Un temps épouvantable, qui vous mine le moral, pluie, vent, fumées et papiers en tout genre tourbillonnant sur le boulevard. Ne parlons pas de la promenade ou de ce qu’il en reste, herbes et ronces ont envahi l’espace, aujourd’hui elle disparaît derrière les lames de pluie.

Sachant que mon immeuble est désormais au trois-quarts déserté par ses habitants, une nuit, mes rêves bien intentionnés m’ont emmenée faire le tour du propriétaire. Rien de bien folichon. Des appartements d’un style bourgeois désargentés, dans la plupart de ces antres, couleurs fanées, et meubles tels ceux que j’ai connus depuis mon enfance. J’en ai tout de même profité pour prendre un bon bain parfumé avec une eau tiède ce qui était moins bien, la salle de bain n’était pas d’époque mais bien organisée et bien équipée.

Aucun de ces appartements ne m’a donné l’envie de déménager, seul celui de mon disparu a retenu mes suffrages, je l’occupe donc en alternance avec le mien. Il est vrai que chez lui il y a une douche et que pour rincer mon linge et le mettre à sécher, c’est bien pratique.

Ces voyages nocturnes auraient pu mal se terminer car quelques appartements étaient encore occupés. 

Vous arrivez dans un salon en exploratrice avisée, et là, avachie sur le canapé une bouteille de J and B vide à ses pieds, une femme dort, bouche ouverte et yeux fixant le vide, elle exhale des bulles à chacune de ses expirations. Ce spectacle spectral provoquant une rupture de rêve, réveil instantané, en sueur, dans mon vieux lit bancal. 

Lors d’une autre nuit, au cinquième, j’ai découvert une situation dramatique digne d’une scène de crime, un homme et une femme dans leur lit, mains grises sur la courtepointe. Dans cette chambre régence aux papiers surannés, on se trouvait devant un décor de petites fleurs donnant l’impression d’être dans un boudoir décoré par Laura Ashley. Cependant quelque chose angoissait, le silence, un silence que ne brisait aucun bruit de respiration.

En arrivant à la tête du lit je découvre leurs visages, masques de cire grisâtre aux yeux enfoncés dans les orbites.

Posés bien en évidence sur la table de chevet un courrier et des flacons de barbituriques vides donnaient la clé du problème. En dépit du tremblement de mes mains, j’ai lu leur lettre, ils y expliquaient les raisons de leur geste. L’alarme les avait saisis devant la décomposition du monde dans lequel ils avaient vécu, le sentiment que leurs repères et valeurs s’effaçaient. N’ayant autour d’eux personne pour les aider à dépasser ce mal-être et leur porter assistance au quotidien, ils avaient décidé de partir d’un commun accord, rien ne les retenant plus en ce monde. 

De nouveau, réveil toute tremblante et trempée, la mort n’était pas un spectacle bien souriant.

Il restait en définitive bien plus d’appartements occupés dans l’immeuble que je ne l’avais supposé avant d’entreprendre ces visites domiciliaires. 

Dans l’un d’eux, la télévision était allumée œil blanchâtre clignotant dans le noir, le son tonitruant, j’ai commencé par l’éteindre avant de vérifier par la fenêtre donnant sur l’arrière-cours que les occupants ne s’étaient pas jetés par la fenêtre, gisants écrasés au pied de l’immeuble. En définitive il n’y avait personne, rien évaporé.

J’ai fini par entrer chez l’homme qui m’avait interpelée lors de ma crise de désespoir, cette nuit au cours de laquelle j’avais couru dans les étages en tapant dans les portes à coups de poings et de pieds. 

Cela sentait le renfermé, rideaux et doubles rideaux en gros velours tirés à fond. Ménage pas fait depuis des lustres. La cuisine était inabordable, tant pour cause de vaisselle sale entassée dans l’évier et au sol, que d’une poubelle débordante, laissée à l’abandon qui s’était transformée en bac de compostage avancé.

