de Meschers près de Royan, haut lieu de vacances expérimentales  depuis plus de trente ans.  Sous leur insolence et leur ton provocateur perce le questionnement  d’une époque face à l’émergence de phénomènes nouveaux comme l’invasion informatique, la banalisation de la pornographie ou l'émotion devant les petits riens de la vie quotidienne. Ecrits "le temps d'un cloppe" dans le style direct de 68, ces courts billets ont  les accents Pascaliens d'un humanisme aux pieds dans l' humus et la tête dans les étoiles.

                                                     =-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=

Et la pornographie; vous aimez? Moi oui. A grosse dose, non.  A petite, bien  sûr.

- Putain, le mec… la veille de Noël, il nous parle de cochonneries.

Oui Madame, oui Monsieur, je vous parle d'une des mille facettes de ce qui fait l’homme. Je peux aussi bien être une bête sordide, masturbatoire, animale, que quelqu'un qui rêve d'amour, d'âme, de Dieu … ( qui rêve et qui le vit). Le fiIm de cul, le fantasme sur lequel tout le monde crache, dont on sort en ayant l'air de ne pas y avoir été. Sexualité infantile ? Peut-être ! Mais un de ces aspects qui font que l'être humain sera difficilement classable, qu'il possèdera toujours à l’intérieur de lui Dieu et le Diable, ces deux aspects complices et interdépendants qui n'existent que l'un par l'autre, et qui s'excitent l'un l'autre.

Je pense toujours à ces gens qui vous classent dans la case où vous êtes comme dans un cercueil. Cette vie qui est à l'intérieur de nous, c'est comme cette source qui veut à tout prix percer, voir le jour. trop pleine et que l'on aperçoit sous la forme d'un marigot, d'une fontaine, d'un torrent, c'est toujours elle quelle qu’en soit l'expression cette mélodie,  ce feu, ce jaillissement, cette lave en fusion, cette larme, cette émotion qui ne peut se retenir, c'est elle qui, quand elle ne peut s'humaniser, se bestialise.

Eh oui, le petit Jésus faisait aussi caca dans ses couches, sentait le boeuf et l'âne, se jetait sur le sein de sa mère, et qui a bien eu la bite qui se dressait dans ses flots de plaisir.

Et autour, vous ne croyez pas qu'il y a eu cette vibration. ce truc qui vous fait hurler de désir et de plaisir, à un point qu'on ne peut le retenir,  qui vous pousse et vous entraîne hors tes murs, le confort, le pays, cette chose sans forme qui nous vient de l’espèce, du monde du cosmos, qui vous pousse à être mère, que ce soit de Dieu ou d'un autre, qui vous fait père de votre enfant ou de celui d'un autre, qui vous fait courir là où lémotion existe quand on n’a pas la télé. Comme les bergers et les rois mages.

Moi, quand les gosses sont nés, ou quand j'ai été en voir d'autres, ou quand j'ai vu "naissance sans violence", cette sortie, cette apparition, ce premier cri, ce premier mouvement, je sentais … oui, je dis bien, je sentais Dieu par tous mes sens, je percevais avec une violence incroyable l' âme du monde, j'étais relié à l'humanité entière, aux étoiles, j'étais en fusion avec le minéral, le végétal, l'animal et l'humain, je vivais tous les poèmes, les musiques, les chansons, les tableaux du monde, je vibrais avec tout ce qui est beau et inconnu.

Et quand, une fois par an, on me refout un Alléluia dans les oreilles, ou quelque chose qui y ressemble, je retrouve, au-delà de Carrefour, du fric, de la foire aux cadeaux, de la religion piège à cons, cette pulsion, cette ouverture, cet éclatement, cette communion, cette fusion. Et j'aime au point d'en pleurer seul. Je ne suis plus qu'un cœur avec un cerveau et une bite autour.

Bon, je vous souhaite un joyeux Noël. Après le film porno, j'irai peut-être à la messe avant de réveillonner… qui sait?

Janvier 1988