Il était une fois…Une famille très calme et très paisible, qui en des temps où la vie de tout un chacun commençait à se compliquer sérieusement, avait la chance de mener une vie, bien tranquille.

 

Les parents n’avaient pas de soucis d’emploi, donc pas de problème financier, leur fille poursuivait de brillantes études en master de communication pour lequel il ne lui manquait plus qu’un stage, aucun d’entre eux n’avait de problème de santé. La vie rêvée quoi !

 

Enfin tout aurait pu aller très bien comme dans le meilleur des mondes, si le père troublé par l’approche de la cinquantaine, ne s’était mis à ne s’intéresser qu’à son apparence physique : Rides aux coins des yeux, mèches blanches, double menton, valises sous les paupières et ventre rond.

 

Si cette façon de se comporter amusa l’entourage familial et professionnel pendant quelques temps, générant lazzis et ricanements,   au sein du couple, la tension monta assez vite. De quelques escarmouches au cours des repas on passa vite à de sérieux accrochages…De fil en aiguilles le monsieur fut prié de changer de comportement ou de déménager ses pénates.

 

Un profond silence suivit cette algarade, sans un mot, il quitta la table en plein repas, dix minutes plus tard exit l’époux, mais aussi le père ; un big-bang dont leur fille demeura abasourdie.

 

A quelques temps de là, un soir en rentrant du bureau, sa mère vint frapper à la porte de sa chambre pour lui annoncer disait-elle une grande nouvelle !

 

Elle leva un sourcil, mais de l’autre œil ne quitta pas de vue son écran d’ordinateur.

 

Elle avait une collègue de travail, une amie avec qui elle s’entendait bien, Bla, Bla Bla qui a deux filles de ton âge, divorcée et ayant des problèmes financiers, elle n’a pas pu garder son appartement, elles font une heure trente de transport matin et soir…Tu te rends compte.

 

-          Elle s’en désintéressait, mais quel plan tordu sa mère allait bien pouvoir encore lui présenter.

 

Elle ne fut pas déçue !

 

-          Elle lui avait proposé de venir s’installer avec elles, proposition acceptée et elle en était ravie.

 

Sa fille abasourdie par ce nouveau Big-bang, (Cela devenait une habitude) demeura silencieuse, ce que sa mère comprit comme étant une forme très claire d’acquiescement.

 

Cinq minutes plus tard, après que sa mère eut quitté sa chambre, elle commença à débiter tous les jurons de son vocabulaire, donnant des coups de pieds aux objets qui étaient à sa portée…Cela ne régla rien, mais cela la soulagea, ces obscénités s’adressaient à son père, qui par son départ précipité et son silence la mettait dans une situation pour le moins inconfortable.

 

Le samedi suivant, branle bas de combat, elles débarquaient. Leur arrivée fut très sympathique, elles étaient charmantes quoique bruyantes. Elles trouvèrent l’appartement plaisant, ayant de beaux espaces et une bonne orientation, elles n’abordèrent pas l’aspect Fen-shui, mais ce fut de peu.

Les premiers jours il n’y eut pas de difficultés majeures, si ce n’est : Où est le café, où range t’on la poêle, excuse moi d’avoir été aussi longue à libérer le cabinet de toilette. Les mères s’entendaient bien, et les filles aussi, mais il faut se méfier de ces temps où il semble ne que rien va se passer.

 

Au petit déjeuner suivant ces dames annoncèrent que pour des raisons professionnelles, il leur fallait un espace de travail, dans lequel installer leurs ordinateurs, et à partir de là les bugs se succédèrent.

Comme il y avait trois chambres, une pour les mères, une pour les filles de la dame et une pour la fille de la maison, trouver un espace de travail semblait un challenge difficile à relever. Que nenni ! On apprit à Marie la fille de la maison que désormais elle s’installerait sur la loggia dans le séjour. Elle devrait dormir sur un matelas, car l’escalier trop étroit ne permettait pas de monter un lit jusque là, et que de toute façon l’exigüité du lieu n’aurait pas permis son installation.

 

Choc brutal, changement d’ordre comme on n’en voit qu’en cas de révolution.