En effet il devait avoir peur le pauvre homme, peur d’ouvrir ses rideaux, peur de descendre vider sa poubelle, peur d’aller faire ses courses, et tout ça pour ne pas se faire remarquer et risquer de se faire agresser. Alors que là, les conditions dans lesquelles il vivait allaient le mener tout droit à une intoxication alimentaire.

Avant de partir, je me suis autorisée à ouvrir une fenêtre, ces odeurs de rance et de crasse prenant trop à la gorge. Il ne s’était pas réveillé, dormant en boule sur le canapé comme l’aurait fait un animal. Il avait le visage émacié d’un individu sous-alimenté.

Dans le même temps que ces voyages exploratoires, je me lance dans une campagne d’appel à témoins pour tenter de savoir ce qu’était devenu « l’homme de ma vie » car avouons-le la solitude me pesait, sa chaleur animale et ce qui l’accompagnait me manquait.

En partant des croquis réalisés lors de notre première nuit, j’ai fabriqué un pochoir et dans les jours qui suivirent les murs de l’arrondissement et des arrondissements voisins se couvrirent de son portrait. J’avais pris la précaution de n’utiliser que son visage. Peu d’espoirs cependant en lançant ces bouteilles à la mer, mais « Inch Allah » qui vivra verra me disais-je. Cela mettait un peu de couleur dans la grisaille généralisée et « Si l’on tue l’espoir, il faut s’attendre à tous les débordements »

Dans toute cette déconfiture, il fallait à tout prix que je trouve le moyen de me raccrocher à la vie, à ce que je connaissais ; une situation rassurante, enfin tout ce qui me permettrait d’éviter le saut par la fenêtre ou les barbituriques

Les escapades nocturnes c’est bien beau, mais physiquement ça n’était pas suffisant pour me maintenir en bonne condition physique, il fallait croire que je n’étais plus trop sûre de moi puisque je n’osais plus m’attaquer à la rue.

Si au moins, j’avais eu en ma possession une bombe lacrymogène ou une arme tout court ; peut-être aurais osé. En réalité, c’eût été la meilleure solution pour me faire tuer, car j’imaginais mal qu’elle aurait pu être ma réaction devant un agresseur. Le temps d’armer le pistolet, de mettre l’agresseur en joue et de tirer il aurait eu le temps de m’étriper dix fois. Alors ne sachant comment conjurer cette peur je ne sortais quasiment plus.

Une taie d’oreiller comme cabas j’y entassais de quoi se donner une bonne indigestion. Ni une ni deux je me rendis chez ce cher voisin pour l’inviter à dîner.

La rareté fait monter le cours des relations cet inconnu m’était très cher tout à coup.

Ce fut tout une affaire de lui faire ouvrir sa porte. Je l’entendis enlever les barres de sécurité ouvrir la fermeture multipoints et enfin le cliquetis de la chaîne de sécurité qu’on enclenchait.

  • C’est pourquoi ?
  • Vous offrir à dîner !
  • J’ai pas faim.
  • Bien sûr que si, quand vous aurez mis le nez dans mon cabas vous serez convaincu !

La faim fit sortir le loup du bois, nouveau cliquetis, la chevillette chut et le huis s’entrebâilla.

Il semblait un peu hébété ne sachant que faire.

  •   Mettez la table ne restez pas planté à me regarder.

Il était surtout curieux de ce que je sortais de mon cabas improvisé et là j’ai cru que les yeux allaient lui couler sur les genoux.

J’avais choisi une terrine de chevreuil, un risotto pointe d’asperges, du pain frais quelques fromages odorants et une tarte aux kiwis…

  • Tenez ouvrez le vin, vous devez bien avoir un tire-bouchon ?
  • Un Cheval blanc 1945 vous n’y pensez pas ! ce vin vaut une fortune ! où l’avez-vous déniché.
  • Pris au hasard dans la cave de mes parents !
  • Vous devez le leur rapporter, je ne peux pas accepter un cadeau pareil.

