Je ne me souviens plus exactement quelle était la personne concernée, s'il s'agissait de la copine en question ou de la mère de cette dernière, mais toujours est il qu'il s'agissait de porter un document d'ordre médical ou administratif à un chirurgien habitant près du bois de Boulogne.
Ma chère Caroline, après avoir été chercher les documents pour lesquels elle acceptait de jouer les facteurs, prit donc le bus et se rendit à Neuilly, boulevard Maurice Barrès, si ma mémoire est bonne, pénétra dans l’immeuble où habitait le disciple d'Esculape, et prit l’ascenseur pour monter à l'étage où officiait celui-ci.
Elle sonna à la porte.
Une jeune femme en blouse blanche vint lui ouvrir, et après l’avoir regardé un instant, lui dit : Oh, oui, vous avez bien fait de venir !
Caroline était sur le palier d'un spécialiste de la chirurgie esthétique.
L'accueil tout en délicatesse de la secrétaire médicale ne lui fit pas spécialement plaisir.
Ne croyez pas que Caroline était un abominable laideron. Elle avait un visage comme on en rencontre des milliers, un de ces visages avec lequel il suffit de converser quelques minutes pour prendre conscience que le charme ne réside pas seulement dans le physique.
Elle n'était nullement en peine de se trouver des petits copains, et je le dis avec d'autant plus de conviction que j'eus beau lui jouer de l’ukulélé sous son balcon pendant pas mal de temps, elle ne prit jamais la peine de me lancer une échelle de soie pour que je puisse la rejoindre, son carnet de bal étant complet. (Ce à quoi je puis me permettre d’ajouter que lors d’une discussion avec elle, bien des années plus tard, elle me confia que la possibilité en avait été fortement envisagée…)
Caroline avait beau être pleine d'humour, la réflexion de la jeune gourde, l'avait quelque peu blessée, et elle ne s'attarda pas, prit congé pour rentrer chez elle,
Et c’est alors que, longeant le bois de Boulogne, elle se dirigeait vers l’arrêt du bus, un homme l’aborda et lui dit : Tu prends combien ?
Et lorsque, quelque temps après, Caroline me raconta cette aventure, elle termina son histoire en me disant : Eh bien, Maurice, tu me croiras si tu veux, mais après ce que je venais d'entendre, ça m'a fait plaisir !
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