peu fatigué de marcher seul avec sa grosse caisse dans la campagne. Ah si seulement j'avais un chien, soupire-t-il. A peine a-t-il prononcé ces mots qu'il entend derrière lui un léger aboiement: il se retourne et découvre ... un petit chien. Boum est bien content mais fort étonné: comment l'animal a t-il fait pour venir aussi vite jusqu'à lui? Un mystère que le petit tambour est bien décidé à éclaircir. En tout cas, Boum a trouvé un nouvel ami et ils vont vivre ensemble de merveilleuses aventures.

Ainsi est résumée au dos du livre, l'histoire de Boum, retrouvée dans ma chambre d'enfant lors de l'annuel retour aux sources familiales. Je me plonge immédiatement dedans, et parie d'en faire un commentaire littéraire. Suicide de la séduction intellectuelle par fiche de lecture de la bibliothèque rose, quand d'autres nous régalent de leurs critiques éclairées sur le demier Houellebecq ?

Pourtant quand on lit attentivement Boum, sa grosse caisse et son petit chien, on voit l'apport que ce livre peut avoir pour éclairer notre quotidien et le chemin de tous les hommes et femmes s'interrogeant sur les voies de la séduction. Je précise que je n'ai en rien modifié l'histoire originale de Boum, sa grosse caisse et son petit chien ...

Le livre s'ouvre sur un Boum esseulé, avançant seul sur une route, devancé par sa grosse caisse.

Boum a souffert d'être cantonné dans un rôle de tambour de régiment qui ne lui convenait pas, sous les ordres du capitaine Trac qu'il craignait énormément. Il s'est donc enfui pour vivre de nouvelles aventures. Mais rapidement, la solitude de cette nouvelle vie lui pèse ... on voit là aisément un parallèle avec la recherche de liberté qui guide chacun de nous, opposée à l'hésitation de la tentation du couple (Boum et le capitaine Trac, au caractère dominant et colérique) ou du groupe (le régiment), avec ses codes auxquels il faut se conformer. Mais la liberté, si c'est l'aventure tentante, c'est aussi marcher seul, avec pour seul bagage le souvenir de son passé, ici symbolisé par la grosse caisse.

(Boum doit avoir vécu quelques traumatismes conséquents pour avoir comme bagage une grosse caisse).

Boum, par des circonstances sur lesquelles je ne vais pas m'étendre mais qui permettent à Enid Blyton de faire passer subtilement la profondeur de son message universel, plonge sa mailloche ( j' apprends ainsi le nom de la baguette pelucheuse qui sert à frapper une grosse caisse, décidément une lecture pleine d'enseignement), donc Boum plonge sa mailloche dans une marmite de potion magique. Ce qui lui permet, mais à son insu, car il ignore l'existence de cette potion sur sa mailloche, de voir tous ses vœux se réaliser.

Ainsi, souhaitant un compagnon de route, sous forme de chien, il en voit apparaître un à ses pieds. Bien que « Boum sa grosse caisse et son petit chien» ait été écrit en 1972, donc largement avant l'apparition des sites de rencontre sur Internet, il est évident que la facilité avec laquelle Boum se trouve un compagnon dès qu'il regrette sa solitude, fait référence à l'instantanéité des rencontres en ligne. Boum est ravi de son petit chien, mais emporté par son succès, il souhaite et voit apparaître aussitôt, une vache et quatre poules pour l'accompagner également.

Là aussi, la frénésie de la drague, qui peut gagner certains d'entre nous devant la facilité d'exécution de nos vœux de rencontre, peut faire oublier qu'un compagnon aurait suffit à faire le bonheur d'un homme, fut il encombré d'une grosse caisse. Non, la soif d'en avoir plus, alliée à celle de la diversité, va conduire Boum, dorénavant à la tête de six relations implicantes, à sa perte.

Comment, me direz-vous, désespérément à la recherche de votre propre exemplaire de Boum, sa grosse caisse et son petit chien?

Parce que, folie des grandeurs, il souhaite loger tout ce petit monde dans un château. Avant cependant de se souhaiter un château pour y concubiner avec ses nouvelles rencontres, il décide de faire son beau. Et pour cela, il nettoie sa mailloche, salie de noir. (Rappelez vous, je sais que c'est complexe, il s'agit là de la potion magique qui a souillé sa mailloche) Son petit chien l'y aide en léchant la mailloche magique (je passe sous silence les parallèles cachés ici par l'auteur). Sitôt la mailloche rendue à nouveau standard (attention à tous les détendeurs de mailloche magique, il s'agit de ne pas la laver), toutes ses nouvelles conquêtes disparaissent. Sauf, heureusement la morale est sauve, le petit chien, qui ayant lui même absorbé la potion magique, ne disparaît pas et poursuit sa route avec Boum (et donc sa grosse caisse).

Ainsi en cet opus publié en 1972 dans la version Minirose de la bibliothèque rose, donc accessible même aux enfants qui ne savent pas lire, Enid Blyton a mis en garde (que dis-je en avant-garde), une génération entière contre les risques de la séduction à outrance, de la mailloche faussement magique, du plus et mieux ennemi du bien ... On peut aussi voir, dans la conduite du chien qui a absorbé des substances sûrement illicites, un avertissement contre les risques d'asservissement à un compagnon pas très fiable (Boum) par addiction à ces substances



. "Boum, sa grosse caisse et son petit chien" , Enid Blyton, bibliothèque rose


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