 

Ce n’était qu’un début, voici comment la situation évolua dans les jours qui suivirent…

 

Camille la nouvelle amie de sa mère commença à dire que les filles ne s’impliquaient pas suffisamment dans la vie quotidienne, il allait falloir qu’elles s’investissent plus et se prennent en main.

 

Jusque là rien à dire, mais les trois filles restèrent le nez penché sur leurs bols attendant la suite.

A la fin du repas une nouvelle organisation de la vie de groupe avait vu le jour, dont le principe de base était le suivant :

  • Pour toute décision, il y aurait désormais un débat pendant le repas, suivi d’un vote très démocratique avait ajouté Camille en riant, et la messe serait dite.

 

La démocratie, et la participation de tous aux décisions semblaient être une bonne idée, mais très vite, comme dans toutes les démocraties elle devait montrer ses limites.

 

Ce qui n’avait pas été annoncé donc discuté, c’était la suppression de la femme de ménage…même en se regroupant, les ressources de la nouvelle entité ne permettaient plus de se payer ce luxe, et c’était cela qu’elles avaient baptisé pompeusement la démocratie, se partager les tâches !

 

Dès le départ de l’expérience Marie se trouva marginalisée, à chaque débat, elle savait que c’est à elle qu’échoirait la tâche ou le pensum : Vaisselle, ménage, repassage…

Ce qui la mettait en fureur c’est qu’à chaque fois que quelqu’un venait à l’appartement, on lui présentait l’expérience comme sublimissime…

 

Dans la pratique, Camille et ses filles votaient ensemble, alors la cause était entendue, pire encore, le plus souvent, les deux mères votaient de la même manière ce qui l’enfonçait encore un peu plus. Que voulez vous trouver à redire à une organisation sensée vous rendre responsable ?

 

Les deux sœurs, au commencement sans malice, puis de plus en plus cruellement, prirent l’habitude de la désigner sous les vocables de Dustiness (1) ou de Staubig (2), sa mère décidément hors du coup trouva que ces petits-noms lui allaient bien et que les filles avaient beaucoup d’imagination.

A quoi bon lui expliquer le sens de ces mots, elle se serait contentée de hausser les épaules en rétorquant qu’elle avait l’esprit étroit.

Heureusement qu’il lui restait les toits et le chéneau dans lequel elle s’étendait le soir pour regarder les étoiles, elle y avait rencontré un gros chat ronronneur qui venait se blottir contre elle, et cela lui redonnait le moral, et là elle se surprenait à rêver.

 

Ce n’était pas le tout, les problèmes familiaux, il fallait aussi assumer la fac, et le premier semestre universitaire se terminait. L’assistante qui s’occupait des recherches de stage lui indiqua qu’elle avait une idée pour elle :

 

 -          Puisque c’est ton module de communication qui est en jeu, je te vois bien faire ton stage dans les milieux de la télévision…

 

Elle ne répondit pas abasourdi par cette suggestion (encore).

 

-   C’est que je ne connais pas ce milieu, et encore moins un moyen de m’y introduire ?

 

Son professeur avait réponse à tout, et la situation l’amusait visiblement.

 

-          Te voila bien timide tout à coup, je t’ai trouvé une formule pour pénétrer les lieux incognito. La chaîne « Thêta 16 » organise chaque année deux soirées récréatives au cours desquelles elle sélectionne des candidats pour ses jeux et des animateurs stagiaires, à toi de jouer. Je t’ai obtenu les invitations pour entrer, mais c’est tout ce que je peux faire.

 

Le soir au repas elle ne put cacher sa joie et expliqua avec moult détails l’aventure à laquelle elle se préparait…Ah l’imprudente, si les mères restèrent extérieures à son récit qui prenait presque la forme de l’exaltation, les deux sœurs elles n’en perdirent pas une miette. Elles se jetaient des regards à la dérobée, et ces regards portaient tous les signes de la concupiscence, quand elle leur eut répondu qu’il n’était pas question qu’elle les emmène, leur hostilité devint palpable.

 

Elle avait quinze jours pour se préparer à ces soirées, la première permettrait de sélectionner les candidats retenus, la seconde de leur attribuer une place dans l’une des émissions de la chaîne.

