Qu'on soit au courant ou non, on aime ou on n'aime pas: c'est presque physiologique. Rationnel ? Certainement pas. Moi, ça m'excitait depuis des années, je suivais ça sur les journaux. J'allais en voir comme on va regarder ce que l'on n'ose pas s'offrir; saliver devant comme le petit garçon pauvre devant le restaurant de Dickens, et puis je me disais : "c'est trop cher, ça va être démodé très vite, je vais y perdre de l'argent et ça ne me plaira. pas, ça n'est pas raisonnable ..." Et puis? Et puis un jour je suis passé à l'acte; violemment; j'ai pris le canard, une petite annonce et hop j'y vais: il y a un moment où il faut vivre, et on verra bien.

Un mec jeune, une machine, discussion, on baisse de moitié. En un quart d'heure j'avais un gros engin Apple (vous savez, la pomme) et, comme un voleur, avec mon fils, je ramène ça à la maison. Il était bourré de logiciels, traitements de texte, fichiers, tableurs dessins; le gamin avait vu les jeux. On connaissait deux ou trois manœuvres, et voilà.

L'engin monté comme le petit Jésus, une prise de courant; l7h : ça s'allume. C'est en noir et blanc, et clic, clic, reclic...Et là, ça a été le paradis, d'autres diront l'enfer. Bref, la passion: c'est comme un grenier que tu fouilles, c'est comme la perceuse-dévisseuse à 2000 fonctions qu'on ne finit pas de découvrir, c'est comme le robot-marie qui fait tout, même la purée comme maman! Le feu d'artifice!

Pas de manuel, tout à essayer et à découvrir: tu te plantes, tu éteins, tu redémarres et c'est reparti : jamais rien de grave, quelques coups de téléphone à des copains quand tu ne t'en sors pas, mais rares. Mon fils découvrait les jeux, moi tout le reste, et j'imaginais tout ce que je pourrais faire avec.

Je passais des nuits comme quand j'avais 16 ans sur des problèmes de physique dont je pressentais la solution. Je dormais deux heures, voiture, travail, revoiture, et l'écran. Je pensais régulièrement à comment je pourrais résoudre tel ou tel problème. Quatre mois après je le vendais, j'en achetais un plus fort. Un an après, un autre!

Utile ? Oui et non, surtout du plaisir, l'impression, par moment, d'être démultiplié. J'ai découvert la convivialité, le piratage de logiciels, les coups de mains, le partage d'informations, la communication de la passion à d'autres. J'ai contaminé et rencontré des copains de boulot, le dentiste, le patron d'un ami, une copine On échange, on se donne, on dupliquette.

Maintenant j'attaque le minitel et les banques de données, j'imprime. Alors, ça te rend plus heureux? Oui, j'ai du plaisir, je n'y passe plus des nuits; mais j'ai toujours cette impression de caverne d'Ali-Baba, de ravissement : s'il n'y avait pas ce clavier, ce serait parfait.

Les gens ? J'en ai rencontré de complètement fadas, et d'autres super. Ils m'ont fait rentrer dans des mondes que je ne soupçonnais pas. Le  monde moderne, moi ça m'excite. On n'est pas obligé de perdre les vieilles valeurs mais on en a de nouvelles. Et quelquefois je rêve à ce que la terre pourra être dans 20,40 ou 50 ans, et je serai peutêtre mort Quel dommage ! Comme dit l'autre: "on vit une époque formidable" !