Après quelques instants de silence pendant lesquels je m’affairais à préparer mes plats et lui à mettre la table il me fit cette confidence.

Si je ne vous ai pas ouvert immédiatement c’est que je craignais que ce soit eux dit-il sans précisez qui « était eux » ? Je pense qu’il attendait que je le questionne.

Vous n’avez rien remarqué dans l’escalier ? Comme je ne lui faisais aucune réponse, il ajouta 

  • C’est pourtant voyant, ils tracent des lignes entre la porte de la cave et la porte du grenier.

Il partit chercher un calepin dans lequel il inscrivait dit-il tous les phénomènes paranormaux se produisant dans l’immeuble.

Parmi sa liste de bruits qu’il énuméra, grincements, portes qui claquent, cris et gémissements, il finit par ajouter ce qui m’inquiète le plus, ce sont ces traits qui partent de la cave et joignent la porte du grenier.

  •  Il y a d’abord eu une ligne ocre, puis une rouge, et depuis hier une bleue.

Sans tenir compte de l’avancée des préparatifs du repas il m’entraîna dans la cage d’escalier qui, faute d’entretien, commençait à être diablement poussiéreuse.

Quand d’une main fébrile il actionna la minuterie il fit apparaître les fameux traits qui désormais était trois. 

  • Qu’est-ce que je vous disais ils sont revenus nous ne sommes plus en sécurité dans cet immeuble. 

Il avait totalement changé d’attitude descendant les marches à grandes enjambées sans tenir la rampe me faisant craindre qu’en en loupant une il ne dévale l’escalier sur le dos ou sur le ventre avec toutes les conséquences néfastes qu’une telle cascade pourrait avoir sur son squelette et son cerveau.

Il soufflait moins que moi en atteignant la porte de la cave. 

  •  Vous voyez ce que je vous disais, ils signent même leurs maléfices, regardez cette main imprimée sur le mur c’est certainement la main de la personne ou de l’esprit qui a accompli cette « luciférerie » 

Emporté par sa logorrhée et sa terreur il venait d’inventer un mot dont il devait être très fier car il le répéta à plusieurs reprises. Avec prudence j’avais glissé mes mains derrière mon dos par crainte qu’il ne me dise de poser celle-ci sur le mur pour faire une comparaison dont je connaissais déjà la réponse.

Nous avons fait un très bon repas, lui parlant, donc moi surtout, bien arrosé lui très peu, moi surtout. Il s’est endormi à table j’ai bien failli l’accompagner. Je ne sais pas comment j’ai regagné mon chez moi… il était fameux le Cheval Blanc 1945 pour moi surtout j’aurai bien fait le tiercé.

En attendant de m’endormir j’essayais de me récapituler toutes les informations dont il m’avait abreuvée au cours du repas en plus du Cheval Blanc :

Ainsi notre immeuble construit à l’époque haussmannienne l’avait été sur des caves anciennes dans lesquelles l’alchimiste Nicola Flamel avait installé l’atelier dans lequel il aurait découvert la voix de la pierre philosophale celle qui permettait de transmuter le plomb en or.

Puis il était parti sur des révélations concernant la pyramide de Khéops. Il prétendait qu’au cœur de celle-ci de minces couloirs circulaient permettant à l’âme du défunt d’entrer en communication avec l’au-delà. Il ajoutait que les traits de couleur devaient jouer le même rôle de lien entre ici et l’au-delà

Dans ma position, me mettre à rire aurait été discourtois et mal venu puisque je connaissais la réponse.

Si j’avais raconté à ce pauvre homme apeuré la teneur de la vie qui était la mienne, il est à craindre qu’il ne se soit évanoui !

J’ai fait de beaux rêves mais permettez-moi de garder cela pour moi !!!

P.S. Désormais je ne verrai plus l’escalier du même œil ! 

