, le jugement moral ou autre mais avec la plus grande précision clinique, la plus grande distance et la plus grande honnêteté possible par rapport à la façon dont je les ai vécues, parce que je crois que l'on a le DROIT d'en parler ainsi. Or il se trouve que la sexualité a eu une importance primordiale dans ma vie et en constitue à bien des égards la clé, je ne peux donc éviter d'en parler. Je ne crois pas qu'on puisse m'accuser d'y mettre de la complaisance ou de vouloir en tirer des effets malsains mais à l'inverse je ne peux pas glisser pudiquement dessus sans que tout l'édifice s'écroule.

S'il y a impossibilité pour toi à publier ce que j'écris tu pourras faire des coupures en les signalant mais je ne vois pas d'autre solution. Je serais content que tu transmettes tes mails et ma réponse à Jean pour savoir ce qu'il en pense.

Amitiés

Pierre

Jean,(Roulet)

Ton avis est requis au sujet de l’épisode 75 du « Roman » Dans l’attente de la réponse de Pierre au mail que je lui avais adressé et qu’il n’a pas reçu, et après en avoir parlé avec Viviane, j’avais pris la décision provisoire d’opérer la coupure suivante ( si je puis dire !) « tu viens chéri, je s… la … ».

Voici la réponse de Pierre que je reçois à l’instant et qu’il me demande de te transmettre pour savoir ce que tu en penses. Je fais également suivre le tout à Viviane qui est quand même concernée par le devenir du lieu.

Amitiés.

André

Pierre, Jean,

J’avais pensé répondre à nouveau à Pierre après avoir pris l’avis de Jean.

Je ne sais pas si le silence de Jean provient de ce qu’il n’a pas lu le message ou de son désintérêt pour la question posée. Je réponds donc à Pierre et Jean pourra toujours se joindre à nous.

Ce n’est que parce que je n’ai pas eu de réponse à mon premier mail que j’ai suggéré à Pierre une autre approche lexicale ou métaphorique. Dans mes goûts personnels, je préfère Montaigne à Rabelais ,Mauriac à Céline. Si j’affectionne un langage parlé plutôt vert et facilement relâché, j’ai horreur de l’utilisation de mots ou d’expressions crus dans le langage écrit. Chacun ses contradictions ! C’est mon esthétisme, mais j’admets qu’il puisse en exister d’autres.

Loin de moi donc la pensée d’interférer dans le domaine réservé de l’auteur, Pierre Parlier en l’occurrence, seul maître à bord de son texte et qui n’est pas coutumier du fait.

Il est cependant évident que ce blog, comme tout autre média, ne peut pas faire l’économie de la définition d’une ligne rédactionnelle dont je croyais avoir posé les jalons au moment de la réunion fondatrice à la Serrurerie en Février, le credo du blog :

« Nous sommes plusieurs amis qui depuis quelque temps ont plaisir à faire circuler entre nous des écrits plus ou moins chevronnés dans des domaines parfois inattendus. Ce blog, qui utilise l'audience des visiteurs du site du Château d'Avanton et de tous ceux qui lui veulent du bien, nous semble constituer un excellent moyen de partager plus largement ces moments de petit bonheur. » Je parlais ainsi d’ une courte échelle mutuelle entre les auteurs et le site du Château d’Avanton et j’ajoutais, avec un peu d'ironie, «et tous ceux qui lui veulent du bien ! »

Car, sans verser dans la paranoïa, il n’a pas que des gens qui lui veulent du bien, figurez vous ! Nous exerçons dans un cadre commercial avec des concurrents à l’affût d’un faux pas ! Chacune de nos erreurs d’analyse a été payée comptant. L’imaginaire local autour du château est beaucoup plus grand que ses modestes dimensions architecturales et charrie le meilleur comme le pire. Sans compter la question sous jacente, facilement relayée par une administration aux multiples pouvoirs de tracasseries, d’où les châtelains tiennent-ils leur légitimité ? ( Pour Pierre, j’ai été aux cotés d’Y. D. – dans des malentendus de même nature- pendant un certain nombre d’années où aucun ennui juridique ne lui a été épargné par cette même administration, ce qui ne troublait pas le sommeil des espaciens!)

Il est bien évident que je ne tiens pas Pierre pour un pédophile (encore que !). Blague à part, le risque n’est pas négligeable qu’un lecteur d’occasion, plus ou moins bien intentionné, s’empare de la phrase de la prostituée « T u viens chéri, je s… la … » pour faire courir le bruit auprès de gens qui n’auront jamais mis les pieds dans le blog et encore moins lu une ligne de Pierre Parlier qu’au Château d’Avanton, il s’en passe de belles !