 

Enfin le grand jour, avant d’entrer dans la salle de bain, elle avait préparé toutes ses affaires : sa tenue d’étudiante bien élevée, son portable, ses sésames pour l’entrée…puis elle était entrée en salle de bain, et ce ne fut pas une petite affaire, masque, épilation, gommage, crèmes et tutti-quanti. Pour la coiffure elle passerait chez le coiffeur pour un coup de peigne…Ne restait qu’à se maquiller, elle avait prévu quelque chose de léger fard à paupières et un peu de rouge à lèvres.

 

Deux heures chrono, il fallait commencer à s’activer, en sortant de la salle d’eau, elle trouva la maison calme et personne ne répondit quand elle exprima ses excuses pour une occupation aussi longue des lieux…Tout ce qu’elle pensait avoir disposé sur la table avait disparu, je perds la tête se dit-elle, c’est sur mon lit ? Rien, plus de sac, plus de portable, plus de robe…Elle sentit les larmes lui monter aux yeux et décida d’appeler sa mère à la rescousse, mais le téléphone fixe avait lui aussi disparu et quand elle voulut sortir de l’appartement la porte était fermée à double tour.

 

Elle commençait à avoir une certaine idée de ce qui était en train de se passer et sa rage en fut décuplée, mais son impuissance fut plus cruelle encore.

Elle alla se réfugier dans le chéneau témoin de tous ses chagrins, le soleil était doux et chaud et elle faillit s’y endormir. C’est alors qu’apparut son ami le chat ce qui lui apporta un peu de réconfort, contrairement à son habitude il refusa obstinément de venir se blottir contre elle, il se dirigeait avec ostentation vers l’angle de l’immeuble.

 

Comme elle ne le suivait pas, il recommença plusieurs fois son manège, si fait qu’intriguée elle finit par le suivre, c’est qu’elle n’était pas rassurée de contourner l’angle du toit, elle devait s’aventurer dans un espace qu’elle ne connaissait pas…Le chat avait prit de l’avance, lui les étages au dessus de la cour cela ne l’impressionnait pas.

 

Il finit par se poster devant une fenêtre, semblant l’attendre. On entendait couler une douche, et personne n’était visible dans la pièce, elle frappa sur le carreau, tout d’abord il ne se produisit rien, puis la douche cessa de couler, et un très beau jeune homme apparut dans toute sa splendeur. D’un pas décidé il se dirigea vers la porte pour regarder par l’œilleton, ce qui permit à Marie de constater que l’envers valait bien l’endroit.

Le chat que la situation devait amuser choisit cet instant pour sauter dans la pièce, au bruit le jeune homme se retourna et découvrit dans l’embrassure une jeune femme qui ne pouvant parler lui fit un bonjour de la main…Elle n’avait plus besoin de se maquiller, son visage ayant prit des couleurs.

 

Il jura entre ses dents, arracha la nappe de sa table pour s’en faire une toge et couina.

-          Oui c’est pourquoi ?

 

Elle sauta dans la pièce !

-          Une urgence, un bottin, le téléphone…

 

Sans plus de commentaire, elle fit ses recherches, passa un coup de fil à sa prof de fac stupéfaite par l’histoire qu’elle lui résuma en, « aidez moi ou c’est la catastrophe » 

 

-          Ne bouge pas je saute sur mon scooter, j’arrive

 

Le jeune homme qui venait de lui sauver la mise avait profité de cet intermède pour filer s’habiller dans la douche…Habillé il était toujours aussi craquant, et la rougeur qui avait envahi ses joues depuis l’irruption dans son studio ne faisait que le rendre plus charmant. Elle lui claquât deux bises en lui promettant de revenir bientôt et fila attendre son attelage de secours sur le bord du trottoir.

 

-          Si j’ai bien compris tu n’as plus rien à te mettre ?

-          Ben non, elles m’ont tout pris !

-          Pour une histoire de fou, il n’y a pas à dire c’est top !

 

Au milieu de la circulation, avec le vent et le bruit du moteur, les échanges n’étaient pas aisés, aussi s’arrêtèrent-elle pour prendre un café, et calmement envisager des solutions de rechange.

Trois coups de fil plus tard, le plan de sauvegarde était sur pied : Une amie de la prof, relookeuse de son état, fort amusée par l’aventure avait accepté de les recevoir et de lui offrir la totale.

 

A peine arrivé elle fut prise en main, shampouinée vigoureusement et coiffée de façon démente, la maquilleuse lui fit des yeux de rêve, une bouche fracassante et un teint de pêche.

