Nuit de pleine lune 9 éme épisode

 

 

 

 

Michelle et Nicolas étaient restés silencieux après cet ensemble de révélations, l’un réfléchissait à ce qu’il venait d’entendre, l’autre était encore toute étonnée de ce qu’elle avait osé confier.

 Après ces instants de grande tension, ils revenaient tous les deux tranquillement au calme, Nicolas se disant qu’il fallait qu’il attende que Michelle ait pleinement retrouvé sa sérénité avant de la laisser seule, aussi accepta-t-il quand elle lui proposa de lui resservir une tasse de café, le simple fait de ne plus être dans le regard de l’autre facilitant grandement ce retour à l’apaisement.

 

-         Vous connaissez le marchand de matériaux ?

-         Oui, pas très bien, je n’ai jamais eu affaire à lui, mais je peux vous faire un      dessin pour que vous trouviez le dépôt.

-         Mettez-moi aussi les indications pour que je trouve le bureau de poste ?

 

Assise au bout de la table, Michelle était allée chercher une fiche cartonnée sur laquelle elle entreprit de lui faire un schéma pour chacune de ces destinations.

 

Le casque enfoncé jusqu’au ras du nez Nicolas reprit sa route en direction du bourg, il lui fallait maintenant trouver le marchand de matériaux et le bureau de poste, avec les indication que Michelle lui avait notés il n’y avait plus qu’a se laisser guider, à l’ère du GPS, il y avait de quoi sourire, mais enfin.

 

Première étape, le bureau de poste :

 

·        Un, il faut tout de même appeler pour parler travail…

·        Deux, faire faire une recherche sur internet par sa secrétaire…

 

La cabine est digne du 22 à Asnières en bois vernis sentant le renfermé, et heureusement qu’il ne téléphone pas pour transmettre des secrets, car l’insonorisation n’a pas été prévue

 

-         Allo Colette, (Prénommée ainsi par une mère fan de Colette Renard). Allo, ne vous évanouissez pas c’est Nicolas. Oui je vais bien, quand je rentre ? Je ne le sais pas, dés que le médecin m’en donnera le feu vert, non je ne vous cache rien, si je vous dis que je vais bien, faites-moi confiance, j’ai juste besoin d’un peu repos et pas de stress.

-         Mais…

-         Avez-vous des dossiers en attente ou en cours qui vous posent question ?

-         Ben c’est que…non, pas de problème particulier, mais cela peut venir !

-         Si cela se produit, vous en parlez à Dick et vous lui demandez d’appeler mon médecin, il sait où le trouver il l’a déjà fait, pour le reste faites comme d’habitude, si je ne suis pas de retour avant la fin de la semaine je vous repasserai un coup de fil.

-         Vous alors, vous ne vous rendez pas compte, vous êtes drôle, moi j’ai peur de ne pas être à la hauteur !

-         Croyez vous que je vous parlerais de la sorte si je pensais que ces tâches soient au dessus de vos capacités, j’ai toute confiance en vous. Je vous remercie pour tout ce que vous faites pour moi.

-         C’est gentil de me le dire, même si vous ne le pensez pas.

-         J’ai encore besoin que vous me rendiez un service…

 

Il lui fallut un petit moment pour lui expliquer comment retrouver Florent sur internet, c’est la Nouvelle-Calédonie qui semait le trouble ;

 

-         Vous m’avez bien dit Florent Etienne c’est le…

 

En moins de cinq minutes elle lui avait donné les coordonnées de Florent, il allait encore lui falloir cogiter pour trouver la meilleure façon de se saisir de ce sésame, et ce sans provoquer plus de catastrophe qu’il n’y en avait déjà eu.

 

Deuxième étape, les matériaux !

 

Pour le marchand de matériaux, ce fut la recherche du dépôt qui s’avéra la plus problématique, heureusement qu’il n’était pas à pied, mais il est étonnant de constater comment les habitants d’une même agglomération peuvent avoir des conceptions diamétralement opposées dans la façon d’indiquer un itinéraire. Quand enfin il l’eut trouvé, ce fut vite fait de repérer tout ce qui était nécessaire, mais il ne put obtenir que la livraison intervienne avant le lendemain en début d’après midi, ça n’était pas bien grave et cela lui dégageait un petit espace de temps libre.

En définitive se déplacer en mobylette lui plaisait bien, sentir l’air courir sur son corps était une sensation grisante, heureusement qu’il y avait cela, car côté vitesse il ne fallait pas être pressé, la malheureuse machine se traînait avec beaucoup de difficultés ainsi avait-il tout le temps de profiter du paysage.

Il fit le plein, de crainte de se retrouver en panne de carburant au fin fond de la campagne, déjà qu’il devait être vigilant et mémoriser son itinéraire pour pouvoir revenir à la maison sans peur de se perdre.

 

Il fit un crochet pour passer voir le garagiste qui était venu chercher sa voiture après l’accident, mais celle-ci n’était déjà plus là, le concessionnaire BMW était déjà passé l’enlever. Il récupéra le bordereau que le garagiste lui tendait portant le numéro du dit concessionnaire, il faudrait qu’il l’appelle pour avoir des nouvelles de la remise en état.

