Adorable ! Petite tête ronde encadrée de cheveux blonds légèrement bouclés, des yeux noirs plein de malice, un petit sourire coquin, Nicolas comble sa mère de bonheur et de fierté. Elle fera tout pour lui. Nicolas s'ennuie vite quand il est tout seul, aussi sa mère invite très régulièrement des petits copains. Elle est parfaite dans son rôle d'animatrice, tantôt c'est du découpage, un autre jour c'est une activité peinture, elle lit des histoires, prépare des petites courses aux trésors. Parfois, il faut se déguiser, c'est ce qu'ils aiment le plus. Ces après-midis se terminent toujours par un superbe goûter, jus de fruits, gâteaux au chocolat, friandises colorées. Nicolas est donc un petit camarade apprécié et il a beaucoup d'amis.

 

Cet après-midi, Nicolas joue avec Jules sous le regard attentif de sa maman.

  • Jules dit « quand je serai grand, je serai pompier. »
  • Pour éteindre le feu ?
  • Oui, j'aurai un gros tuyau pour arroser le feu.
  • Moi je serai Président.

Nicolas lève aussitôt la tête vers sa maman et se réconforte, il la voit sourire avec bienveillance.  Oui, sa maman est fière de lui, oui il sera président. En a-t-elle conscience ? Elle maintient autour de Nicolas un petit groupe d'admirateurs tout en faisant en sorte que Nicolas se sente toujours le meilleur, le plus fort. Naturellement il s'installe dans un rôle de leader apprécié, il sait se faire aimer simplement, sans s'imposer. Les autres mamans disent : « il est gentil. » sa maman veille à ce qu'il soit toujours bien poli.

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Nicolas grandit. À l'école, il apprend vite, même sans beaucoup travailler. D'ailleurs il le dit : « je n'aime pas travailler et puis je n'en ai pas besoin. » Ses résultats le confortent dans sa place de leader, au collège, il est élu délégué de classe. Les instituteurs puis ses professeurs louent ses compétences et résultats scolaires, sa gentillesse, son éducation. Ils le projettent dans un avenir grandiose, c'est sûr, il a tout pour réussir, en plus, il est drôle, il a de l'humour.  

 

À l'université, il lui est plus difficile de sortir du lot, de ne pas être noyé dans la masse des étudiants. Pour la première fois, il se sent seul. Il appelle sa mère chaque jour, mais son pouvoir magique sécurisant, rassurant, n'a plus la même puissance. Nicolas, pour la première fois, éprouve un sentiment de doute, il se sent un peu perdu. Sortir du lot, être le premier, cette idée s'impose à lui, lui redonne l'énergie. Le judo ! Il s'inscrit dans un club de pratique des arts martiaux. Pas très grand mais râblé, vif, il prend un grand plaisir dans ces combats où il sait déjouer son adversaire et rapidement l'immobiliser à terre. Mais, assez vite, gagner des médailles lui paraît enfantin, peu gratifiant, pas assez.

 

    • Je veux être président.

 

Il se rappelle ce rêve enfantin qui lui paraît aujourd'hui accessible. La politique va lui ouvrir toutes les portes. Il veut un parti gagnant, pas un parti qui ne s'occuperait que des malheureux, des sans-abris, des chômeurs, des migrants, des infirmes et handicapés. Il veut être le président des patrons qui entreprennent, qui gagnent, qui innovent.

Rapidement il s'impose par son dynamisme, son charisme, son audace, ses idées, son intelligence. Il est jeune, sûr de lui, il a de l'humour, de la répartie. Il séduit. Il rassure les foules, promet un monde nouveau, un monde sans limite.

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Nicolas est élu président. La foule est là, massée, applaudissant en scandant Nicolas-Président, Nicolas-Président... Elle attend le premier discours du Président.

 

Il arrive, monte lentement les marches pour arriver à la tribune où il doit saluer son peuple. Il sourit, attend le silence qui s'installe progressivement. Il lève les bras, là un petit oiseau passant par là laisse tomber un petit caca qui atterrit jute sur son front et ses lunettes et glisse sur sa chemise blanche. Tout s'arrête, le chef du protocole bondit, essuie lunettes et front, mais la chemise est tachée. L'odeur a pénétré jusqu'au fond de ses narines, « je pue » se dit Nicolas. Cette odeur est là, lui enlève tous les moyens, il ne sait plus comment sauver la face !

Il commence : citoyens-citoyennes, euh ! Français-Françaises, mes chers compatriotes, vous êtes nombreux je veux vous rendre heureux. »  

C'est fini, il a tout dit, il ne peut pas aller plus loin et il s'en va dans un silence assourdissant, quelques applaudissements timides, mais c'est tout, c'est fini.

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Le lendemain la presse ne parle que de ce petit oiseau,

    • Un anonyme messager du ciel nous annonce un avenir inquiétant,
    • Déjà, nous sommes dans le caca
    • Un monde puant pour notre avenir

Plus littéraire, le Monde reprenant l'expression de Marie COSNAY écrit « le monde fond et flue à flots. »