... Ainsi en son absence, avait-elle eu tout son temps pour retrouver ses esprits !

***

A l’Hôpital psychiatrique, en boule sur un bat-flanc de la cellule d’isolement, un homme fait semblant de dormir, c’est que le coup est dur à encaisser. Il attend que le temps passe et apaise la rumeur publique, puis ici on finira bien par s’occuper de lui.

En effet, une infirmière arrive :

-       Hé ! le petit monsieur, il faut vous réveiller, nous n’avons pas que vous à nous occuper ; ne me faites pas perdre mon temps, le médecin vous attend dans son bureau, veuillez me suivre bien gentiment sans faire d’embrouilles, hein ! s’il vous plait ?

-       La suivre, bien sûr que je vais la suivre, mais elle m’agace avec sa façon de me parler comme à un malade, ils sont tous dingues dans cette boite.

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Je suis certain qu’elle me cache quelque chose, me faire ça à moi, juste le jour où j’avais mon repas des cadres de l’entreprise auquel comme par hasard, elle n’avait pas voulu participer, elle aurait préparé son coup et voulu me nuire qu’elle ne s’y serait pas prise autrement.

Il n’y a qu’un seul problème c’est qu’au moment où je suis arrivé, elle n’était pas sur les lieux.

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C’est idiot, je me sens toute bête, pourtant je commençais juste à trouver cela charmant et à m’amuser, et patatras, nous ne faisions de mal à personne. Je suis d’accord, que c’est un peu ridicule d’en être arrivé à des extrémités pareilles à nos âges, mais la vie dans une ville de province n’est pas tous les jours distrayante.

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Dans cette affaire, j’ai été l’imbécile de service, je m’y suis pris comme un manche. Je me demande si désormais je ne vais pas me trouver dans l’obligation de déménager.

Pour eux tous, je ne suis et je resterai, le faune, enfin le cinglé de service.

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-       Monsieur, je vous ai posé une question, et j’aimerais bien que vous y répondiez clairement. Si vous ne me donnez pas une explication cohérente de toute cette histoire, Monsieur le Préfet demandera votre internement d’office, est-ce bien compris, est-ce vraiment ce que vous voulez ?

 

Pauvre couillon, c’est si je parle que vous allez me mettre en placement d’office.

Il était d’une rage folle mais glacée, le problème, c’est que pour l’instant, il ne savait pas trop comment se sortir de ce bourbier.

 

***

C’est insupportable de ne pas savoir, il faut que je demande une facture détaillée à son opérateur téléphonique. Elle veut me faire croire qu’elle ne le connaissait pas, mais moi quand j’aurai les preuves en main, il faudra bien qu’elle m’explique et me dise la vérité vraie !

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Les hommes sont des créatures immatures, ils sont persuadés que nous sommes leur propriété, je ne sais pas qui a pu leur mettre une idée pareille dans la tête, encore que je craigne que ce ne soit leur mère, pauvre de nous. Pour une fois que je ne suis pour rien dans une affaire, me voilà dans une sale position.

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Monsieur, je suis désolé, mais n’ayant pas été en mesure d’évaluer votre niveau de dangerosité pour vous-même et pour les autres, ceci en raison de votre refus de participer à cette séance, je vais me vois dans l’obligation de recommander à Monsieur le préfet votre internement d’office !

***

Tout ce bazar pour en arriver là, il suffisait qu’il me le demande, je lui aurais dis que j’étais d’accord pour rester ici quelque temps.

Retourner là-bas pour l’instant ça n’est pas imaginable, j’aurais trop la honte.

C’est bien gentil, me voilà bloqué ici pour quinze jours, la question ne sera plus à ce moment là d’y entrer, mais d’en sortir. Hormis cette fin de partie pas trop flamboyante, j’ai tout de même passé quelques semaines agréables qui valent bien toutes les thérapies, désormais il va falloir passer à autre chose.

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Deux jours après.

 

-       Ce matin pendant que tu étais aux courses, il y a un gugusse qui s’est présenté ici, il voulait me poser des questions sur notre histoire pour son hebdomadaire.

