Allez savoir pourquoi cette pierre ressortait au ras du sol sur cette construction datant d'un autre siècle ? 

Cette immense grange qui devait servir de remise à gerbes était impressionnante : au moins une vingtaine de mètres sur 10 et facilement 8 mètres de haut avec une seule ouverture dans la grande façade où il devait certainement y avoir une grande porte double en bois cloutée que l'on voit sur les livres d'Histoire...

Cette pierre devait certainement être un support d'une de ces portes ?

C'est là que devaient entrer les charrettes avec les chevaux et l'on imagine les étincelles que devaient faire les sabots sur son sol intérieur caillouteux et irrégulier.

Cette grange faisait partie d’un corps de bâtiment traditionnel du Poitou ; en face les écuries et les dépendances et en façade intérieure la maison d'habitation, le tout encerclant une grande cour fermée par un portail.

Le patriarche se faisant âgé, les partages se firent sans tambour ni trompette : Chacun des six enfants eut son lopin de terre et la ferme serait divisée en deux l'un aurait la partie habitation et l'autre la grange et les écuries... 

Pas commode pour l'héritier des écuries car c'était celui qui avait déjà cinq enfants... et comme le second n'avait guère l'intention de proposer l'habitation... Il exigea même un mur de clôture au milieu de la cour !

La construction dans la grange s'imposait ; il y avait déjà des murs épais. Il suffisait de rajouter quelques cloisons et des ouvertures et un cossu F5 avec tout le confort, salle d'eau, w.-c., eau courante, chauffage central, etc. vit le jour. On était en 1959... Pas mal pour une bâtisse de campagne.

 

Curieusement malgré la construction et les aménagements divers cette grosse pierre trônait toujours en façade.

Elle fut le théâtre d'une nouvelle naissance. Les enfants étaient souvent juchés sur elle pour divers jeux...

Les jours de fête, de baptême, de communions, c'était un siège privilégié pour raconter des histoires, cette pierre faisait partie de l'environnement sans que personne ne se soit posé vraiment la question de sa présence insolite ; on s'en servait même pour poser son pied et lacer sa chaussure... 

Les années passaient et puis, en 1985, le drame ! le dernier-né de la famille mourrait dans un terrible accident de voiture. Il allait avoir 18 ans.

La pierre qui avait connu et entendu les cris de joie des enfants, était devenue muette et ne servait plus qu’à une seule personne.

Il était là, triste, mal rasé, essuyant une larme. 

Trois années plus tard, son cœur lâchait de tristesse.

Au revoir papa.

Maman maintenant en maison de retraite ne s'en remit jamais, elle parle souvent de son petit dernier. Mais pourquoi lui, dit-elle ?

La maison a été récemment vendue.

Les jeunes acquéreurs envisagent de nombreuses transformations, c'est bien normal.

Et la Pierre…

 

Gilles Cibert