En dépit d’un narcissisme avéré, mon penchant naturel à la paresse m’en a jusqu’ici préservé.

C’est par la magie d’un jeu littéraire étrange, impulsé par une amie, que j’envisage d’en effleurer brièvement le sujet.

Pour dévoiler mon âme, comme il se doit et selon l’usage, je devrais évoquer le lieu, les conditions de ma naissance, décrire mes parents…confier jusqu’à mes plus banales émotions « je sentis avant que de penser, c’est le commun de l’humanité » écrivait Rousseau. Cette année Rousseau est incontournable. J’irai donc à ce moment le plus excitant de mes études et vraisemblablement le moins négatif.

Ma mère m’apprit à lire bien avant que j’eusse l’âge du cours préparatoire où elle-même enseignait la lecture…dans l’esprit de résistance, je ne le sus que plus tard, à la méthode globale.

Je revois les petites fiches tracées de sa main aux crayons de couleur sur le mauvais carton disponible aux temps de l’occupation…La musique des sons formés par le ballet de ces petits signes était extraordinaire. Je ne saurais dire toujours avec Rousseau que « Je ne me souviens que de mes premières lectures et de leur effet sur moi », mais le déchiffrement des noms des rues, des enseignes aux frontons des boutiques de tous ordres (les boulangeries étaient mes préférées) fut un jeu dont je ressens encore l’excitation et les transports.

Plus tard durant mes années passées en pays arabe, l’apprentissage de l’alphabet et la possibilité de lire les noms des villes sur les panneaux routiers me replongea dans la même extase… C’était la même histoire que je revivais autrement comme un songe.

La suite se révéla moins brillante. Ma connaissance de la langue arabe resta succincte.

Pour revenir à la lecture je ne saurais prétendre avoir accédé à quelque connaissance littéraire un peu sérieuse… Les romans ont pu me séduire, mais j’éprouvais avec le temps le besoin de concentrer un peu les choses…l’aspect spongieux des textes même journalistiques, me faisait souhaiter de les pressurer comme une éponge d’en extraire une éventuelle substantifique moelle…Le paroxysme de cette pression est atteint lors des émissions de l’après midi sur une chaîne culturelle où un écrivaillon obscur hésitant et infatué de lui-même, dilue à l’infini des bien connues banalités sur son intime…

Est il bien raisonnable de diffuser de telles fadaises ? Est- il judicieux que j’en produise moi-même ?


Jean Fournier