J’ai cru entendre dans un murmure

  • Je veux des oranges bleues et voir migrer les flamants verts

C’était alors que la voiture dégustait la route,

poursuivant la lumière de ses phares, 

Jouant aux ricochets avec les platanes.

Au volant dans la chaleur de l’habitacle, j’étais un peu absent, 

un œil sur la route l’autre sur la pleine lune.

J’ai songé par devers moi 

  • Et pourquoi pas éléphant rose ou crocodile jaune ?

Les mots de la nuit possèdent cette puissance des rêves

Qui une fois enracinés continuent leur course,

 enfonçant leurs racines dans votre être.

Perforant la boîte crânienne, ils traversent le cerveau

pour terminer leur course, plantés au fond du cœur.

Après vous avoir, il faut le reconnaître,

barbouillé l’âme et chamboulé l’esprit !!! 

Le lendemain, à l’heure du déjeuner j’en ai parlé à mes collègues

  • C’est très bien mon grand tu vas être papa !

Papa, quelle drôle d’idée, je ne percevais pas bien le rapport.

  • Il n’y a qu’une femme enceinte pour avoir des idées pareilles.

La déflagration fut puissante et si j’avais imaginé obtenir une telle réponse

je me serais abstenu de lancer le débat, on était là dans le domaine de l’intime.

Et moi, qui n’ayant même pas compris le subliminal message de ma femme,

colportais la nouvelle à tous vents.

J’eus beau être attentif les semaines qui suivirent, il n’émergea ni information, 

ni fait venant corroborer cette idée.

J’accumulais les erreurs rapportant l’anecdote à ma mère j’eus la surprise 

d’entendre mon père déclamer.

  • Quoi, tu conduis en état d’ivresse en ayant consommé des substances illicites, alors que ton épouse attend un enfant ?

À quoi bon chercher à m’expliquer il ne voudrait rien entendre

toute la famille serait bientôt informée de la dérive de ce fils pourtant si bien élevé.

J’ai décidé de me taire et de me constituer ma propre idée sur le sujet

Qu’est-ce qui avait bien pu provoquer pareil jaillissement ?

Il est vrai que nous avions bien bu, mais de là à !

L’alcool, la chaleur, l’assoupissement, oui pourquoi pas, mais…

Cette idée me ruinait les neurones, me débranchait les synapses,

m’obscurcissait l’esprit m’empêchant de penser.

Tintin, mais oui, Tintin et les oranges bleues c’est cela.

Enfin cela ! peut-être mais pas très poétique et un peu puéril.

Était-ce la forme qui primait, ou la couleur, ou le côté déjanté ?

Pour la forme :

Thomas Pesquet venait d’envahir nos écrans. 

Nous laissant bouche bée devant des photographies sublimes de la terre.

Nous emplissant d’admiration pour sa performance

et d’angoisse pour cette petite orange bleue perdue dans l’univers.

Terre mère sur laquelle nous ne pensions qu’à nous écharper.

La peau de cette orange bleue paraissait bien ténue et très fragile.

Pour la couleur

J’ai fait défiler dans ma tête tous les bleus qui me venaient à l’esprit

le Lapis Lazuli que l’on rencontre dans les parures égyptiennes et qui une fois broyé

donna un bleu sublime aux peintres. Parlons, du cobalt et du smalt des verriers du Moyen Âge,

qui permirent que nous admirions les vitraux de Chartres. 

Ils nous offrent cette ambiance intime qui vous saisit en entrant dans la nef.

Que dire du bleu transparent et cristallin de l’eau de la Méditerranée

ou de celui des lagons de Polynésie. 

Ces flots qui virent au vert sur les côtes de Bretagne les jours de tempêtes

Penché sur le puits de sa pupille je l’imagine sans fond,

pouvant permettre de déboucher instantanément de l’autre côté de la planète

ou dans d’autres espaces temps.

Je m’imaginais m’y laissant glisser 

évitant les aspérités coralliennes 

qui en paillettes d’or constellaient ses iris. 

Dans cette descente imaginaire j’ai été servi

Tout d’abord j’ai rencontré Picasso dans sa période bleue

Une petite fille y prenait son petit-déjeuner 

Alors qu’une famille prenait la pose

Tout cela dans une gamme de bleus sublimes 

tout près une femme chamarrée pleurait, torturée à faire peur.

Il alternait à l’envie les tableaux posés et ceux dans lesquels l’esprit s’échappe 

révélant la face cachée des êtres et des situations.

Ses couleurs rappelaient les prises de vues cinématographiques en nuit américaine.

Puis j’ai rencontré Chagall et là l’univers a explosé dans une étonnante constellation.

Pourtant je n’avais absorbé aucune substance illicite

Ses ciels peuplés de créatures qui auraient dû être au sol et d’animaux s’adonnant au jonglage.

Le plus étonnant étant que le fait d’utiliser un violon vous projetait au ciel, ou s’envoler les couples sur des toits pentus.

Monde affichant toutes les singularités de son imaginaire et la richesse des couleurs de sa palette

Il fallait oser il l’a fait et comment, alors les oranges bleues les flamants verts whaou !

On n’en était plus à un détail près.

Elle a ouvert un œil, m’a souri !

Cherche pas, le flamant vert, c’est juste pour moi !