Allez voir le blog ! Ils iront, épisode 75, et ne liront que cette ligne ! Ah, ce château !Un week-end c’est pour les enfants et un autre, on ne sait pas trop, mais il est question de p... qu’on fait venir , des p… de première, et même que le châtelain serait un peu souteneur ça serait pas étonnant. D’ailleurs, il y en a beaucoup comme ça, vous avez vu à Toulouse?

Jean fait évoluer sa polissonnerie, bien plus pernicieuse que de Pierre jusqu’à présent dans un cadre suffisamment abstrait pour ne pas donner prise à la critique des imbéciles. En revanche, Pierre, dès qu’un mot cru est écrit et identifiable comme tel précisément par un couche de population qui ne comprend essentiellement que ce niveau de vocabulaire, tu prends le risque de donner à cette population qui n’a jamais ouvert un livre qu’elle est à ton niveau et peut juger ce que tu écris. Non pas ce que tu racontes de ta vie dont ils se fichent absolument et qu’ils ne liront jamais, en revanche ils savent de source sure que dans le blog il y a des prostituées et au château d’Avanton, des ballets roses quant au châtelain souteneur, il est en tole, il y a quand même une justice !

Ma paranoïa a sans doute été accrue par mes dix années de pratique d’avocat où j’ai pu constater les ravages de rumeurs d’autant plus assassines qu’elle reposent sur des éléments tellement simples que cela ne viendrait à l’idée de personne d’aller vérifier et qu’ils s’adressent à l’imaginaire. Alors, un château où il a des spectacles, un blog avec des prostituées!

Cela étant posé, si vous le souhaitez on peut discuter de ligne éditoriale et non de censure ou alors de la nature de celle que la rédaction de « Minute » ferait à des pigistes de «l’Humanité » et inversement. Mais est-ce censurer que de définir des choix ?

Amitiés. André

André

Pour répondre le plus rapidement possible à ton mail et sans entrer dans un délire paranoïaque, justifié ou pas, dont je ne veux pas discuter :

1 - Tu es propriétaire et responsable de ce site et je n'y suis que ton invité, je te donne donc toute latitude pour faire à mes textes les coupures que tu veux à condition de les signaler et d'en indiquer la raison. Je ne t'en voudrai absolument pas, que cela soit clair.

2 - En l'occurrence, à propos de l'expression qui t'a choqué et quand tu dis que tu aurais exprimé les choses autrement, je te rappelle qu'il s'agit d'une citation, une phrase rapportée entre guillemets et que je rapporte justement parce qu'elle m'avait choqué moi aussi à l'époque. Je ne comprends donc pas ta remarque.

3 - À l'époque de Houellebecq, de Philippe Djian, de Virginie Despentes et de la reconnaissance médiatique qu'ils rencontrent, et de tout ce qu'on entend à la télévision sur les chaînes généralistes et aux heures de plus grande écoute, ce débat me paraît surréaliste. Mais cela ne contredit en rien ce que je dis dans mon premier point.: tu es seul juge à bord.

En conclusion, distinguons bien deux problèmes totalement indépendants l'un de l'autre et que tu as tendance à mêler dans ton mail : le problème de la publication sur le blog où tu es absolument libre de faire ce que tu veux et le problème du jugement personnel que tu peux porter sur mon vocabulaire, mon style, les thèmes que j'aborde, etc. sur lequel je serai toujours passionné pour en discuter avec toi, polémiquer, défendre mon point de vue avec ardeur et conviction.

Amitiés Pierre

Je comprends tout à fait les réticences de de Viviane et André à publier des textes risquant de provoquer des réactions négatives, voire d'écorner auprès de certaines personnes l'image du château.

Nous espérons d'eux qu'ils éliminent les textes de nature à dégrader la bonne tenue littéraire du blog. Nous leur devons en retour un soin particulier à ne par nuire à une image commerciale dont ils nous offrent l'audience.

Reste à savoir si les libertés de langage de Pierre seraient vraiment préjudiciable à cette image.

En dépit de ces passages qui posent problème, il est manifeste que le "roman" de Pierre n'est pas une oeuvre pornographique.

Une suggestion : dès la publication d'un chapitre "dérangeant", faire suivre d'un commentaire ou d'un échange de commentaires présentant les états d'âmes des responsables du blog, leur hésitaion à le publier en l'état ou à censurer, donner le point de vue de Pierre et solliciter celui des lecteurs. L'image du Chateau d'Avanton "en sortirait grandie" !

Jean Roulet

Parlons de Particules ou de Plateforme si vous préférez. Il y a dans ceux-là des scènes assez hard également mais qui véhiculent en même temps un énorme pouvoir émotionnel. Je me sens profondément en désaccord avec lui sur son rapport à la sexualité mais le problème du style c'est autre chose. J'avais été moi aussi profondément choqué par la débilité de son écriture lorsqu'on m'en avait fait lire quelques pages à l'Espace à l'époque où D. voulait lui faire un procès, jusqu'à ce que je comprenne qu'il s'agissait d'une recherche tout à fait concertée, qu'on peut juger réussie ou pas, qu'on peut aimer ou pas mais qu'il serait bien naïf de considérer simplement comme la maladresse d'un auteur qui ne sait pas écrire.

