Jeudi 7.30 … Salle de bain

 

Lui :        - Tu n’oublies pas que pour samedi soir j’ai invité les Worms à dîner ?

 

Moi         - Silence…Je capte son regard inquiet dans le miroir

 

Lui :        - Tu le fais exprès, je te l’ai dit la semaine dernière dans la voiture…

 

Moi :       - Silence…je ne sais pas quel plan il me fait, mais une chose est certaine,

                  il se fout de moi. Je suis si énervée que je me mets du rimmel dans

                  l’œil ce qui augmente mon exaspération…Il a oublié ou il n’a pas osé

                 m’en parler, et maintenant qu’il a commencé il fonce.

                 En pleine période de déclaration fiscale au bureau, j’ai les nerfs à fleur

                 de peau, je n’avais vraiment pas besoin de cela en plus.

 

Silence :   On n’entend plus que le ronronnement du rasoir.

 

Moi :       - « Victime sacrificielle comme d’habitude » D’accord je vais te le faire    

                 ce repas, mais il va falloir sérieusement m’aider.

 

Lui :         En toute décontraction

-          C’est que samedi, nous avons un match de foot en coupe corpo et je me dois d’y être, je ne peux pas faire cela à mes gars…

 

                Lui, dirige une agence Renault, à deux minutes en voiture de la maison,     

                et si ses gars ont dit…Il n’en démordra pas !!!

              

                Moi, je n’ai « que » la responsabilité du service comptable d’une grosse    

               PME du bâtiment, pour lui, cela doit-être un loisir.

 

                La température est montée de plusieurs crans. Je pars au travail sans lui               

adresser la parole, ni l’embrasser.

 

Lui :      - Ouf…je ne m’en suis pas si mal tiré, quelle idée aussi de se mettre dans des situations pareilles ? Mais elle ne m’a pas embrassé, c’est mauvais signe…

 

 

Moi :      Sur l’avenue…Je manque de percuter une voiture qui s’est arrêtée à un feu de signalisation. Je me parle toute seule !!!

-          Comment peut-il se comporter ainsi, c’est bien une attitude de mec, comment aurait-il réagi si moi…En fait si moi quoi ? ce sont bien là des trucs d’hommes.

 

C’est à cet instant que j’ai dû piler, si brutalement que ma voiture est venue toucher celle qui me précède. Un homme en descend, qui après avoir constaté que sa voiture n’a rien, me fait, le doigt vissé sur la tempe le signe que je suis zinzin !!!

 

Vendredi midi :

         

               Ce n’est pas le tout mais il faut commencer à réfléchir à cette soirée

 

Moi :      Ce sont des gens que je ne connais pas…Et que je ne tiens pas particulièrement à connaître…Mais…Ils sont invités alors…Que vais-je bien pouvoir leur préparer. Eternelle question à vocation féminine, toutes vous le diront.

               En grand seigneur il ne m’a pas reparlé de son invitation, ni de l’organisation de la soirée…

 

Lui :       J’aurais dû discuter avec elle de l’organisation de cette soirée… Mais de toute façon elle ne fera  que ce qu’elle a décidé de faire. J’ai entrepris de passer l’aspirateur et  mis de l’ordre autour de l’ordinateur dont on ne voyait même plus la souris…Un véritable capharnaüm, J’en conviens et cela me fait sourire…En pratique, deux grand cartons tout en vrac et hop au garage.

               Il faut avouer que je suis est assez content de moi…Il me semble qu’il y a de la décrispation dans l’air.

 

Moi :      J’ai pris sur mes RTT pour quitter le travail à midi, cela me permettra de faire les courses dans des conditions de calme relatif…

              J’aime construire ma décoration autour de la nappe que je choisis. Pour me remonter le moral, j’ai décidé de prendre celle qui, à mon sens, met la pièce et la vaisselle les plus en valeur. 

              Maniaque comme je suis, j’ai vérifié avec attention et minutie: vaisselle, verres et couverts, leur redonnant un coup de torchon après passage à l’eau vinaigrée lorsque cela s’avère nécessaire…Le plus pénible, c’est le ménage, mais comme il s’en est chargé, je lui en suis reconnaissante.

 

               Je pensais : Il va me reparler de son invitation ce soir en rentrant…Pour ma part j’étais décidée à rester muette sur le sujet, enfin pour l’instant !!!

 

              Je m’étais dit : - Il  va demander ce que j’ai prévu de préparer pour pouvoir s’occuper des vins, le vin d’ordinaire c’est son affaire, eh bien non, silence sur toute la ligne.

              J’ai bien remarqué le regard qu’il a jeté sur mes préparatifs en bout de table, il était prêt à fouiner dans mes petits fours pour l’apéritif…Un regard peu amène  lui a fait comprendre qu’il y avait là un casus belli.

 

Lui :      En rentrant, j’étais décidé à lui présenter mes excuses à propos de la façon cavalière dont je lui avais annoncé l’invitation de samedi. Le prétexte était tout trouvé au vue des préparatifs qu’elle avait entrepris.  Une seconde d’hésitation et ce geste maladroit en direction des petits gâteaux, patatras ce regard qu’elle m’a jeté nous a renvoyés tout droit à la glaciation des rapports…

             C’est un peu bête, de maladresse en maladresse la situation devient de plus en plus ingérable…

 

 

Samedi matin :

 

 

Moi :    j’ai fait semblant de dormir lorsqu’il s’est levé pour se rendre à son match de foot…Puis dès son départ j’ai investi la salle de bain : douche, gommage, huile parfumée sur la peau, un délice. Passer du temps à me faire les ongles est un privilège dont je ne peux me passer…

 

Lui :     Je suis parti sur la pointe des pieds pour ne pas la réveiller, mais la connaissant, je suis sûr qu’elle ne dormait pas…Un petit baiser peut-être ?

