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Empêchée

 

Dans ma prison dorée, les jours coulent sans peine.

Le temps, hier encore futile espoir, a fui.

Les jours sont là, muets augures, toujours les mêmes.

Les mots ne viennent plus, le cours s’en est tari.

 

On parle, tant qu’on peut, de ce qui nous enchaine

On parle du soleil, des silences, de ces bruits

De la vie arrêtée qui si fort nous entraine

Vers des horizons noirs où seul le ciel rugit.

 

Ils parlent, tant qu’ils peuvent, les avis se déchainent

Quelle guerre pourrions-nous mener de notre lit ?

De leurs mots dérisoires nous formons une chaine

Bavarde, et du mortel virus un ennemi.

 

Les mots se sont taris, il n’en est plus qui tiennent

Plus d’un jour, et la nuit, ils courent la prétentaine

Pleurant nos cœurs marris aux tristesses lointaines

Par ces vagues ennuis de nos angoisses vaines

 

Rugir, crier, pleurer, sortir de ce mystère

D’un silence accepté pour n’être pas perdus

Parler de nos amours, de nos imaginaires

Nos corps sereins, et sourds aux peurs lentes qui tuent

 

 

                                *****************

 

Et les mots se relèvent, statues imperturbables :

Ton silence résonne, c’est toi qui n’es plus là

Qu’as-tu cru, femme aphone, ta pose hiératique

Te donne-t-elle à croire des devins improbables

Qui t’enivrent d’effroi comme divin viatique ?

 

Ton mutisme claironne ta frayeur d’être là

Seulement affairée de jours qui se ressemblent

Seule, amère condition de tout être sceptique

Dont l’univers restreint à ne plus être ensemble

Confine son espace au poids d’un toujours là.

 

  21 avril 2020