Il ne faisait pas dans la dentelle : « Il laissait entendre qu’entre toi et cet individu… » Et que c’est en cherchant à prendre la clé dans la boite qu’il se serait bloqué la main…

Mais qu’est-ce que tu fais avec ce sac ? Qu’est ce que j’ai encore dit pour que tu te mettes dans des états pareils ?

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D’un côté un crétin qui gâche tout par sa balourdise, de l’autre un goujat de la plus belle espèce, ça suffit comme ça, il faut que j’aille prendre l’air.

Un sac de voyage suffira, juste le strict minimum. Il ne va tout de même pas rester là dernière moi à vérifier tout ce que j’emporte ? Il veut du spectacle il va en avoir.

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-       Tu achètes des sous-vêtements rouges toi maintenant, je ne te les ai jamais vus sur le dos, je ne sais pas, mais je crains que ça te donne un genre…enfin bizarre, ou je ne … !

 

***

-       Dis tout de suite un genre grue, ou pute, puisque c’est ce que tu penses !

-       Tout de suite excessive, mais reconnais que ce n’est pas ton genre, et tu sais bien que moi Chouchou, je flashe sur le noir et les porte-jarretelles

 

En effet qui aurait pu penser que je ferais un jour des choses pareilles, il faut bien comprendre son étonnement, encore ce surnom que je déteste.

 

***

Il n’y avait rien dans la boîte, je l’ai bien vu quand la porte s’est ouverte, c’est à devenir dingue. Prendre tous ces risques pour rien. C’est peut-être comme ça qu’on devient fou ?

***

Monsieur, c’est l’heure de vos cachets, vous devez les prendre devant moi, c’est très important, bien vous souriez, c’est encore mieux, vous êtes gentil, merci

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Je ne sais pas si je vais tenir jusqu’au bout, et nain, nain, nain, c’est foutu ils me prennent pour un fêlé.

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Excuse moi, je ne tenais pas à te vexer, ta mère ne m’apprécie déjà que modérément, alors si elle te voit débarquer avec tes valises, elle va tout imaginer.

***

Qui te parle de ma mère ? Je sais bien où aller si je veux, mais comme tu t’es excusé, restons-en là. A l’avenir tu seras gentil de m’oublier à propos de cette affaire, et plus de Chouchou, c’est d’un commun !

***

Ce ne peut pas être le mari qui l’a trouvé, il n’est arrivé qu’après, pour elle, je n’en sais rien, mais en arrivant elle m’a dit : « Vous avez tout gâché » allez y comprendre quelque chose.

 

-       Madame on pourrait me soigner, car j’ai des plaies ?

   -  Comment ça vous avez des plaies, et où ça ?

-  C’est qu’elles ne sont pas très bien placées…

-  Passez en salle de soin l’interne va s’occuper de vous.

 

- J’ai eu très peur, j’ai bien cru que cette bestiole allait me blesser de façon irrémédiable, c’est qu’elle semblait affamée. Le mari en me trouvant là, m’a d’une certaine façon sauvé la vie, enfin si on peut appeler ça ainsi.

 

-       Vous auriez pu le dire plus tôt, il ne vous a pas raté, enfin si je puis me permettre, et si vous voyez ce que je veux dire.

-       Cela l’a fait rire cette andouille, je sais bien que cet animal a bien failli faire de moi un castra, ça aurait l’occasion de me reconvertir, mais passons.

***

Quand j’ai entendu les aboiements, j’ai compris qu’il se passait quelque chose de grave. J’avais si peur que j’ai failli arracher le rideau derrière lequel je me cachais. J’étais certaine que c’était lui, mais pourquoi revenait-il ? Il a eu peur de son geste charmant, et il aura pensé que mon mari risquait de trouver son mot. J’avoue que c’est très élégant de sa part.

***

-       Qui vous a fait ça, on vous a bien arrangé ?