Ce retour dans le monde ne lui apportait rien qui le satisfasse, je ne suis pas encore assez dégagé de tout ce qui m’encombre pensa- t-il.

C’est à cet instant qu’il prit pleinement conscience du besoin de décompression qui lui était nécessaire, entre le boulot et les problèmes personnels cela faisait un peu trop de questions en suspens ces derniers temps.

Son travail lui plaisait bien, mais comme pour toute activité, à la longue il y avait une certaine lassitude qui s’était installée, l’accumulation des dossiers, les déplacements, les salons, les collègues, par ailleurs, il ne s’était pas suffisamment donné la peine de chercher les moyens de se recycler, d’où le manque d’ouverture…peut-être que cette coupure impromptue était la bonne occasion de reprendre son souffle ?

 

Il déjeuna dans un restaurant de routiers juste derrière le garage, entrecôte frites, le classique de ce type de restaurant, le repas était bon et copieux, il n’aurait pas fallu qu’il déjeune dans ce type d’établissement à longueur de semaine sous peine de sérieusement s’enrober, l’ambiance y était bon enfant on sentait que l’on avait affaire à des habitués que la patronne chouchoutait comme elle le pouvait.

Elle avait marqué un temps d’arrêt devant sa table montrant bien qu’il ne faisait pas partie de sa tribu, mais il fut certain que s’il revenait un autre jour, elle le reconnaitrait et que cela se ferait spontanément.

 

Il avait aperçu des cabines téléphoniques au sous sol prés des toilettes, il calcula qu’il y avait onze heures de décalage horaire avec la Nouvelle-Calédonie, mais décida tout de même de tenter sa chance, il s’avéra impossible d’obtenir l’international ces cabines étant réservées aux communications à usage local.

La serveuse se fit un plaisir de lui indiquer où il pourrait trouver une boutique pour se procurer un portable. Un quart d’heure plus tard il était doté d’une machine basique à coté de son Black Berry, mais qui pour l’instant, ferait amplement l’affaire, le vendeur avait été très étonné de le voir faire ce choix, il ne pouvait tout de même pas lui raconter toute sa vie…

 

On décrocha à la troisième sonnerie…

 

-         Allo pourrais-je parler à Florent Etienne s’il vous plait ?

-         Non ce n’est pas possible, c’est bien ici, mais cette semaine il travaille de nuit et il n’est pas encore rentré, il faudra l’appeler dans la journée, c’est de la part de qui ?

-         Je suis Nicolas, je l’appelle depuis la France, il ne me connaît pas, j’aurais besoin de m’entretenir avec lui, c’est important. Vous êtes sa femme ?

-         On peut dire cela comme ca ! elle lui expliqua à quel moment il pourrait le joindre.

-         Je rappellerai demain sans faute, merci.

 

En coupant la communication, il avait le souffle court, dans quelle histoire avait-il entreprit de se lancer, le garçon était vivant c’était déjà cela, et si demain il en trouvait le courage il le rappellerait. Il ne fallait pas qu’il abandonne, Michelle et Simone avaient besoin d’un sérieux coup de main, et il se rendait bien compte que là bas à l’autre bout du monde il venait de jeter un sacré caillou dans la mare, désormais il ne pouvait les laisser dans l’incertitude. 

 

*****

 

 

Marianne avait rejoint son petit coin de bureau sans que personne ne lui fît la moindre remarque, elle avait même cru ressentir une forme de soulagement à la voir revenir.

 

Elle alluma son ordinateur et entreprit de préparer un courrier pour « The Lancet » (1).

Elle avait échafaudé toute un scénario dans sa tête :

-   Dans le cadre d’une démarche qualité que nous mettons en place, j’aurais besoin de savoir si la façon dont sont rédigés les articles envoyés par notre service est à votre convenance, si la forme convient bien à votre ligne rédactionnelle et si le vocabulaire utilisé est suffisamment clair sur un plan technique, Etc. … 

 

En fait elle respectait toutes les recommandations émises par cette prestigieuse revue scientifique et savait donc pertinemment que ses articles ne posaient aucune difficulté technique sur la forme, pour ce qui est du fond, ne participant pas aux recherches, elle ne pouvait en juger, ce qu’elle voulait, c’était selon la recommandation de Clarisse, de se faire reconnaître par quelqu’un d’autre que le patron du service qui l’employait !

Elle n’était pas certaine de ses réactions s’il apprenait la démarche qu’elle venait d’entreprendre, mais n’étais-ce pas lui qui la cachait dans un placard, et lui renvoyait une image d’elle-même « un peu fade et tristounette » cela c’était les propos de Clarisse et pour parler des patrons elle avait une belle palette de vocabulaire choisi !

 

Une heure après elle reçut une réponse : Madame nous ne demandons pas mieux que de vous aider à mettre en œuvre votre démarche qualité et si nous pouvons vous aider en quoi que ce soit, vous pouvez être certaine que nous le ferons.

