Nous n’avons appris la suite des évènements de la soirée que deux jours plus tard lorsque Claude est sorti de l’hôpital.

A l’instant où Roxanne lui avait lancé son sac à main dans les bras il avait compris qu’elle l’avait endormi avec ses attitudes de chattemite et qu’il était trop tard.

Elle n’avait pas marqué une seconde d’hésitation et sauté à l’eau d’un seul élan le plantant sur la berge, sans un mot. Avait-elle imaginé qu’il n’oserait pas sauter ou pensé que le temps qu’il réagisse elle serait trop loin pour qu’il puisse intervenir ?

En fait il n’avait pas hésité une seconde, juste pris le temps de quitter duffle-coat et chaussures, ce qui avait bien failli lui coûter la vie. Le contact avec l’eau avait été brutal, elle était froide et sombre il avait cru s’enfoncer dans de l’encre.

Difficile de la suivre, Roxanne n’était plus visible et ne criait pas, elle n’avait aucune envie qu’il lui vienne en aide, mais lui en cet instant pensait à son fils. Après l’avoir récupéré il ne pouvait imaginer ne pas lui rendre sa mère.

Il avait dû nager un moment pour la rejoindre, encore heureux qu’elle n’ait rien tenté pour s’éloigner juste de se laisser porter par le courant. Ces quelques mètres de crawl l’avaient épuisé, ses vêtements alourdis par l’eau freinant ses déplacements.

Elle était étalée sur l’eau comme un bouquet d’algues, ce qui démontrait qu’il n’est pas si facile de couler, elle devait attendre que la nature produise ses effets et que les crampes la saisissent. 

Elle n’avait réalisé sa présence qu’au moment où il avait empoigné ses cheveux pour la tirer vers lui.

À ce contact, elle avait retrouvé toute sa combativité, elle s’était retournée l’assourdissant de cris et d’injures, le bourrant de coups de poing et tentant de lui porter des coups de pied. Elle avait réussi à se saisir de sa main où elle s’était empressée de planter ses dents, ce qui avait eu pour effet de lui faire lâcher prise.

Il était parvenu à se glisser derrière elle, à passer un bras autour de son buste et il avait commencé à se diriger vers la rive, ce en dépit des efforts qu’elle déployait pour se libérer. 

Il lui parlait sans arrêt cherchant à l’apaiser, encore que cet exercice lui coûtait beaucoup car il avait besoin de toutes son énergie.

Il lui parlait de la vie, de ceux qu’elle avait aimés, des combats qu’elle avait soutenus pour la dignité et pour sa dignité. Il lui expliquait qu’après ce qu’elle avait supporté pour le retrouver et alors qu’il ne lui restait que ce fils ne se devait-elle pas de vivre pour l’aider à entrer dans la vie, son fils son enfant.

Un moment donné, elle avait semblé abandonner la lutte devenant très lourde, très molle, il avait compris que c’était encore l’une de ses ruses, elle voulait se laisser couler et l’entraîner vers le fond.

Il y allait désormais de sa survie, il avait augmenté son effort se rapprochant imperceptiblement du bord, mais à l’endroit où il se trouvait ils étaient face à un mur, pas d’escalier de survie.

Lui aussi, comme plus tard Salomé, commença à avoir des crampes, ils restèrent un moment enlacés, déjà un peu dans la mort. Dans un ultime réflexe il pensa qu’il ne lui appartenait pas de lui imposer quoi que ce soit. Si elle avait décidé de mourir, devait-il lui dicter choix de vie.

Et puis, était-il si exemplaire pour se permettre de lui imposer sa morale ?

Le froid avait à ce moment tellement engourdi ses membres que ses bras se détendirent et qu’il sentit le corps de Roxanne reprendre son cours. Il ne put même pas émettre un gémissement.

Puis, il ne se souvient de rien si ce n’est de l’eau qui envahit sa bouche ensuite le noir absolu !

Nous restons silencieux, personne ne se serait permis de l’interrompre, mais lui de son côté a envie d’entendre le récit des autres, Sara et Salomé lui font un rapport détaillé à deux voix. Il écoute les yeux fermés, et attend qu’elles se taisent pour demander des détails. Il les serre contre lui et les enlace longuement en les embrassant.

Roxanne est toujours hospitalisée, elle demeure mutique sans que les médecins puissent déterminer la cause réelle de son mutisme ! La police ne s’est pas encore montrée et viendra-t-elle.

Dès qu’il ira mieux Claude reprendra contact avec elle, pas question de se montrer et de compromettre sa récupération ! Ce seront An Binh et Pauline qui lui rendront visite, peut-être acceptera elle plus facilement de dialoguer avec des femmes.

Les enfants sont dans le petit appartement au-dessus de la cuisine et il ne faudra pas trop tarder à organiser leur réapparition dans le monde. Ils sont devenus les mascottes du « Radeau » avec Reb et Cloé cela fait un beau charivari.