Petit à petit, les choses s'élaguent autour, les feuilles sont déjà tombées depuis longtemps, les branches mortes ou semi-mortes coupées.

        

         Et puis dans cette gangue, tout d'un coup, on sent, ce petit rien, cette petite chose qui bouge, se multiplie, croît en dedans, pas encore en dehors, l'ensemble se met en ordre autour : on est tout étonné, comme la première fois où le bébé bouge dans le ventre de sa mère.

 

        Puis, plus rien. On pense qu'on a rêvé, que c'était une illusion. que ça n'était pas possible - et puis, si, c'est de nouveau là: le DESIR, le GERME, la POUSSE. On ne sait pas ça va devenir, mais c'est déjà bon de sentir croître en soi quelque chose de nouveau et d'inconnu, en sachant qu'il faudra attendre l'été pour voir l'éclosion, la fleur, le fruit.

 

        Mais, comme un jardinier, est-ce la fin qui le ravit? Ou toutes ces espérances, tout ce qu'il y a autour, tout ce désir, ces inquiétudes, ces soins donnés avant et pendant ? Est-ce le chemin ou l' arrivée? Plus ça va, plus je crois que c'est chaque instant de la trajectoire, et même si au bout ça n'est pas là, qu'est-ce que j'aurai déjà eu comme plaisir! La condition? En profiter au présent. "L'ici et maintenant" des psys, les "c'est déjà ça de pris" de ma grand' mère.

 

      Et là je peux vous dire qu'en cet hiver 88. comme une personne dans une salle d'attente de gare, j'ai du plaisir avec les autres ou seul, même si je ne sais pas quel est le train que je vais prendre, et à quel moment. Une gare, un coin chaud, des gens et des rêves, c'est déjà beaucoup. Surtout que là, au fond, la graine et le germe poussent: "ce n'est pas le moment de retourner la terre".

 

Février 1988