Chapitre 1 : Bon anniversaire !
 

Colin, Lisa et leurs parents.

Papa : Vous auriez pu vous saper un peu mieux, quand même, ne serait-ce que pour faire honneur à la cuisine de votre mère ! Moi, le dimanche je devais mettre une cravate et me farcir la messe. Fameuse, ta canette aux cèpes, Martine ! J’ai bien fait de faire un détour hier par la forêt (de Bellebranche) ! Ce matin y’avait plus rien, après l’entraînement. En plus, ça m’a calmé. Les gamins étaient mous, tous sur leur portable au lieu de se faire les muscles.

Maman : Votre père a raison, même pour vos copains vous vous habillez mieux ! Pour nous, bien sûr…

Colin : A propos de portable, je pourrai peut-être en avoir un, maintenant que j’ai douze ans, tous mes copains en ont un depuis longtemps !

Papa : Oui mais toi, au moins, t’es pas comme eux, tu fais des progrès en foot ! On pourra t’inscrire en sport-études l’année prochaine. Eux ils croient que le match contre La Flèche dans 15 jours  va se faire tout seul ! Et dire que je leur sacrifie tous mes dimanche matins !

Maman : Avoue que ce n’est pas un gros sacrifice !

Lisa : Papa, Colin t’a demandé pour le portable, c’est son anniversaire aujourd’hui, tu pourrais lui répondre !

Papa : Et depuis quand on te demande ton avis ? Va plutôt chercher ton gâteau, et compte bien les bougies !

Maman : Ça ne sentait pas un peu le cramé tout à l’heure ?

Lisa : Ah bon, t’as remarqué ? Bôf, j’ai retiré la croûte et fait un glaçage, ça devrait le faire !

« Bon anniversaire, nos vœux les plus sincères ».

Maman : Ah, le 7 novembre 2010, pour moi c’était hier…

Colin : Merci merci, je peux ouvrir mes cadeaux maintenant ? Oh, Lisa, sympa, ta BD !

Papa : Ok, mais n’oublie pas de lire aussi de vrais livres, hein ! Tiens, voilà la suite !

Colin : Ah, Maman, je me doutais bien qu’elle était pour moi, cette écharpe, et,  oh, une paire de crampons neufs ! Super ! Alors si je comprends bien, je vais devoir attendre Noël pour le portable ?

Papa : On verra. Bon, t’es content quand même ?

Colin : Ouais, mais pour le sport-études, je sais pas…

Maman : Déjà que Lisa va partir à la fac, on va se sentir bien seuls !

Papa : Ecoutez-moi la mère poule ! On fait pas des gosses pour les garder !

Lisa : Bon, c’est pas le tout, mais demain j’ai un DS de philo, alors ciao tout le monde !

 

 

Chapitre 2 : Une journée au lycée

 

Comme d’habitude, c’est Papa qui m’emmène au lycée en partant à l’usine. J’ai la boule au ventre à cause de mon devoir de philo, mais lui ne parle que  de ses entraînements de foot, et de la chance que j’ai qu’il fasse le taxi pour moi, il passera me prendre à 15 heures à la fin des cours. J’aurais bien aimé discuter avec  Clara et Anna dans le bus…Pendant la récré du matin, j’ai tellement mal au ventre que je passe à l’infirmerie, c’est juste avant le devoir, mais l’infirmière, qui me sait bonne élève, ne flaire pas la bonne excuse et me fait parler un peu de ma famille. Ça et une tisane de tilleul, et je rejoins la classe plus confiante. Le prof ne s’est pas foulé et nous a refilé le sujet de bac de l’an dernier « sommes-nous responsables de l’avenir ? »

J’ai fait un gros laïus sur Greta Thunberg, j’espère que cela passera, mais je n’ai rien trouvé dans mon stock de citations pour l’illustrer. Après la cantine, j’ai encore mal au ventre et m’en vais vomir mon déjeuner aux toilettes. Clara et Anna s’inquiètent. Je leur raconte le déjeuner d’anniversaire de mon frère. Selon elles, nous sommes trop vissés. Quand même, pourquoi critiquer le gâteau et mon cadeau, pourquoi Colin n’a-t-il pas droit à un portable, jamais elles ne pourraient vivre dans une telle famille. A ma place, elles se seraient tirées depuis longtemps.