 

 

 

Un temps épouvantable, qui vous mine le moral, pluie, vent, fumées et papiers en tout genre tourbillonnant sur le boulevard. Ne parlons pas de la promenade ou de ce qu’il en reste, herbes et ronces ont envahi l’espace, aujourd’hui elle disparaît derrière les lames de pluie.

Sachant que mon immeuble est désormais au trois-quarts déserté par ses habitants, une nuit, mes rêves bien intentionnés m’ont emmenée faire le tour du propriétaire. Rien de bien folichon. Des appartements d’un style bourgeois désargentés, dans la plupart de ces antres, couleurs fanées, et meubles tels ceux que j’ai connus depuis mon enfance. J’en ai tout de même profité pour prendre un bon bain parfumé avec une eau tiède ce qui était moins bien, la salle de bain n’était pas d’époque mais bien organisée et bien équipée.

Aucun de ces appartements ne m’a donné l’envie de déménager, seul celui de mon disparu a retenu mes suffrages, je l’occupe donc en alternance avec le mien. Il est vrai que chez lui il y a une douche et que pour rincer mon linge et le mettre à sécher, c’est bien pratique.

Ces voyages nocturnes auraient pu mal se terminer car quelques appartements étaient encore occupés. 

Vous arrivez dans un salon en exploratrice avisée, et là, avachie sur le canapé une bouteille de J and B vide à ses pieds, une femme dort, bouche ouverte et yeux fixant le vide, elle exhale des bulles à chacune de ses expirations. Ce spectacle spectral provoquant une rupture de rêve, réveil instantané, en sueur, dans mon vieux lit bancal. 

Lors d’une autre nuit, au cinquième, j’ai découvert une situation dramatique digne d’une scène de crime, un homme et une femme dans leur lit, mains grises sur la courtepointe. Dans cette chambre régence aux papiers surannés, on se trouvait devant un décor de petites fleurs donnant l’impression d’être dans un boudoir décoré par Laura Ashley. Cependant quelque chose angoissait, le silence, un silence que ne brisait aucun bruit de respiration.

En arrivant à la tête du lit je découvre leurs visages, masques de cire grisâtre aux yeux enfoncés dans les orbites.

Posés bien en évidence sur la table de chevet un courrier et des flacons de barbituriques vides donnaient la clé du problème. En dépit du tremblement de mes mains, j’ai lu leur lettre, ils y expliquaient les raisons de leur geste. L’alarme les avait saisis devant la décomposition du monde dans lequel ils avaient vécu, le sentiment que leurs repères et valeurs s’effaçaient. N’ayant autour d’eux personne pour les aider à dépasser ce mal-être et leur porter assistance au quotidien, ils avaient décidé de partir d’un commun accord, rien ne les retenant plus en ce monde. 

De nouveau, réveil toute tremblante et trempée, la mort n’était pas un spectacle bien souriant.

Il restait en définitive bien plus d’appartements occupés dans l’immeuble que je ne l’avais supposé avant d’entreprendre ces visites domiciliaires. 

Dans l’un d’eux, la télévision était allumée œil blanchâtre clignotant dans le noir, le son tonitruant, j’ai commencé par l’éteindre avant de vérifier par la fenêtre donnant sur l’arrière-cours que les occupants ne s’étaient pas jetés par la fenêtre, gisants écrasés au pied de l’immeuble. En définitive il n’y avait personne, rien évaporé.

J’ai fini par entrer chez l’homme qui m’avait interpelée lors de ma crise de désespoir, cette nuit au cours de laquelle j’avais couru dans les étages en tapant dans les portes à coups de poings et de pieds. 

Cela sentait le renfermé, rideaux et doubles rideaux en gros velours tirés à fond. Ménage pas fait depuis des lustres. La cuisine était inabordable, tant pour cause de vaisselle sale entassée dans l’évier et au sol, que d’une poubelle débordante, laissée à l’abandon qui s’était transformée en bac de compostage avancé.

