Dans sa petite voiture gris chocolat, elle se laissait conduire. La voiture connaissait la route et elle était contente de quitter la ville à l’heure où la circulation était particulièrement dense. Après avoir cheminé dans la campagne, elle ralentit, longe l’église et rentre doucement dans une cours où, tout en face, se dresse un majestueux château. Là, une grande dame brune, distinguée, au sourire accueillant, l’invite à gravir un escalier en pierre aux marches inégales. Elle l’incite ainsi à progresser lui offrant des appuis précieux, des points de repères, proposant des exercices divers tout en se montrant confiante et encourageante.  

Dans ce château Dame Denise se languit en attendant Marlborough parti en guerre.

Renée-Claude toute menue et pleine de douceur, tout en délicatesse, de sa fenêtre cherche à réveiller Dame Denise. Régulièrement, elle lui fait coucou de sa petite main, mais Dame Denise ne réagit pas.  

Dominique est aussi un habitué du château, une fois par mois, il vient se ressourcer et oublier ses tracasseries parisiennes de voyou repenti. Laissant tomber sa plume, il tente de consoler Dame Denise :

-       Reviens vers nous, ne reste pas là à attendre, viens, je vais t’apprendre à faire des truites en gelée, tu vas voir, avec une bonne salade... 

Dame Denise s’étonne, se réveille lentement et, subitement enthousiaste, dit :

-       Mais c’est Byzance !

Personne n’ose penser aux oubliettes, mais des légendes se transmettent sous le manteau, il paraît que certains soirs… Chut ! N’en parlons pas.

Aline connaît toutes ces histoires d’oubliettes mais, ce qu’elle cherche c’est se faire oublier en dehors des oubliettes. C’est sous l’escalier qu’elle a trouvé refuge. Là, discrète, confortablement installée, elle rêve d’une vie de château.

Mais les bonnes choses ont une fin, avant de s’envoler vers des pays lointains, plonger dans l’océan, gravir des chemins herbeux, c’est obligatoire, il faut une fin amusante, c’est la chute, dit notre grande Dame.