Confortablement installé dans mon Stressless je me laisse aller. Par la fenêtre ouverte, un vent léger vient me caresser et impulse un mouvement lent et harmonieux au mobile suspendu à la poutre. La tête vide, je le regarde en rêvassant. Je vois dans ce mobile l’image d’un arbre généalogique, le segment supérieur représenterait les ancêtres, les deux segments en dessous les couples que leurs enfants ont réalisés puis leurs enfants. Aucun des éléments ne peut se mouvoir seul, ils sont tous solidaires mais ils se meuvent dans leur espace propre, sans se heurter. Équilibre fragile qu’une bourrasque pourrait rompre brutalement ! J’imagine alors tous les segments collés les uns aux autres de manière indifférenciée, emmêlés. Et je repense à ces familles qui se définissent comme unies, qui se tiennent collées les uns aux autres, ligotées, inséparables comme les doigts d’une main, enveloppées par une chape d’angoisse ou de malheur. Tout idée de départ, de séparation est impossible, mortelle. Ce serait un démembrement, un arrachement sanglant, une cause d’hémorragie. Famille sans vie, famille en sur vie. Déverrouiller, démêler, introduire tout doucement un courant d’air, alléger, transformer par des mots cette enveloppe d’angoisse, j’ai aimé faire ce travail qui exige patience, délicatesse comme un chirurgien qui doit extirper une balle enkystée qui rend tout mouvement douloureux.