Pour en revenir à la crudité du vocabulaire, je ne comprends toujours pas le reproche que tu me fais et qui n'a rien à voir avec la remarque que j'avais pu t'adresser à mon atelier. Il y a une charge de mots, parfois explosive, parfois dérangeantes (non seulement les mots liés à la sexualité mais aussi les gros mots, les mots scatologiques, etc), on peut choisir ou pas de les utiliser, on peut commettre des excès, on peut se tromper, on peut pécher contre le bon goût, certes. Mais poser comme principe qu'on ne DOIT en aucun cas les utiliser, pour je ne sais quelle raison de convenance morale, c'est pratiquer une auto-censure dérisoire. Je continue à préférer Céline et Henri Miller aux poèmes neo-lamartinien sans parler de quelques exemples illustres de Bataille ou d'Aragon (oserai-je nommer le c.. d'Irène!) qui te ferait sortir de tes gonds, je suppose.

Amitiés Pierre

Pierre,

Tu mélanges deux choses.

1°- Mes gouts personnels n'engagent que moi et nous pouvons en débattre à perte de vue sans que cela ne change grand-chose à l'affaire. Est-on responsable de ses préférences gastronomiques, sexuelles, picturales ou littéraires? L'éducation le milieu culturel jouent certainement un rôle mais pas seulement... Il est des attirances ou des aversions qui ne se maîtrisent pas et dont la cause et l'origine ne nous sont pas accessibles.

Cela ne me gène nullement que certains textes d'un genre particulier soient publiés par des maisons d'éditions qui prennent leur responsabilité s'agissant d'auteurs qui annoncent la couleur.

Tu parles d'Aragon. Le texte que tu m'envoies ne suscite en moi qu'un vague dégoût par ses outrances.J'ai parcouru jadis "le c... d'Irène" . Mais ce n'était pas dans l'Huma ni dans une maison d'édition bien pensante!

En revanche, j'ai le souvenir très vif d'un passage d' Aurélien qui recèle une charge érotique redoutable où Aragon décrit en un tour de plume de manière flatteuse la poitrine de la seconde compagne du héros (la propriétaire de la Cie de taxis et mère de sa première femme) comme sachant accueillir l'homme. Nul mot cru, nulle provocation pour atteindre cette perfection ou l'extase littéraire se confond avec l'extase tout cour. Et je ne parle pas des yeux d'Elsa et du quartier Hohenzollern... Les gens que tu cites sont bien loin de ces subtilités. Pour l'avoir vu à l'oeuvre en atelier et dans ses livres Houllebecq est bien loin de disposer de la palette de talents d' Aragon.Tout au plus est-il capable d'arranger ses livres à la sauce François Bon, un auteur avec lequel il navigue sur l'océan de la platitude.Je reconnais ses capacités de médium et la justesse de ses analyses. S'ils étaient moins bien écrits, tes moments de frustration avec Chichou et Belmont dans les bals sur les hauteurs d'Alger pourraient fort bien s'insérer dans " L' extension du domaine de la lutte"

Pour autant, je n'ai aucune pudeur physique ou orale. Me mettre nu devant un groupe m'est parfaitement indifférent dès lors qu'il ne s'agit pas de choquer comme c'est le cas pour certains auteurs chez qui la provocation et le désir de faire du sale font partie intégrante du plaisir d'écrire.

Pour moi, la nudité en soi n'est pas obscène, ce qui l'est c'est de donner à voir avec des mots crus, sans échappatoires, des situations intimes comme celle que tu évoques à des gens qui ne sont pas forcément demandeurs.

2° La publication sur le blog c'est une autre affaire. The right thing in the right place at the good time comme diraient les anglais. Apprécierais-je ce genre de textes que je ne me sentirais pas pour autant autorisé à les publier sur le blog. Encore une fois, nous sommes sur un site commercial grand public où je ne laisserai passer aucune obscénité. On a déjà vu avec Séguéla " Demain j'enlève le bas! " ce qui sur un plan sémantique puis visuel n'était pas bien méchant en raison de la face exposée.

Imagine-t-on Benetton, autre commercial spécialiste de la provocation, vantant un produit avec l'affiche d'une fille déclarant sans ambages ni ambiguïté sur le contenu de l'action: "Je s... la ...!" Alors moi, petit site d'un Château provincial je devrais être plus provocateur qu'un Benetton?

Tu me fais beaucoup d'honneur. Tiens, pari tenu, le jour où je vois cette affiche placardée dans le métro, je publie la sollicitation de la prostituée in extenso.