-       Un Rockweiller, comme vous le dites vous même c’aurait pu être pire ! Mais n’imaginez rien madame s’il vous plait, vous me faites rougir.

-       Le mari a lâché le chien ?

-       Je lui demande de ne pas imaginer et la voilà qui remue le couteau dans la plaie ; Tout se passait bien et il a fallu que je complique la situation. Si je n’avais pas signé mon billet, lui n’aurait jamais pu comprendre d’où il venait, mais ça n’était pas correct pour elle, il l’aurait cuisinée et elle aurait fini par parler.

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-       Je ne sais pas ce qui m’a alerté, mais quand je l’ai vu arriver en tapinois, j’ai tout de suite compris ce qu’il était en train de faire. J’ai attendu cinq minutes puis je suis sortie récupérer son mot dans la boite. Ah le charmant homme ! Jamais je n’aurais imaginé qu’il allait revenir, c’était prendre un risque fou et là je ne sais pas comment il s’est débrouillé pour se coincer la main dans l’ouverture de la boîte, qu’elle idée aussi de passer une main avec une montre bracelet, il était pris comme dans une ratière.

 

***

 

Un véritable enfantillage, mettre un mot dans la boite aux lettres d’une dame, si elle est célibataire c’est charmant, si elle est mariée, c’est risqué. Il y a des hommes qui manquent d’humour, enfin faut les comprendre. J’aurais pu choisir une autre méthode, la suivre dans la rue et lui dire : « Tiens vous avez perdu quelque chose ! » c’est risqué car elle aurait pu me rembarrer…

Ce que j’ai fait n’était ni bien malin ni très réfléchi : y aller une première fois déposer un mot avec mon nom, voilà un geste digne d’un crétin. Y retourner vingt minutes plus tard pour essayer de corriger la première version, voilà une idée encore bien pire que la première.

 

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Je ne l’ai pas entendu revenir, je lui aurais fait signe pour le prévenir, enfin peut-être, tout de même, je ne suis pas de ces femmes…Il y a un mois je ne l’aurai pas crue, mais il faut bien reconnaître que je me suis laissée flatter par ses manigances. Là avec sa demande de mettre des sous vêtements rouges, il ne manquait pas d’audace, en définitive il a eu raison, puisque je l’ai fait et ça me change !

 

***

Mon mot n’était plus dans la boite, donc elle l’a lu, c’est toujours ça de réussi.

J’avais vu tout de suite que ma main ne rentrerait pas, et je n’aurais pas du insister, le pire c’est d’avoir forcé avec ma main gauche et avec ma montre, ce qui est drôle, c’est que j’ai aidé la montre à passer avec ma main droite sans me demander comment elle ressortirait. Je n’atteignais même pas le fond de la boite pauvre cloche que je suis, instantanément j’ai compris que j’étais fait comme un rat et que ma main ne ressortirait pas. Regardant vers le pavillon, j’ai bien vu les rideaux qui bougeaient et je me suis dit naïvement qu’elle allait venir et c’est là que tout à basculé !

 

***

 

J’ai été lâche, je n’ai pas osé aller lui prêter main forte, je ne savais pas ce qui s’était passé, mais je voyais bien qu’il devait être en difficulté puisqu’il restait là à s’agiter ! Maintenant je m’en veux, mais il est trop tard. C’est quand j’ai entendu les aboiements que j’ai compris que ça pouvait tourner au drame.

 

***

J’ai du me résoudre au fait qu’elle ne viendrait pas, je pouvais le comprendre, mais ça m’a agacé, elle devait bien se rendre compte que je ne pouvais pas repartir ; Je n’étais pas au bout de mes peines, je n’avais pas encore été repéré par le chien, une sale bête qui terrorisait tout le quartier, il n’aurait pas du être en liberté puisqu’on ne peut le sortir qu’avec une muselière. Au départ, ni peur ni angoisse, mais cette sale bête a commencé à devenir agressive et a décidé de chercher à me mordre. Puis elle y est parfaitement parvenue me mordant cruellement les mollets, puis carrément le gras des fesses. Essayez de vous défendre en ayant une main immobilisée, vous verrez que c’est coton !

