Je l'aime trop !

 

PAN !

 

Oh ! Non ! Je n'ai pas tiré.

Non, ce n'est pas moi, le coup est parti tout seul. Ce n'est pas ma faute. Non, je n'ai rien fait.

Elle est tombée ! Non, elle a dû se cacher parce qu'elle a eu peur. Non ! Je ne l'ai pas tuée. Ce n'est pas possible, je ne voulais pas la tuer.

 

Pourquoi elle est partie ? Je l'aime. C'est la mère de mon fils. Elle ne devait pas me quitter. Elle le sait bien que je l'aime, je lui disais toujours. Je n'ai jamais été violent avec elle, au contraire, je voulais toujours l'embrasser, la tenir dans mes bras. Elle était heureuse avec moi.

 

Boum !

 

Un silence

Maman je ne peux pas bouger

Maman j'ai mal à ma jambe

Maman, maman ! Maman ! Maman !

Rien, pas de réponses, le silence.

 

Après je ne sais pas. Je me suis réveillé dans une chambre que je ne connaissais pas, dans un lit, pas le mien, avec ma jambe dans le plâtre, des tuyaux dans mon bras, je ne peux pas bouger, j'ai mal. À côté un autre garçon dans un lit.

Ma grand-mère est là, elle a les yeux rouges. Elle me souhaite un bon anniversaire et me rappelle que j'ai neuf ans aujourd'hui. Puis elle m'explique : tu as été blessé dans l'accident, tout va bien maintenant. Tu es à l'hôpital, tu as été opéré, il faut que tu sois courageux, il faut du temps pour que ta jambe guérisse. Ton frère aussi a été hospitalisé mais là il est chez nous, il est sorti et il va bien.

Et maman, elle est où maman ?

T’inquiète pas, ça va aller maintenant, il faut du temps. Les infirmières vont bien te soigner, elles sont gentilles tu sais. Elles vont bien s'occuper de toi. Il faut que tu guérisses.

Quelques fois mon père vient me voir, il a l'air triste. Il dit qu'on ne sait pas encore quand je rentrerai chez nous.  

Et maman, elle est où maman ?

Lui aussi me dit : ne te tracasse pas.

Je suis souvent seul, je n'ai pas faim, la nuit, je pleure, je pense à maman.

 

Mon père est là, le médecin vient l'informer que je vais mieux, que je peux quitter l'hôpital. Tout en rassemblant mes affaires, il m'explique que maintenant on vit chez grand-mère.

Et maman, elle est où maman ?

Mon père me dit que je serai bien chez grand-mère je vais dormir dans la chambre au rez-de-chaussée, à côté de la salle à manger avec mon frère, je vais retrouver Volcan, mon petit chien il va être content de me revoir.

 

Maman ! Finalement j'ai compris tout seul.

J'ai grandi, sans ma mère. Pas facile. Je me sentais toujours différent, plutôt solitaire. À l'école, la maitresse était très patiente avec moi, elle s'assurait toujours de savoir si j'avais bien compris. Si je n'avais pas réussi un exercice de math, elle venait m'expliquer à nouveau. Elle m'encourageait, me rassurait mais moi, je n'avais pas envie, je n'avais pas la tête à ça. L'école, c'était une obligation. Je ne voyais pas en quoi c'était important. Pour ton avenir ! Combien de fois elle me demandait : qu'est-ce que tu aimerais faire quand tu seras grand ? Moi, je n'avais pas d'avenir, ma vie avait basculé. Les autres, les copains de classe, je les trouvais insouciants, superficiels, heureux, ils riaient pour un rien, chahutaient entre eux. Ils se retrouvaient après l'école, jouaient au foot, fêtaient ensemble leur anniversaire.

 

J'avais 27 ans quand j'ai rencontré Françoise. C'était à un match de foot, elle était juste à côté de moi et son enthousiasme était contagieux. Moi, plutôt réservé, taciturne j'étais surpris et amusé de la voir aussi exubérante, joyeuse. Je voulais lui parler, je l'ai suivi, elle habitait à 15 kilomètres de chez moi. Ce soir, là, c'est tout, je suis rentré chez moi. Et puis, le hasard a voulu que quelques semaines plus tard, ce soit elle qui me remarque. Le coup de foudre mutuel. Tous les deux nous venions de vivre une séparation. Cette rencontre a été pour moi un moment magique, magnifique. Françoise, c'est la femme de ma vie, je l'aime plus que tout. Je voulais toujours être auprès d'elle. Dès qu'elle avait cinq minutes de retard, j'étais perdu, j'imaginais le pire. Oui, je sais, je lui faisais des reproches : où tu étais ? Qu'est-ce que tu faisais ? Mais c'était parce que je l'aimais, je l'aime ! Je ne peux pas vivre sans elle. On a eu un fils ensemble.  

 

Depuis quinze mois, Françoise est partie. Elle dit qu'elle n'en peut plus, qu'elle étouffe. Bachir me dit qu'elle m'aime toujours, qu'elle va revenir. Bachir est un voyant. J'ai eu ses coordonnées dans ma boite aux lettres. Un petit papier : « je suis Bachir, médium par clairvoyance, le son de votre voix active mes flashs, j'entends, je vois, je ressens. Mes domaines de prédilection sont la vie sentimentale et vie professionnelle, je prévois l'avenir. »

J'ai suivi tous ses conseils, j'ai fait tout ce qu'il m'a dit, je lui ai versé des sommes folles. Il me dit toujours qu'elle va revenir, qu'elle pense toujours à moi, qu'elle regrette son départ. Elle a simplement peur que je ne veuille plus d'elle.

 

Cette nuit encore je me réveille en sueur, mon cœur bat à toute vitesse, palpitations cardiaques, c'est ce que m'a dit mon médecin, je ne peux pas respirer, je suffoque, je suis angoissé, je deviens fou, je pleure, je ne peux plus rester dans mon lit, il faut que je fasse quelque chose, n'importe quoi, que je bouge. Je monte dans ma voiture, pourquoi j'ai pris mon fusil ? Je roule machinalement, sans but, je n'ai rien décidé, je roule comme ça, pour ne penser à rien, mais j'arrive dans sa rue, tout près de sa maison, il y a de la lumière, je m'arrête, je descends, j'attends, je guette.

 

Deux jours plus tard je suis en garde à vue, je suis accusé de meurtre. Non, c'est pas moi ! ça peut pas être moi, je l'aime trop.