 

Vers onze heures : coup de sonnette impératif.

 

 Moi :   J’ai un moment d’émotion, j’espère que l’on ne vient pas m’annoncer qu’il a eu un accident au foot : tibia brisé, arrachement du tendon d’Achille, pire une crise cardiaque…Tous ces hommes sorti de la première jeunesse et qui veulent courir comme des ados ne se rendent même pas compte des frayeurs qu’ils nous donnent !!!

 

Surprise !!!

 

               Un livreur est là devant ma porte tenant un adorable bouquet, dont la gamme des couleurs n’a rien à envier à la construction de sa  composition.

               Tout de suite j’ai pensé, il a même pensé à assortir les tons de son bouquet à ma nappe.

 

            En fait je suis dure avec lui…c’est un amour…un véritable amour !!!

          

            Le livreur s’est vue gratifié d’un bon pourboire tant j’étais heureuse.

 

            C’est en voyant la carte que tout a changé : Cathy et Michel Worms ?

            J’ai failli rappeler le coursier, monsieur ce bouquet n’est pas pour moi et puis la vérité m’est apparue un peu sèche, ah oui mes invités de ce soir !

 

            La bouffée de bonheur était déjà passée ne restaient que les regrets.

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               J’ai installé ma tenue sur le lit, sobre mais chic, j’ai hésité pour les bijoux ne retenant qu’un mince collier rouge et des créoles en or.

 

               Enfin je peux commencer à me concentrer sur mon repas, j’ai concocté mon menu autour de la brise marine et de l’iode, une idée comme ça.

 

-       Tapas autour de l’apéritif : Petits calamars, lamelles de poison séchés, anguille fumée, quelques sushis, mais tout cela assez léger il ne faut pas les asphyxier ; Un bon verre de vin blanc bien frais fera l’affaire…

-       Puis verrines de crabe sur mousse d’avocats citron vert…

-       Mon poissonnier m’ayant proposé de magnifiques queues de lottes, je me suis laissé tenter, je vais les préparer aux épices avec un petit bol de riz sauvage aux agrumes…

 

               Cela me semble bien construit et devrait être délicieux accompagné d’un sancerre bien frais qu’il garde dans un coin de sa cave pour les grandes occasions.

 

Lui :       Quand je suis rentré du foot, j’ai joué à celui qui ne craint pas l’effort, la réalité était tout autre, un coup de crampon malencontreux m’avait labouré la rotule droite  et je boitais bas. 

               J’ai vu que tout était prêt et que cela avait beaucoup d’allure, elle a un don et c’est pourquoi j’aime inviter quelqu’un à la maison…elle a même trouvé le temps d’aller chercher des fleurs…je n’en manque pas une c’était à moi de m’occuper de cela…

 

               Je n’ai pas osé  pour lui demander si elle avait de l’arnica, c’est idiot car elle a toujours tout ce qu’il faut.

 

Samedi soir :

 

 

Lui :       le repas doit venir de chez le traiteur, car elle ne met pas les pieds en cuisine…

               Je devrais lui dire qu’elle est très belle avec sa robe grise,  son collier rouge et l’or de ses boucles d’oreilles lui donnent bonne mine…je ne sais pas si c’est le moment, j’ai peur qu’elle ne le prenne comme une façon de m’excuser…

 

Moi :      Distraitement assise dans le coin du canapé, je l’observe du coin de l’œil, il souffre le martyr, il a pris un coup cela l’apprendra à jouer au Ronaldo, je suis rosse j’ai un tube de pommade à l’arnica…Il me jette des regards de merlan frit et a envie de me dire quelque chose…C’est cela mon mignon, mijote dans ton coin…

               Je feuillète un catalogue proposant des vacances plus attractives les unes que les autres…On peut rêver, il s’apprête à me poser une question…

 

Coup de sonnette :

 

               Ils sont là.

               Dés le premier abord ils sont charmants, adorables, elle petite jeune femme rieuse et sans complexe, nous, nous embrassons comme des amis de toujours.

 

               Les hommes se connaissent déjà et les premiers contacts se font dans la simplicité.

 

Moi :      En définitive, j’avais prévu pas mal de choses pour l’apéritif et le vin aidant le début de soirée se trouve vite être très animé.

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Lui :       Mais qu’est ce qu’elle fait, il faudrait passer à table avant que nous n’ayons trop bu?

              

Moi :      Il commence à s’agiter, restons zen, il finira bien par dire quelque chose.

 

Lui :       Peut-être veut-elle me laisser la responsabilité d’en décider.

               Chérie, qu’en penses-tu, si nous passions à table ?

 

Moi :     Oui, mais bien sûr mon amour !!!

              Que nous as-tu préparé de bon ???...

 

Silence

 

Lui :       J’ai un bourdonnement dans les oreilles et ma bouche ne peut émettre aucun son…

 

Moi :      Quand j’ai vu la stupeur sur son visage et la pâleur qui l’accompagnait…

               J’ai été prise de remords, mais il l’avait bien cherché…

               Ce sont les fleurs qui m’ont fait craquer.

 

 

               Cathy Worms  nous a sortis de cette fâcheuse situation, elle m’a saisi le bras, et a été prise d’un fou rire irrépressible, sa tête partait en arrière mais, chaque fois que son regard croisait le mien elle repartait de plus belle…

               Nous nous sommes tous regardés et le fou rire a été général !!!!!!!!!!!!!!!  

NB: Retrouvez les textes de Dominique Guerville avec la rubrique;" Rechercher"