-       Une fenêtre s’ouvre, tout va bien, nous pouvons nous évader !

-       Oh là ! garçons, vous n’allez pas vous en tirer comme ça.

Leur élan est coupé net par la dame du château.

-       Par où êtes-vous passés ? Suivez-moi.

 

Gilles explique, il a invité Dominique pour une expédition aventure. Après l’orage de la semaine dernière, le noyer qui se trouvait au milieu du champ, en contrebas du château est tombé et Gilles a remarqué un trou comme l’entrée d’un souterrain. Il s’imagine être Marcel RAVIDAT. Il confie ce secret à Dominique et tous les deux, décident de ne rien dire à personne et d’aller l’explorer. Ils partent à l’aventure, rêvant de peintures paléolithiques, de taureaux, de cerfs. Ils ont pensé à emporter une pile électrique et une pauvre corde, partir à l’aventure ce n’est pas tout prévoir. Ils se laissent descendre dans le trou puis se faufilent au travers des pierres plus ou moins grosses qui jonchent le sol. Ils découvrent alors une sorte de souterrain assez étroit. Avec leurs sandales, ils pataugent dans une boue collante, la pluie de l’orage s’est infiltrée et a complètement détrempé le sol. Au bout d’une centaine de mètres, le souterrain est plus ou moins obstrué il leur faut ramper puis se pencher. Ils ne craignent rien. Gilles pense qu’ils progressent en direction du château.


-       C’est peut-être un souterrain du château qui a pu servir pendant la guerre.


Subitement ils se retrouvent au pied d’une sorte d’escalier en terre qu’ils grimpent. Ils se retrouvent la tête dans des toiles d’araignées sous une espèce de trappe. Ensemble, ils tentent de pousser et parviennent à la soulever. Ils débouchent dans une sorte de cave vide.


-       Oui, on arrive dans le château.


Ils hésitent, puis ils décident de poursuivre leur expédition en se faufilant dans les couloirs ou d’une pièce à l’autre, en espérant ne pas être découverts. Au moment où ils se croyaient sauvés, ils sont stoppés nets. 

Un peu inquiets, tout crottés, ils ne peuvent qu’obtempérer et suivent la dame du château qui les conduit dans un grand salon. Là, cinq ou six fillettes, studieuses, silencieuses, le dos penché sur leur écritoire détournent à peine la tête.


-       Vous voilà du papier et des crayons et vous allez écrire une fiction.

-       On va avoir une friction !

Gilles inquiet, ne pense que sanction.

-       Non. Écrire une fiction du latin « fingere » : inventer, se figurer, imaginer.

-       Ah ! Comme un roman de science-fiction !


Les deux garçons s’exécutent. Dans les mains de Dominique qui cultive ses légumes pour en faire des plats délicats et raffinés, le crayon vogue allègrement et remplit joyeusement des pages et des pages d’une écriture large et généreuse.


Gilles a bien des idées, mais habituellement il les met en action, il ne les couche pas sur du papier. Il écrit des choses sérieuses, il fait des rapports, rédige des comptes rendus ou des procès verbaux. Là, il est plus embarrassé. Une fiction est-ce qu’il faut tout inventer ? Ce n’est pas décrire la réalité, mais il ne pense qu’à des choses vraies, à des histoires vraies. Il ne lui vient que des souvenirs précis. Mais petit à petit, il trouve des mots qui campent un décor vivant, des mots qui évoquent des personnages bien typés, qui nous émeuvent ou nous font sourire. Il trouve des mots qui transforment, allègent des histoires dramatiques, le quotidien n’est plus banal, la réalité nous fait rêver.


Oui ! Tout va bien, l’écriture est une fenêtre qui nous fait rêver.