 

Au vestiaire la situation devint totalement hors de contrôle, toute l’équipe était déchainée, et les tenues préparées la laissèrent médusée, comment vous expliquer, si vous suivez tant soit peu la mode imaginez les tenues d’Alexander Mac Queen : en gros porno chic, très ouvertes, très courtes, très colorées, mais si la victoire devait être à ce prix, alors pourquoi pas se dit-elle.

 

Tous les membres de l’équipe se succédèrent pour venir donner leur avis,

-          Nous, la télé on connaît alors tu sais, il faut oser y aller, là-bas rien n’est trop tu verras, n’oublie pas de leur dire que c’est nous qui t’avons préparé.

Pour l’instant, elle avait l’impression de se changer dans une vitrine chacun entrait et sortait, perchée sur des talons de dix centimètres, en culotte et soutient gorge elle n’en menait pas large.

 

Le silence se fit, c’est Ok, on ne change plus rien, on installa devant elle une psyché et elle put se voire en pied, ce fut le choc. Elle ne retrouvait rien de l’étudiante en jean et talons plats, cheveux tirés en arrière par un bandeau. Elle ressemblait à une jeune actrice habituée des couvertures de Première ou de Elle…Un ravissement, mais aussi une angoisse !

 

Il se faisait tard, et après tout ce travail de préparation, il n’était pas question de rater son entrée, l’une des habilleuses lui confia les lunettes de soleil qu’elle portait perchées sur le haut du crâne, tant pis pour le maquillage cela te donnera plus de mystère lui dit-elle au creux de l’oreille.

Elle utilisa le temps du voyage jusqu’au studio pour reprendre son souffle, et retrouver son calme.

A son arrivée, les portes s’ouvrirent devant-elle sans que personne ne lui demande son invitation, un physionomiste qui examinait les arrivantes sur son écran de contrôle glissa ses instructions dans une oreillette, et elle se trouva propulsée juste derrière l’animateur en plein champ des caméras.

Il faisait extrêmement chaud et le bruit était impressionnant, en attendant le début de l’émission le public à dominante féminine était en ébullition, c’est que les enjeux étaient d’importance.

 

Depuis la régie et avec l’aide des caméras on faisait encore monter la pression en projetant des images puisées au hasard dans le public, dés que des spectateurs se reconnaissaient sur les écrans, les scènes d’hystérie étaient impressionnantes, répondant en cela au but recherché.

Alors qu’elle était penchée en avant pour remettre son mouchoir dans son sac elle entendit une clameur qui ébranla la salle, levant machinalement les yeux elle vit ce qui ravissait le public, c’était ma fois un décolleté fort agréable à voir mais, en se faisant cette réflexion elle réalisa que c’était son image qui s’étalait là sur les écrans. Elle hésita un moment, souffle coupé, n’osant bouger bras ou jambe de peur qu’un cadreur déchainé ne donne à voir au public d’autres aspects de sa féminité.

 

Heureusement, l’arrivée de l’animateur vedette sur le plateau détourna l’attention du public et obligea les cadreurs à se concentrer sur le déroulement de l’émission. Elle venait de prendre sa première leçon de plateau de télé réalité, et comprenait mieux les réflexions que lui avaient susurrées les habilleuses au centre de relooking. « Nous on connaît ce milieu là » au nombre de fois où elle passa sur les écrans au cours de la soirée, elles connaissaient bien leur métier.

 

Une succession de tirages au sort amena sur la scène une cohorte de jeunes gens en larmes, le souffle court, arrivant à peine à prononcer leurs prénoms tant ils étaient émus. Avec les garçons l’animateur jouait les durs, leur donnant des tapes dans le dos, leur posant des questions égrillardes qui faisaient beaucoup rire, certain chantèrent quelques mesures, exécutèrent quelques pas de danse, tous repartirent le bras tendu les doigts formant le V de la victoire.

Avec les jeunes filles, sa technique était plus rodée, il avait une assistante qui se précipitait avec une boîte de mouchoirs pour éponger les larmes, il les prenait complaisamment dans ses bras pour les consoler et les rassurer, leur racontait quelques balivernes pour les faire rire. Au fil de la soirée la tension monta dans la salle, car il devenait évident que tout le monde ne pourrait être retenu pour la grande finale du lendemain, et certains sentaient déjà la détresse les envahir.