En effet il devait avoir peur le pauvre homme, peur d’ouvrir ses rideaux, peur de descendre vider sa poubelle, peur d’aller faire ses courses, et tout ça pour ne pas se faire remarquer et risquer de se faire agresser. Alors que là, les conditions dans lesquelles il vivait allaient le mener tout droit à une intoxication alimentaire.

Avant de partir, je me suis autorisée à ouvrir une fenêtre, ces odeurs de rance et de crasse prenant trop à la gorge. Il ne s’était pas réveillé, dormant en boule sur le canapé comme l’aurait fait un animal. Il avait le visage émacié d’un individu sous-alimenté.

Dans le même temps que ces voyages exploratoires, je me lance dans une campagne d’appel à témoins pour tenter de savoir ce qu’était devenu « l’homme de ma vie » car avouons-le la solitude me pesait, sa chaleur animale et ce qui l’accompagnait me manquait.

En partant des croquis réalisés lors de notre première nuit, j’ai fabriqué un pochoir et dans les jours qui suivirent les murs de l’arrondissement et des arrondissements voisins se couvrirent de son portrait. J’avais pris la précaution de n’utiliser que son visage. Peu d’espoirs cependant en lançant ces bouteilles à la mer, mais « Inch Allah » qui vivra verra me disais-je. Cela mettait un peu de couleur dans la grisaille généralisée et « Si l’on tue l’espoir, il faut s’attendre à tous les débordements »

Dans toute cette déconfiture, il fallait à tout prix que je trouve le moyen de me raccrocher à la vie, à ce que je connaissais ; une situation rassurante, enfin tout ce qui me permettrait d’éviter le saut par la fenêtre ou les barbituriques

Les escapades nocturnes c’est bien beau, mais physiquement ça n’était pas suffisant pour me maintenir en bonne condition physique, il fallait croire que je n’étais plus trop sûre de moi puisque je n’osais plus m’attaquer à la rue.

Si au moins, j’avais eu en ma possession une bombe lacrymogène ou une arme tout court ; peut-être aurais osé. En réalité, c’eût été la meilleure solution pour me faire tuer, car j’imaginais mal qu’elle aurait pu être ma réaction devant un agresseur. Le temps d’armer le pistolet, de mettre l’agresseur en joue et de tirer il aurait eu le temps de m’étriper dix fois. Alors ne sachant comment conjurer cette peur je ne sortais quasiment plus.

Une taie d’oreiller comme cabas j’y entassais de quoi se donner une bonne indigestion. Ni une ni deux je me rendis chez ce cher voisin pour l’inviter à dîner.

La rareté fait monter le cours des relations cet inconnu m’était très cher tout à coup.

Ce fut tout une affaire de lui faire ouvrir sa porte. Je l’entendis enlever les barres de sécurité ouvrir la fermeture multipoints et enfin le cliquetis de la chaîne de sécurité qu’on enclenchait.

  • C’est pourquoi ?
  • Vous offrir à dîner !
  • J’ai pas faim.
  • Bien sûr que si, quand vous aurez mis le nez dans mon cabas vous serez convaincu !

La faim fit sortir le loup du bois, nouveau cliquetis, la chevillette chut et le huis s’entrebâilla.

Il semblait un peu hébété ne sachant que faire.

  •   Mettez la table ne restez pas planté à me regarder.

Il était surtout curieux de ce que je sortais de mon cabas improvisé et là j’ai cru que les yeux allaient lui couler sur les genoux.

J’avais choisi une terrine de chevreuil, un risotto pointe d’asperges, du pain frais quelques fromages odorants et une tarte aux kiwis…

  • Tenez ouvrez le vin, vous devez bien avoir un tire-bouchon ?
  • Un Cheval blanc 1945 vous n’y pensez pas ! ce vin vaut une fortune ! où l’avez-vous déniché.
  • Pris au hasard dans la cave de mes parents !
  • Vous devez le leur rapporter, je ne peux pas accepter un cadeau pareil.

