Katiba, de Jean-Christophe RUFIN
Qu’est-ce qu’une katiba ? Jean-Christophe Rufin donne ce titre à son dernier roman qui rencontre un succès populaire à la hauteur de son sujet et du rythme de son écriture.
Mais pourquoi "Katiba" ? Il ne s’agit pas d’un prénom, ni d’un lieu, mais d’un mot arabe qui a désigné d’abord, durant la guerre d’Algérie, une unité offensive du FLN qui se déplace clandestinement, essentiellement de nuit.
Dans le roman de Rufin, il ne s’agit pas de la guerre d’Algérie, mais d’un sens plus contemporain du mot : un camp d’entrainement mobile pour combattants islamistes en Afrique du nord. L’univers est annoncé. C’est là où l’intrigue du roman va trouver son nœud, entre la Mauritanie, l’Algérie, le Mali, le Nigéria, dans un de ces réseaux islamistes qui font beaucoup parler d’eux depuis quelques années.
Car il s’agit bien d’un roman, et non d’un documentaire, même si l’auteur fait preuve d’une remarquable connaissance des arcanes géopolitiques dans lesquelles il situe son intrigue. En effet, Jean-Christophe Rufin, pionnier de l’humanitaire, a été de tous les grands combats ; conseiller de plusieurs secrétaires d’état ou ministres, vice-président de Médecins sans frontières, administrateur de la Croix Rouge française, il a supervisé une mission humanitaire en Bosnie et permis la libération d'une dizaine d'otages français détenus par les Serbes ; attaché culturel au Brésil, puis président de "Action contre la faim", sa dernière fonction diplomatique a été celle d’ambassadeur du Sénégal, qui a pris fin en juin dernier, sous la pression supposée du pouvoir sénégalais qu’il semblait déranger. Elu à l’Académie Française en 2008, il est aussi un écrivain reconnu, notamment pour Rouge Brésil, prix Goncourt en 2001.
Dans Katiba, il a choisi le rythme haletant d’un roman à suspense, d’un thriller que vous ne pouvez pas abandonner avant d’être arrivé à la fin. Personnage central, Jasmine, cette jeune femme dont la personnalité et le passé s’avèreront fort complexes, apporte un peu d’humanité à ce monde de terrorisme, de calculs, de coups bas, dans lequel s’entremêlent trafic de drogue, fondamentalisme islamiste, terrorisme, lutte armée. Mais le personnage double de Jasmine sème le trouble partout, quand manipule-t-elle, et quand est-elle manipulée ? Quels liens entretient-elle avec la katiba, avec cette attaque signée Al Qaida contre quatre touristes occidentaux, assassinés dans le Sahara ? Son passé ressurgit par cercles, jeune veuve du consul de Mauritanie, enfant ballotée entre la France et l’Algérie : quand est-elle sincère ? Est-elle maitresse de son destin ? De quel côté va balancer cette fille à la double haine, haine de l’occident, mais aussi de ses espoirs de jeunesse perdus ?
Bonne lecture !