 

***

 

Le chien aboyait, lui criait, et faisait des bonds je commençais à me dire que je pouvais être poursuivie pour non assistance à personnes en danger, je ne savais encore rien du bas de pyjama ! Je me suis dit : « Allons un peu de courage ! », la lumière des phares m’en a empêchée

 

***

Les morsures n’étaient pas trop cruelles, mon pyjama flottant l’empêchant de bien saisir les chairs. Il a fini par comprendre que ça le gênait, et pour se simplifier le travail m’en a débarrassé, jusque là on était dans le comique de boulevard, on passait tout à coup à la tragi comédie et on ne tarderait pas à passer à la tragédie tout court, enfin vous me comprenez, c’est à ce moment qu’une voiture s’est annoncée, j’ai été pris dans le faisceau de ses phares, j’imaginais le tableau que j’offrais au nouvel arrivant

 

***

Oh, nom de Dieu qu’est ce que c’est que ce connard, mais c’est qu’il est devant chez moi, je crois que je vais laisser ce bâtard de clebs lui bouffer ce qui lui reste, ainsi il ne viendra plus rôder autour de ma femme. Zut, la voilà qui sort, elle va me gâcher mon plaisir, on réglera tout ça après. Vite police secours, ce ne serait pas très malin de se retrouver avec une sale histoire sur le dos. Juste un bon coup de Klaxon pour ameuter le voisinage, de cette façon je le sauve des crocs du cabot, mais désormais le cabot ce sera lui.

 

***

Ouf le chien est parti, il était temps, et elle est enfin venue, elle amène de quoi me couvrir c’est sympa. Elle est plus jolie dans la réalité que dans l’oculaire de mes jumelles, je l’embrasserai bien pour la remercier de sa gentillesse.

 

***

Oh, mais c’est que vous êtes plus qu’à moitié nu, vous ne seriez pas un peu cinglé par hasard, j’avoue que j’ai tout de même bien aimé votre prestation, je crois quand même que vous avez un peu tout gâché !

 

***

 

-       C’est vous qui ?

-       C’est moi qui …

***

Deux mois que j’avais acheté une paire de jumelle dans une brocante, il fallait bien les utiliser, elle faisait la sieste tous les après-midis fenêtre ouverte et un jour elle m’a vu. Notre jeu était bien anodin, même si un peu coquin…En y réfléchissant je viens de comprendre sa phrase :

 

-       « Vous avez tout gâché »

 

Un fantasme ne joue son rôle que s’il demeure fantasme et qu’on ne cherche pas à en faire une réalité de la vie quotidienne…

 

Le phare des baleines

Mensuel d’information des iles de la façade Atlantique

 

Numéro 1456 du 15 juin 1967

 

La nuit tous les chats ne sont pas gris :

 

Ce jeudi matin vers une heure, la police a été amenée à intervenir Rue M….

Pour prendre en charge un déséquilibré qui se trouvait divaguer à demi nu sur la voie publique, divaguer n’est peut-être pas le mot adéquat pour expliciter son comportement, car il avait la main coincée dans l’ouverture d’une boîte aux lettres vide à cette heure ce que notre journaliste a pu constater. Un chien errant avait commencé à s’attaquer cruellement à sa personne. Il n’a pas voulu ou pas été en mesure de donner une explication à son geste qui aurait permis de le comprendre.

Le propriétaire de la maison qui avait découvert les faits en rentrant dans la nuit et qui avait traité les policiers d’incapables a été emmené en cellule de dégrisement après constat qu’il avait 2,50 grammes d’alcool dans le sang. Qui dira encore qu’il ne se passe rien dans notre charmante région.

 

 

                                                                                                                                     DG Mazeuil Avanton Janvier 2012

 Atelier d'écriture du 18 janvier :

Exercice d’écriture : A partir d'un fait divers, créer un récit polyphonique qui permette de faire cohabiter plusieurs points de vue et lectures sociologiques et humaines.