Après quelques instants de silence pendant lesquels je m’affairais à préparer mes plats et lui à mettre la table il me fit cette confidence.

Si je ne vous ai pas ouvert immédiatement c’est que je craignais que ce soit eux dit-il sans précisez qui « était eux » ? Je pense qu’il attendait que je le questionne.

Vous n’avez rien remarqué dans l’escalier ? Comme je ne lui faisais aucune réponse, il ajouta 

  • C’est pourtant voyant, ils tracent des lignes entre la porte de la cave et la porte du grenier.

Il partit chercher un calepin dans lequel il inscrivait dit-il tous les phénomènes paranormaux se produisant dans l’immeuble.

Parmi sa liste de bruits qu’il énuméra, grincements, portes qui claquent, cris et gémissements, il finit par ajouter ce qui m’inquiète le plus, ce sont ces traits qui partent de la cave et joignent la porte du grenier.

  •  Il y a d’abord eu une ligne ocre, puis une rouge, et depuis hier une bleue.

Sans tenir compte de l’avancée des préparatifs du repas il m’entraîna dans la cage d’escalier qui, faute d’entretien, commençait à être diablement poussiéreuse.

Quand d’une main fébrile il actionna la minuterie il fit apparaître les fameux traits qui désormais était trois. 

  • Qu’est-ce que je vous disais ils sont revenus nous ne sommes plus en sécurité dans cet immeuble. 

Il avait totalement changé d’attitude descendant les marches à grandes enjambées sans tenir la rampe me faisant craindre qu’en en loupant une il ne dévale l’escalier sur le dos ou sur le ventre avec toutes les conséquences néfastes qu’une telle cascade pourrait avoir sur son squelette et son cerveau.

Il soufflait moins que moi en atteignant la porte de la cave. 

  •  Vous voyez ce que je vous disais, ils signent même leurs maléfices, regardez cette main imprimée sur le mur c’est certainement la main de la personne ou de l’esprit qui a accompli cette « luciférerie » 

Emporté par sa logorrhée et sa terreur il venait d’inventer un mot dont il devait être très fier car il le répéta à plusieurs reprises. Avec prudence j’avais glissé mes mains derrière mon dos par crainte qu’il ne me dise de poser celle-ci sur le mur pour faire une comparaison dont je connaissais déjà la réponse.

Nous avons fait un très bon repas, lui parlant, donc moi surtout, bien arrosé lui très peu, moi surtout. Il s’est endormi à table j’ai bien failli l’accompagner. Je ne sais pas comment j’ai regagné mon chez moi… il était fameux le Cheval Blanc 1945 pour moi surtout j’aurai bien fait le tiercé.

En attendant de m’endormir j’essayais de me récapituler toutes les informations dont il m’avait abreuvée au cours du repas en plus du Cheval Blanc :

Ainsi notre immeuble construit à l’époque haussmannienne l’avait été sur des caves anciennes dans lesquelles l’alchimiste Nicola Flamel avait installé l’atelier dans lequel il aurait découvert la voix de la pierre philosophale celle qui permettait de transmuter le plomb en or.

Puis il était parti sur des révélations concernant la pyramide de Khéops. Il prétendait qu’au cœur de celle-ci de minces couloirs circulaient permettant à l’âme du défunt d’entrer en communication avec l’au-delà. Il ajoutait que les traits de couleur devaient jouer le même rôle de lien entre ici et l’au-delà

Dans ma position, me mettre à rire aurait été discourtois et mal venu puisque je connaissais la réponse.

Si j’avais raconté à ce pauvre homme apeuré la teneur de la vie qui était la mienne, il est à craindre qu’il ne se soit évanoui !

J’ai fait de beaux rêves mais permettez-moi de garder cela pour moi !!!

P.S. Désormais je ne verrai plus l’escalier du même œil !