Je suis une grosse menteuse. Cela me met quelquefois dans des situations embarrassantes, ou bien est-ce l'inverse ?

            Par exemple, j'ai tendance à oublier des rendez-vous. Tout le monde le sait, mais cela me met quand même mal à l'aise. Combien de fois ai-je dû me préparer à toute vitesse après un coup de fil du dentiste, ou le rappel d'une réunion importante. On t'attend depuis dix minutes, que fais-tu ? Ou bien, Vous allez m'obliger à décaler tous mes rendez-vous, c'est que je n'ai pas que ça à faire...

            Le pire, c'est quand on ne m'appelle pas, et que je me rends compte par moi-même de mon lapsus. C'est ce qui m'est arrivé mercredi pour la soirée d'anniversaire surprise de Graziella. Tout était bien noté sur le calendrier sur mon bureau, et j'avais vu Géraldine le lundi précédent lors du cours de yoga. Aucune raison de zapper. Juste une juxtaposition qui s'était faite dans ma tête. La veille, j'avais donné rendez-vous à sept heures à quelqu'un qui devait venir dormir à la maison, et je devais lui laisser les clés. La rencontre, elle, était aussi à sept heures. Jusque-là, rien de grave, j'aurais pu être un peu en retard, (ici ils appellent cela le quart d'heure poitevin) si mon cerveau n'avait pas complètement effacé l'anniv. Je décidai donc, comme je le faisais souvent, de me rendre à la piscine pour le cours d'aquagym de 21h. Cela me permettrait de rattraper une séance loupée. J'enfourchai donc mon vélo, et ce n'est qu'en passant devant chez Géraldine, et en y voyant le grand nombre de voitures garées, que la mémoire me revint !

            Que faire ?  Arriver à la fête à la fumée des cierges, mon sac de sport à la main ? Outre que cela voulait dire que j'y serais juste à temps pour le gâteau, ce qui n'était pas très élégant, je n'avais pas encore trouvé quel bobard je leur servirais comme excuse. J'étais d'autant plus mal à l'aise que c'était pour m'arranger que cette date avait été fixée, plutôt qu'un lundi. Je posai mon vélo un peu plus loin, pour ne pas être vue, au cas où, et commençai à réfléchir : piscine ? anniversaire ? Piscine !!! Le choix diététique par excellence, et j'avais quelques kilos à perdre avant l'été.

            Dans l'eau, tout en faisant mes mouvements, j'étais mal à l'aise. Encore un raté, et pour lequel je peinais à trouver un semblant d'explication. Et si je me rhabillais vite fait, et allais sonner à la porte ? Bon, mon jogging ferait un peu trop décontract, mais il était neuf et assez smart quand même. J'en profiterais pour soigner un peu ma pathologie du mensonge, et leur servirais la vérité vraie. Oui, mais comment Graziella le prendrait-elle ? Il valait mieux ménager sa susceptibilité et leur concocter je ne sais quoi, un dégât des eaux par exemple. Et je n'étais pas sûre que ma franchise serait bien accueillie, certaines avaient sûrement reporté des engagements pour elle. « Et quatorze et quinze et seize ». Quelle cruche quand même d'être là dans l'eau ! En plus j'avais aussi oublié de donner mon écot pour le cadeau. Je me rattraperais, ce n'était pas bien grave, d'ailleurs je ne savais même pas si elle avait participé à mon cadeau à moi.

            Ah tiens, nous y voilà ! Je venais de mettre le doigt là où ça faisait mal. Pas besoin d'être Freud pour comprendre pourquoi j'avais zappé. Graziella, la nouvelle venue, tout le monde se pâmait devant elle. Moi, pas. D'accord, elle avait manifesté seins nus à Notre Dame, mais vraiment, il n'y avait pas grand risque. Elle et ses copines avaient même été relaxées. Rien à voir avec les avortements méthode Karman qu'on pratiquait dans ma coloc' quand j'étais à la fac. Plus le cours progressait, moins j'avais envie de me racheter. Quand vinrent les étirements, j'en étais arrivée à penser que j'avais délibérément boycotté l'évènement. Il ne me restait plus qu'à faire un grand détour pour rentrer chez moi, il ne faudrait pas que j'en croise une, ou même elle !

            L'aquagym, cela facilitait l'endormissement. Cette nuit-là, je dormis comme un bébé.