Tu avances masqué et moi je jongle à visage découvert avec des risques financiers et d'image bien réels.

Jusqu'à présent rien de la formulation de tes envois ou de ceux de Jean ne m'a posé de problème de compatibilité avec un site ouvert à tous.

Je ne savais pas où tu allais avec le roman, chaque livraison déclenchant le plaisir d'une nouvelle découverte... Si comme tu le laisses entendre, tu ne peux pas t'adapter au grand public et que la suite ne me laisse pas d'autre choix que de jouer les censeurs, il vaut mieux arrêter. Je n'ai aucune envie de mutiler un texte, le tien moins que celui de quiconque.

Amitiés André

André,

Je suis ennuyé parce que je sens l'ombre d'une acrimonie ou d'une agressivité dans ton dernier message et que je ne voudrais surtout pas que cette polémique qui n'a pour moi que le charme de la polémique, tourne à l'aigre. Et en plus j'ai vraiment l'impression d'un dialogue de sourds parce que tu me dis que je mélange tout avant de faire exactement ce que j'avais fait moi-même en distinguant deux points indépendants l'un de l'autre : le problème des goûts littéraire et le problème du blog. Alors lisons-nous bien l'un l'autre et essayons de nous comprendre ! Il y a les goûts, qui sont du domaine de la subjectivité et de l'histoire personnelle et il serait absurde de contester à quiconque le droit d'avoir les siens (en l'occurrence les miens d'ailleurs sont beaucoup plus proches des tiens que tu ne penses ! ). Il y a ensuite un problème de théorie littéraire sur l'impact des mots, leur charge, leur légitimité, qui est un problème intéressant à traiter quelque soient ses goûts par ailleurs, et plus généralement le problème des niveaux de langage, noble, familier, relâché, etc. Ce que je plaide c'est que tous sont légitimes et qu'ils n'impliquent pas la valeur du texte, ni dans un sens ni dans un autre. C'est-à-dire en d'autres termes qu'un texte en style noble peut être très mauvais aussi bien que très bon de même qu'un texte en style relâché peut être très mauvais aussi bien que très bon. C'est pourquoi je n'aime pas les formules du genre "mal écrit" au sujet du romande Houellebecq. Il n'est ni bien ni mal écrit, il est, c'est tout, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas.

On peut me rétorquer que dans ce cas tout est justifié et il n'y a pas de jugement possible. C'est juste mais dans le cas présent pense que Nourrissier, par exemple, qui n'est pas un moindre écrivain et qui est l'auteur de roman aussi magnifique que l'Empire des Nuages ou le Gardien des Ruines, ami d'Aragon, président de l'Académie Goncourt, militait pour que Houellebecq ait le prix Goncourt, ce qui n'implique absolument pas qu'on soit nécessairement de son avis, encore une fois, mais devrait inciter au moins à plus de prudence ou d'humilité dans ses jugements avant de prétendre que cet auteur "écrit mal". Cela me fait penser à ces gens qui dans les années cinquante prétendaient que Picasso ne savait pas peindre parce que ses portraits avaient le nez de travers. Ce qui ne veut pas dire pour autant que tous les peintres qui ne savent pas faire un nez droit sont géniaux ! Ces choses sont toujours délicates à trancher.

Il y a enfin le problème du blog et là que puis-je dire que je n'aie déjà dit. Je comprends absolument que tu en sois responsable, que son image engage celle du château, etc. et je ne sais pas ce que je ferais à ta place, les conseillers ne sont jamais les payeurs. C'est pourquoi tu es absolument libre de faire ce que tu veux de mes textes et je ne t'en voudrai absolument pas quoi que tu fasses. Il se trouve que mon autobiographie aborde à un moment les problèmes sexuels, c'était inévitable. Je ne prends personne par surprise. Il ne sera pas question uniquement de cela, mais il en sera question. Ce n'est pas à moi de juger ce qui est bon ou ce qui n'est pas bon pour l'image du château. Je continuerai donc à te l'envoyer. Fais-en ce que tu veux. Je te demande simplement de signaler les coupures quand tu en feras, ce qui me paraît tout de même la moindre des choses.

Afin d'arrêter cette polémique dont je trouve qu'elle commence à avoir trop duré je t'envoie un petit conte fantastique que me fait suivre mon ami Pierre Danger qui répond au sujet que tu nous avais proposé, et je te promets que le vocabulaire en est irréprochable. J'ai bien vérifié!

Amitiés

Pierre,

Dont acte.

Va dans la ville, mon fils, revêtu de probité candide et de lin blanc!

Que la paix soit avec toi, et vous, bonnes gens, dormez tranquilles!

J'exécuterai les basses oeuvres!

Sans trop de rancune, quand même...

André, spadassin de blog.