LE PRESENT...

RESULTANTE IRREVERSIBLE

DE CE QUE L'ON A FAIT DU PASSE...

OU PASSERELLE MALLEABLE A SOUHAIT DU FUTUR ?

 

" C'est fou comme le temps passe vite maintenant !... ". Firmin et Georges, deux grands-pères d'un âge respectable assis à la petite table aux angles usés, autour de  deux verres de petit gris posés sur un gerflex délavé à force d'être frotté par la tenancière du seul bistrot de ce petit village de 360 âmes, qui en comptait naguère plus du double, avaient du mal à accepter cette passerelle sur le présent.

Naguère, on y trouvait une dizaine de bistrots. Et il fallait voir et entendre le soir, après le travail à la ferme ou encore après chaque service de la multitude d'artisans, les éclats de voix qui fusaient sur les pavés des rues cahoteuses du village...

Parfois des rires à pleine gorge... parfois des raillements de matrones après leurs hommes, saouls à souhait, rouges comme des pivoines, qui s'emberlificotaient les sabots dans les pavés des rues dérochées par les orages et parsemées des bouses que les troupeaux laissaient sur leur passage...

Les pauvres vieux usés par le travail difficile de la campagne profitaient de leur venue au village pour se donner un peu de bon temps, acheter leur tabac qu'ils prisaient ou chiquaient... Il aurait été difficile d'appliquer la loi Evain car  de fumées... il n'y en avait point !

" Patronne ! tu nous remettras bien un autre verre... "

" Elle est où l'évolution dit Firmin ? Chez nous y'a plus personne. Plus d'école, plus de poste, plus de boulanger, plus de boucher... Et le bruit de l'enclume, des pas lourds des chevaux  sur les pavés... C'était quand même agréable, ça bougeait, ça vivait.

" Oui, dit Georges. Quand j'étais petit on voyait passer les premiers avions... On était fier de l'évolution qui allait sûrement nous apporter plus de bien-être... Puis il y a eu les premières voitures, les premiers tracteurs...

" On a produit beaucoup plus de céréales... mais pas panifiables comme l'on dit ! Si ça continue on va faire du pain sans farine ! Beaucoup plus de lait... Oui, mais comme il y en a trop ce n'est plus rentable et l'on est obligé de le mettre dans le fossé ! D'abord les gens ne boivent plus de lait, mais du thé ou du jus d'orange...

" Firmin, tu en bois du thé ? Dis-donc la patronne, remets donc un coup de gris.

" On nous parle toujours de progrès, j'ai bien l'impression que chez nous le progrès il a fait l'effet contraire !

" Peut-être que dans la ville, dit Georges, ils sont plus heureux ? Ils ont l'eau courante, la lumière, des cabinets dans la maison. Il y a même la télévision.

 

" Tu parles, pour ce qu'il y a de bien à la télévision dit Firmin.

" Dis-donc Georges, t'as vu l'heure ? Bientôt 13 heures, la Grosse va pas tarder à arriver... Si c'est pas son jour tu vas entendre ramona...

" La patronne, ça fait combien les trois verres ?

" Trois verres, tu deviens gâteux mon pôvre Firmin, disons plutôt trois tournées !

" Marque-le je repasserai demain ".

 

DOUTES ET REFLEXIONS

 

Si effectivement ce genre de conversation a alimenté notre jeunesse, doit-on en tirer une véritable conclusion, tout au moins se poser la question principalement dans ces villages de campagne où le progrès, disons-le carrément a été désastreux ! Où sont nos villages d'antan ? C'est vrai que le mode de culture, le progrès technique et la vision moderne des nouvelles générations appelle à une restructuration totale de la façon de vivre telle qu'elle existait.

Nombre de maires ont malgré tout fait énormément pour que le bien vivre et le bon vivre existent à la campagne. Ils ont dépensé sans compter pour que leur village ressemble à une petite ville, que les habitants y retrouvent les services ou les servitudes de la moyenne ville... 

Il faudrait pour cela que les protagonistes jouent le jeu... qu'ils fassent vivre leur commune : pour cela il n'y a pas cinquante solutions... Il faut laisser les enfants dans les écoles du village, faire ses courses chez l'épicier du coin, ne pas négliger le petit garagiste où encore faire appel à de la main-d'œuvre locale pour les constructions, les services, etc...

Il ne faut pas rêver, le travail ne reviendra pas à la campagne, alors si l'on veut y vivre il faudra changer les comportements... même si l'on doit faire quelques kilomètres pour rejoindre une maternité où un collège ou lycée, ou école supérieure qui n'auront jamais droit de cité dans les petites communes.

Changer les noms des villages en les associant à trois ou quatre communes...  ne changera rien, bien au contraire. Chacun y perd son latin, ses racines, ses  cimetières...

Qui a bien pu préconiser de telles absurdités : on regroupe des noms mais les lieux restent toujours les lieux...

Où se rencontreront nos grands-pères à l'avenir pour discuter des bonheurs d'antan ?

Peut-être suis-je un peu (beaucoup) rétrograde et devenu vieux grincheux pour voir le bonheur autrement que celui que l'on a connu ?

PETRONILLE.