 

Après le passage de chaque groupe de candidats il y avait un divertissement, Crooner déclassé, grandes vedettes de la chanson que plus personne ne connaissait, mais qu’importe le chauffeur de salle connaissait sa partie chaque apparition était soutenue par les cris d’une salle enflammée.

 

Dans le dernier groupe elle avait reconnu les filles de leur colocataire, l’une d’entre elles avait été appelée, mais elles étaient venues toutes les deux en minaudant, prétextant qu’elles ne pouvaient être séparées, l’animateur les avait sur le champ baptisées les Siamoises et décidé que pourquoi n’en prendre qu’une, puisque c’était demandé si gentiment. Elle apprit le lendemain pendant le repas que cette mise en scène avait été préparée en coulisse avec l’un des responsables de l’émission.

 

Elle était encore dans les images de l’intermède ballet qui venait de se dérouler, quand elle ressenti un flottement dans la salle : dernier appel pour le 425, si la personne qui a ce numéro ne veut pas venir tant pis nous passerons à quelqu’un d’autre ? C’était-elle…

 

Elle se leva comme un automate, se vit sur les écrans géants descendre les escaliers pour rejoindre l’animateur sur le podium…sa langue était collée à son palais, et elle se demanda ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire, il n’y eut cependant pas de difficulté, cet homme aurait fait parler un mort aurait dit sa grand-mère.

Après les papouillages d’usage, l’assistante en fut pour sa boite de mouchoirs car il était hors de question qu’elle ne verse une larme, elle fut tout étonnée de s’entendre expliquer sa problématique de stage, ce n’était pas le texte attendu, mais son air posé et son discours construit empêchèrent l’animateur de raconter ses balivernes…Mais diable il était pire qu’un poulpe avec ses mains partout, elle se dit qu’elle devrait se tenir sur ses gardes.

En quittant le podium elle ne regagna pas sa place, il était minuit et sa prof l’attendait avec son scooter devant les portes du studio. Elle traversa une salle médusée suivie par les caméras, et pour une fois l’animateur resta sans voix.

 

Sa prof qui avait observé sa prestation depuis les coulisses la félicita pour l’aisance dont elle avait fait preuve et la qualité de son propos, les choses sont en bonne voie lui dit-elle !

 

- Vous avez un portable demanda Marie ?

- Bien sûr, qui veux-tu appeler ?

- Les chères copines qui m’ont joué ce sale tour.

 

Elle ne savait pas que par son intervention, elle s’apprêtait à faire changer toute une partie du concept de l’émission ;

Quand le téléphone sonna au beau milieu d’un show, les sœurs ivres de rage purent lire sur l’écran

-Vous êtes-vous bien amusée ?

Sous les sifflets de leurs voisins de travée, elles jetèrent le portable dérobé à Marie sous la banquette après l’avoir éteint.

 

Le petit déjeuner du lendemain fut à la hauteur de l’évènement, vous vous rendez compte, on a été retenue toutes les deux, c’était vraiment super. Elles ne se rendirent même pas compte de la cruauté de leur propos alors que par leur comportement, elles avaient privé Marie de sa soirée et de ses chances d’obtenir un stage.

Elles racontèrent qu’une fille super canon avait débarqué dans la soirée, ce qui avait un peu brouillé le jeu puisque l’animateur et les cadreurs n’en avaient plus eu que pour elle.                    

 

-  Elle n’avait pas froid aux yeux si tu vois ce que je veux dire.

 

Les deux sœurs se demandaient bien à quel moment l’orage allait éclater, ne comprenant pas pourquoi Marie ne disait rien et restait là silencieuse à les écouter. Leurs actes ne pouvant rester sans conséquences

 

Elles finirent par venir la voir dans le cabinet de toilette pour une explication ;

 

-          Tu sais tu n’as rien raté, c’était très fun, et toi avec ton air de Sainte Nitouche tu n’avais aucune chance, fais pas la gueule on te racontera.

 

Marie qui se voyait encore dans la glace avec le maquillage et la coiffure de la soirée dut se retenir de ne pas exploser de rire. S’il y en avait bien deux qui avaient eu des airs de Saintes Machin, c’étaient elles en sœurs siamoises. Mais la réponse ce serait pour plus tard.

