Trois lueurs dans la pénombre du bout du couloir, annoncent les couscoussiers de Mo qui attendent paisiblement l’heure du réveil.

Ils trônent, tels les Moaïs de l’ile de Pâques sur leur Ahu faisant face à la porte, montrant par ce signe qu’ils sont ici chez eux. Ce sont de belles marmites rondes et luisantes, aux hanches épanouies telle des hanas Algériennes, qui brillent dans la pénombre reflétant la lumière chiche d’un néon vacillant. Elles se tiennent droites et dignes, les anses sur leurs flancs comme des mains posées, semblant dire : « alors on le commence ce travail ? ».

Chacune porte sur son couvercle une étamine donnant l’illusion d’un voile, qui le moment venu servira à retenir la semoule l’empêchant de glisser dans la partie basse où tout à l’heure la viande et les légumes blobloteront dans le bouillon.

Les écouter a tout d’une aventure, on croit surprendre les clapotis de la Méditerranée caressant le sable, ou s’imaginer marchant dans une oasis quand le vent de l’Atlas bruisse les palmes.

Odeurs et parfums sont bien là, en plissant les narines, on perçoit, réalité ou imaginaire que l’air en est imprégné.

Il faut avoir regardé Mo jongler avec ses épices à la recherche de l’équilibre parfait de son Ras el hanout, pour comprendre que l’on pourrait être sur les souks de Sétif ou d’Alger.

Ce ne sera que plus tard, quand après avoir rempli le ventre rebondi de sa cohorte de légumes et de pièces de mouton que la mélodie odorante commencera. L’eau portée à ébullition chantera sa mélodie et le couvercle dansera.

Après avoir embaumé la semoule, la vapeur profitera des ouvertures pour s’échapper en fines volutes. Elle emportera vers nos sens ébahis, tantôt larmes de cannelle ou de bouton de rose, tantôt fragrance de lavande ou de clou de girofle, quand ce ne sont pas des caresses de muscade au milieu desquelles se glissent une pointe gingembre ou de paprika…

C’est l’instant béni où l’eau vient à la bouche !