D’ores-et déjà, sachez que vos articles nous donnent entièrement satisfaction, nous n’avons pratiquement jamais à les reprendre : orthographe, vocabulaire, forme et mise en page tout est OK. Nous pensons que cela a été une bonne idée que le recrutement par votre labo d’une traductrice américaine, vos productions se sont nettement améliorées et ont gagné en qualité. Continuez ! Bien à vous…

 

Elle sauta sur son clavier pour proposer un contact téléphonique, elle donna les coordonnées de son poste, les heures où elle était présente, précisa qu’elle était française, et qu’elle avait fait une partie de ses études à l’université de l’Oregon à Eugene aux Etats-Unis, et conclut en donnant son nom…

Ce n’est pas croyable ce que le fait de se remettre en mouvement, peut vous procurer comme sensations positives, elle se dit qu’il fallait en profiter pleinement, et au point où elle en était, autant qu’elle retourne s’expliquer avec son patron.

 

Il joua les étonnés en la voyant entrer, se demandant comment il allait se débrouiller pour pouvoir contrer sa revendication légitime d’obtenir un CDI, il ne supportait rien moins que de voir quelqu’un pleurer dans son bureau, aussi était-il sur ses gardes.

 

-         J’ai bien compris votre problème commença t’elle, il est évident que vous avez besoin d’une équipe solide et je reconnais que je n’en suis qu’un petit maillon, vous avez déjà tant de problèmes avec vos expériences que je ne veux en aucun cas être celle qui vous créée des difficultés supplémentaires…

 

1. The Lancet prestigieuse revue médicale britannique (parution hebdomadaire)

Elle dut faire attention de ne pas rire en le voyant opiner du bonnet à chacune des platitudes qu’elle lui serinait. C’est comme à la pêche pensa- t-elle, car elle adorait ce sport, lancer, amorcer, ferrer, et d’un coup de poignet remonter sa prise dans l’épuisette ;

Là elle ne le sentait pas encore mûr pour l’épuisette aussi le promena- t-elle encore un peu au bout de sa ligne en lui demandant son avis sur la rédaction qu’elle avait fait de ses derniers rapports d’expérience.

 

-         Bon, très bon !

 

 Cela commençait à donner, il s’était redressé paraissait plus grand tout à coup, il parlait les yeux dans le vague de l’importance de la recherche expérimentale…

 

Clac coup de poignet et ferré le gardon.

 

-         J’ai bien compris ce que sont les problématiques du service et du poste, on continuera comme par le passé ne vous en faites pas, mais vous devez comprendre qu’il faut que vous m’aidiez, je dois manger et payer mon loyer, aussi il faut me payez au minimum sur la base d’un smic à plein temps, c’est la moindre des choses… ne pensez-vous pas ?

 

Perdu dans ses pensées, et à cent lieues de revendications aussi triviales, et plus particulièrement considérant qu’il s’en tirait à bon compte, il se dépêcha de répondre que bien entendu il allait faire le nécessaire, que cela ne devait pas poser de difficulté, et qu’il la remerciait pour son travail et son esprit d’équipe.

 

Il poussa la galanterie jusqu'à se lever de son bureau pour lui serrer la main et la raccompagner jusqu'à la porte, encore une crise d’évitée se dit-il, il était plutôt fier de lui et de ses méthodes de management.

 

Cela pouvait donc être si simple de se faire respecter se dit Marianne, jusque là elle attendait, acceptant ce qu’on lui donnait, subissant tout sans revendiquer, Clarisse avait raison elle était une bonne pomme, mais elle apprendrait vite et allait se rattraper.

 

Pour commencer, demain elle contacterait les autres revues scientifiques avec lesquelles son service travaillait, et ce serait bien étonnant si parmi elles, elle ne puisse se créer d’autres liens privilégiés.

La crise du matin, ses longueurs de piscine, le repas avec Clarisse…Enfin toute cette succession d’événements l’avait épuisée aussi décida-telle de téléphoner à Nicolas.

 

Après tout si le culot fonctionne avec les autres pourquoi pas avec lui se dit-elle. Le téléphone sonna longtemps avant que la ligne s’établisse et ce n’était pas Nicolas qui était au bout du fil, mais Georges, elle eut du mal à cacher sa déception ;

 

-         Bonjour Marianne, cela me fait plaisir de t’entendre, à ta voix je devine que Nicolas ne t’a pas encore appelé, pour son excuse il faut reconnaître qu’il n’arrête pas, en ce moment il n’est pas là, il est parti faire des achats de matériaux pour le chantier dont je t’avais parlé. Oui il va bien et je pense que tu ne tarderas pas à pouvoir le joindre.

 

La déception était d’importance, elle n’osait pourtant pas lui en faire part, bien au contraire elle lui annonça toutes les bonnes nouvelles de sa journée, et là c’est Georges qui fut ébahie, cette petite à plus de répondant qu’il n’y parait !

 

Mais c’est Nicolas qu’elle aurait voulu avoir en ligne, elle était si contente à l’idée de lui faire part de toutes ses initiatives, à ses yeux aussi elle a envie d’exister et cela c’était tout nouveau pour elle !