Je passe le début de l’après-midi à l’infirmerie où mon père me récupère furieux. Je m’écoute trop, une heure de jogging dans le bois de Bellebranche et tout ira mieux. Encore une fois, mes performances, car je cours tous les jours, et d’une belle foulée, l’intéressent plus que mon for intérieur, que je cadenasse à nouveau.

 

 

Chapitre 3 : le jogging

 

Tiens, voilà la petite qui m’a offert une bière hier au Bar du Maine… Curieux d’ailleurs de l’y voir, les ados se retrouvent plutôt au Globe, et Jack a failli refuser de la servir. Elle est restée un bon moment à griffonner dans son carnet, et c’est quand je l’ai vue trembler et s’essuyer discrètement les yeux que je me suis décidé à lui parler. Je m’y connais avec les mômes, j’aurais pu faire psychologue si j’avais continué dans les études. Bon, là, ça a l’air d’aller mieux, ça va lui faire du bien de courir, c’est qu’elle est bien gaulée avec son short et son tee-shirt bien ajusté, faudra qu’elle fasse gaffe avec les jours qui raccourcissent, je la mettrai en garde si elle revient au Maine. 

Hier, mine de rien, je lui ai raconté mon accident de travail, ensuite mon divorce, et mes virées chez Jack, (toute mon allocation y passe), qu’elle comprenne qu’elle n’était pas la seule à avoir des galères.

- Alors, petite, il te fait des misères, ton amoureux ?

Je me suis assis à sa table, on a bu un verre ensemble. C’est pas comme moi, elle a pas trop l’habitude de causer, alors elle a tout déballé, son père qui la flique, sa mère qui a décidé qu’elle ferait ses études à la Catho d’Angers, quand tous ses potes iront au Mans, sous prétexte qu’ils n’ont pas le bac, ils reportent tout sur son frère et elle, lui sera pro de foot et elle médecin. Les gosses étouffent, c’est normal, ils ne les laissent pas souffler, d’ailleurs si elle est au Maine, c’est que mercredi dernier son père l’a récupérée au Globe et lui a foutu la honte devant ses potes. Pauvre ‘tiote. 

Tiens, la voilà qui s’arrête, elle va pas se remettre à pleurer, quand même ! Elle pose quelque chose par terre, on dirait ! C’est pas très prudent, il ne passe pas grand’ monde ici, mais faudrait pas qu’elle se les fasse piquer, ses écouteurs, quand même ! J’irais bien lui causer, mais elle va croire que je la suis, déjà que les flics m’ont pas à la bonne… Mais pourquoi elle s’enfonce dans le bois ? Ah, zut, déjà 5 heures, Jojo a promis de payer sa tournée, j’enfourche mon vieux clou et j’y retourne.

 

 

Chapitre 4 : les infos

 

Mesdames Messieurs, bonsoir, au sommaire de vos informations régionales FR3 Maine, ce lundi 8 novembre, la disparition inquiétante d’une jeune fille au cours de son jogging quotidien d’une heure dans le bois de Bellebranche, sur la commune de Saint Brice. La jeune Lisa, 17 ans, a quitté le domicile familial vers 16 heures, et son père a découvert sa montre GPS, son portable et ses écouteurs à la lisière du bois vers 18h40. La gendarmerie, aussitôt prévenue, et en présence de possibles traces de sang sur l’un des objets, a immédiatement diligenté une enquête pour enlèvement et séquestration sur mineur. D’importants dispositifs devraient être déployés ce soir et demain. Souhaitons que cette affaire connaisse rapidement une issue heureuse.

 

France Inter, il est 8 heures. Toujours pas de nouvelles ce mardi 9 novembre de l’adolescente portée disparue en Mayenne. Deux cents gendarmes, dont un escadron, une unité équestre, un hélico venu de Rennes, deux équipes cynophiles et une brigade fluviale doivent arriver sur place dans la journée. Interviewé, le commandant de gendarmerie de Sablé a déclaré :  « nous savons tous que dans ce genre d’affaires plus le temps passe, plus l’espoir de retrouver vivante la jeune fille s’amenuise ».

 

à suivre...