Soleil jouant dans le feuillage des saules au bruissement musical ; il s’introduisait par instants entre les rameaux venant nous caresser la peau.

Mes pieds avaient été évaluer la température de l’eau de l’étang, précaution de sagesse, elle était si froide que s’y plonger nous aurait gelés.

Elle avait fini par s’endormir la tête sur mes genoux m’obligeant à une immobilité minérale, tant je craignais qu’elle ne s’éveille et perde le fil de son rêve.

Peut-être feignait-elle, qu’importe il faisait beau, le bourdonnement des insectes était là pour en attester, la journée commencée de façon ubuesque prenait des allures de farniente.

                Ce n’est pas mon genre de m’étaler comme ça sur les genoux d’un vieux, Il faut reconnaître que la tendresse cela pourrait avoir du bon mais c’est un peu tard. Il faut que je me concentre pour le mettre en condition, le moment venu il faudra qu’il soit à ma patte.

Si elle continue à dormir ainsi je vais sombrer dans une douce extase, je pique déjà du nez.

Une histoire de fou, je l’ai rencontrée par hasard il y a deux heures sur une aire d’autoroute à cinq kilomètres de là.

Un contretemps tout bête à l’entrée des toilettes pour hommes, la femme de ménage venait d’installer une borne indiquant : ménage en cours, sol glissant ! J’ai voulu passer outre et elle m’a ramassé avec une telle verdeur ! Ce genre de situation devant laquelle la seule attitude acceptable demeure la fuite, j‘ai suivi son conseil d’aller me faire voir non chez les Grecs mais dans les toilettes pour dames de l’autre côté du couloir.

               Je me pensais tranquille quand ce bouffon est entré, j’ai pensé : fais celle qui l’a pas vu et dépêche-toi.

Elle était penchée au-dessus de la tablette entre deux lavabos, j’ai tout de suite réalisé qu’elle était en instance de sniffer deux rails de coke. Pas difficile à comprendre, son petit miroir et sa carte bancaire qui répartissait la poudre.

Je n’ai pas réfléchi plus avant, je me suis dirigé vers elle, saisi le miroir et balancé la came dans le lavabo, une poussée sur le robinet il ne restait plus rien.

               Ce con, il a balancé ma dope il ne connaît pas les prix et moi qui n’ai même pas un Opinel je te l’aurais décousu vite fait.

Comme quoi on en fait toute une histoire des drogués, avec un peu d’autorité ces gens-là, on les remet dans le droit chemin d’un claquement de doigts.

               Je fais quoi, je hurle, je le cogne, lui arrache un œil, il m’a cueillie à froid mais il ne perd rien pour attendre ce gros pouf.

En sortant des toilettes je l’ai retrouvée semblant m’attendre, elle n’avait pas l’air agressive, après ce que je lui avais fait je m’attendais à pire.

  • Si vous voulez je vous emmène manger quelque chose.
  • Pourquoi pas, mais c’est vous qui payez, je ne suis pas au large ?

               Le manque me tord le ventre, si je reste appuyée aux lavabos, c’est que je suis dans l’incapacité de faire un pas, il faut que l’autre se casse pour que je puisse puiser dans ma réserve.

  • Allezy je vous rejoins.

Qu’est-ce que tu fabriques, qu’est-ce que-tu avais besoin de te coller cette nana sur les bras, tire toi en vitesse c’est ce que t’as de mieux à faire ? 

Trop tard, la voilà qui rapplique en minaudant.

Je vais l’emmener au self-service pour qu’elle mange quelque chose de chaud cela lui fera du bien.

Il a une tronche de rat, il va m’offrir un sandwich, autant devancer son choix.

  • Un sandwich on le mangera en route.

En route, en route elle en a de bonnes je ne suis pas Uber moi.

               Ma dose m’a fait du bien, mon cœur a retrouvé un rythme normal et mes bras et mes jambes m’obéissent plus facilement, j’ai cru que j’allais faire un coma. Respirer doucement mais à fond, se vider la tête, plus facile à dire qu’à faire.

Quelque chose me rentre dans la joue, ce qui me réveille, j’ai le nez dans la menthe sauvage et des fourmis qui colonisent mon col de chemise.

Ah oui ! la fille, comme prévu je me suis endormi, elle n’est plus là, c’est ce qui pouvait m’arriver de mieux.

  • Hou hou par ici !

Elle est folle elle nage le crawl dans l’étang que j’ai trouvé gelé tout à l’heure. Elle me fait signe de venir la rejoindre.

  • Elle est si bonne, joue pas le rabatjoie, t’as pas de maillot moi non plus.

               Il va se décider c’est que je me gèle, encore cinq minutes de ce régime et je coule à pic. Je vais lui faire une sortie à la Raquel Welch dans Jame bond.

               Il a les yeux qui lui coulent sur les joues c’est du beau taf, l’eau me court sur le corps mettant mes formes en valeur, ses yeux font la navette seins pubis seins, c’est gagné il est à point et vient me rejoindre. Il plonge comme un sac de son, m’éclaboussant au passage.

  • Pas de soucis je reviens.

Quand je me suis retourné quelques cinquante mètres de crawl plus tard elle avait déjà réenfilé ses vêtements, ramassé les miens et courait vers la voiture. J’ai eu encore plus froid imaginant la suite.

               Je m’étais dit : s’il tente de me toucher je les lui arracherai avec mes dents ça n’a pas été nécessaire. Un coup d’avertisseur, un grand ronflement de moteur c’est une sacrée bagnole, un doigt d’honneur en passant pour que la situation soit claire.

               Il va avoir du mal à s’en remettre ce grand dépendeur d’andouilles qui se prenait pour la Samaritaine. Je l‘imagine devant les gendarmes se les protégeant avec une feuille de rhubarbe sauvage. Plus drôle encore quand il rentrera à la maison ou au travail et qu’il devra relater ses exploits à sa femme ou à son patron.

Elle riait encore en arrivant au passage à niveau…tellement que les yeux pleins de larmes elle n’a pas aperçu le feu clignotant,  ni les barrières, ni la rame du TER qui arrivait dans un énorme crissement de freins.

Les enquêteurs ont eu bien du souci, la voiture disloquée était vide de tout occupant, ils ont mis un moment à réaliser que celle ou celui qui la conduisait n’avait pas attaché sa ceinture et qu’éjectée elle ou il avait été transformé en ballast.

Et puis ce costume d’homme vide en vrac dans la voiture les laissait dans un état de perplexité absolue.

Pendant ce temps au courant de rien de ce qui venait de se produire je m’avançais le long de la départementale me protégeant le sexe avec un bouquet d’herbes, plongeant dans le fossé à l’approche de chaque voiture.

Ce sont les gendarmes, alertés par des chauffeurs qui m’ont alpagué, empaqueté dans une camisole de force, avant de me déposer à la consultation psychiatrique la plus proche. Tout cela, au motif d’attentat à la pudeur sur la voie publique, je vous demande un peu, depuis je refuse de répondre à toutes les questions.