 

Pour la seconde soirée plus question de robe extra full et de maquillage Cannesque, Un jean, un pull gris ras du coup, les cheveux tirée en arrière, les lunettes de soleil, ce serait à elle de jouer.

 

Pendant ce temps, les évènements s’accéléraient sur le plateau de tournage de l’émission.

 

Une employée venait de faire le tour des travées pour ramasser tout ce que la horde hystérique avait oubliée derrière elle, et du milieu de tout ce bazar hétéroclite elle venait d’extraire un portable !

 

Pas de nom, pas d’adresse, il était éteint et protégé par son code pin. L’animateur à qui on venait de le remettre avait un peu le moral aux abonnés absents, son émission n’ayant pas obtenu les scores d’audience qu’il se croyait en droit d’espérer. En conséquence de quoi, tout le staff était réuni pour trouver le plus qui permettrait d’enflammer l’antenne lors de la deuxième soirée.

 

L’une de ses assistantes leva la main pour avoir la parole :

 

-          Nous pourrions annoncer que la personne qui sera capable d’allumer le portable bénéficiera d’un rôle d’assistante tout au long de la saison d’été

-          C’est tout ce que tu as trouvé d’intelligent à nous proposer

 

Elle se tassa sur son siège se tenant coi, pour avoir la surprise dix minutes de silence plus tard d’entendre son Boss reprendre son idée pour en faire un nouveau concept du jeu.

 

On commencerait par les candidats non retenus, et si aucun d’entre eux ne parvenait à allumer l’appareil on passerait aux candidats déjà retenus.

 

-          L’assistante à l’origine de cette idée et que le comportement de son patron avait énervé demanda à nouveau la parole - Et si personne n’est capable de l’allumer.

-          Tu te débrouilles avec l’opérateur pour avoir ce foutu code et si personne n’y parvient tu entreras en scène et le tour sera joué

 

Toute la journée la chaîne avait martelé le message annonçant ce qui allait se passer, à tel point que d’autres en avaient pris le relais, ce qui promettait que pour cette soirée les records d’audience s’apprêtaient à être battus.

 

Il y avait foule devant les portes du studio deux heures avant l’émission et les cerbères durent être féroces pour ne pas laisser de resquilleurs s’introduire dans la place.

Vous devez impérativement reprendre vos places numérotées et ne pas en changer…quelques places laissées vacantes par les déçus de la veille trouvèrent vite preneur.

C’est fou ce qu’avec quatre chiffres on peut imaginer comme combinaisons la file avançait cependant très vite, mais personne ne parvenait à trouver la bonne clé.

Des non sélectionnés, on était passé aux sélectionnés et là les siamoises qui scrutaient les gradins avaient ressenti un certain malaise. La fille canon d’hier au soir avait changé de look, mais elle avait quelque chose qui leur était familier.

 

Son numéro fut appelé, très décontractée elle gagna le podium n’imaginant même pas ce qui allait se produire.

- Ce ne pouvait pas être son portable puisqu’elle n’en avait pas en venant à la soirée.

 

Mais quand elle eut le portable dans la main, immédiatement elle le reconnut, tapa son code et éclata de rire !!!

 

Elle a bien obtenu son stage, les assistantes professionnelles lui ont appris à se protéger du Poulpe, quand celui-ci se faisait trop pressant.

 

Elle leur a raconté son aventure et le comportement de ses colocataires, cette histoire les a fait bien rire et elles lui ont concocté une vengeance tout à fait de son goût.

 

Les Siamoises ont été sélectionnées pour l’émission le « Bonheur est à la ferme ». A leur retour trois semaines après, elles avaient la peau cuite, les mains calleuses, l’une sentait la brebis du Larzac malgré ses nombreuses douches et l’autre marchait penchée en avant les reins rompus d’avoir biné des hectares de légumes Bio.

 

Tous les soirs Marie monte dans son chéneau, le chat vient toujours lui tenir compagnie.

Hier elle a vue des étoiles filantes et fait un vœu. 

 

Demain peut être, le chat ne viendra pas seul ?


1 : Dustiness : Poussiéreuse     2 : Staubig : Poussiéreuse

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